Il y a presque trois ans, les exécutifs canadiens et européens signaient l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne (UE) et le Canada, dit « CETA ». Ratifié en février 2017 par le Parlement européen, la France est amenée à se prononcer sur sa ratification ce mardi 23 juillet.
Ce traité ne tend pas seulement à démanteler les droits de douanes ou les barrières tarifaires, mais également à altérer nos modes de consommations et nos modèles de production, tout en reniant les objectifs que la France s’est engagée à atteindre lors des accords de Paris. Je m’apprête donc à voter contre ce projet de ratification, et ce, pour de nombreuses raisons :
La commission d’experts indépendants (dite « commission Schubert ») en charge de l’évaluation de l’impact attendu de l’entrée en vigueur du CETA a reconnu le climat comme « le grand absent » de cet accord. En effet, d’après cette commission, le CETA tend non seulement à augmenter les émissions de gaz à effet de serre, mais ne présente en outre aucune clause écologique contraignante, se posant de fait en contradiction avec les accords de Paris. Par ailleurs, le Canada est l’un des pires pays du G20 en matière climatique puisqu’il émet en moyenne trois fois plus de gaz à effet de serre qu’un pays européen. Cela s’explique notamment par le fait que Justin Trudeau n’ait jamais relevé l’ambition climatique du Canada, et que son gouvernement ait déjà reconnu qu’il ne tiendrait pas ses engagements pour 2020 (à savoir, une diminituion de 17% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005). Cette situation pourrait encore s’empirer dans les semaines à venir dans la mesure où Andrew Sheer (le candidat conservateur en tête dans les sondages pour les élections fédérales d’octobre prochain) a voté contre la ratification de l’Accord de Paris. S’il devient Premier ministre, il prévoit de développer encore d’avantage l’exploitation des sables bitumineux et du gaz de schiste.
Au nom du dogme du libre-échange, cet accord représente une menace directe pour nos services publics puisque, contrairement aux autres accords commerciaux, il ne présente pas de listes dite « positives » mais à l’inverse, propose des « listes négatives » induisant donc une éventuelle libéralisation de tous les services publics qui n’auront pas été explicitement exclus de l’accord. En outre, les politiques publiques visant à limiter le dérèglement climatique pourraient être contestées par un investisseur privé.
Contrairement à l’argument commercial avancé par le gouvernement, les études d’impact sur les conséquences économiques de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord laissent apparaître qu’à l’horizon 2035, le solde de commerce bilatéral entre le Canada et la France devrait être négatif pour cette dernière, à hauteur de -1,1 milliard d’euros.
Cet accord permettrait aux entreprises étrangères d’avoir la possibilité d’attaquer la France devant un tribunal d’arbitrage (sorte de système juridique parallèle aux juridictions nationales). Cette disposition pose de graves questions en termes de souveraineté nationale mais également en termes d’égalité puisque les entreprises françaises n’auraient de leur côté pas la possibilité d’attaquer l’Etat français devant ce même tribunal.
Malgré l’amélioration de quelques dispositions, certaines, nuisibles, persistent. Parmi elles le problème d’harmonisation des normes. Comme le relève la commission Schubert, « on ne peut exclure que les imprécisions du CETA conduisent à l’arrivée sur le marché européen de produits autorisés en vertu d’une règlementation ne prenant pas en compte le principe de précaution ». Ainsi, du saumon transgénique élevé au Canada pourrait par exemple, en l’état actuel du traité, être importé vers l’UE. Nous l’avons d’ailleurs vu avec l’accord de libre-échange Nord-Américain (dit « ALENA ») lorsque le Canada a attaqué, avec succès, les États-Unis en vertu de cet accord pour contester les règles américaines d’étiquetage sur l’origine de la viande.
Pour toutes ces raisons, je voterai bien évidemment contre la ratification de cet accord lors de son vote en séance publique, ce mardi 23 juillet. Au-delà, j’ai souhaité mobiliser tous les moyens à ma disposition pour empêcher cette ratification. Ainsi, avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous avons défendu en séance, une proposition de résolution visant à rejeter le projet de loi de ratification. Elle a été rejeté avec 110 voix pour et 136 contre.
J’étais présent avec les militants de Génération.s au rassemblement contre la ratification du CETA ce mardi 16 juillet devant l’Assemblée Nationale.
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BRAVO oui BRAVO pour votre courageuse décision. Votre intelligence de cœur et d’esprit vous rend bien différent de beaucoup d’élus ! Continuez et gardez courage et confiance. Les gouttes d’eau lancées dans un milieu aride font éclore les fleurs.
Comme d’habitude, vous avez été à la hauteur M. Juanico et je vous en félicite !