Le rapporteur de la commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France, Adrien Morenas, a remis son rapport, clôturant près de 6 mois d’audition et de réflexion pour en finir avec la montée et l’impunité de ces organisations.
La commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France s’est déroulée dans un contexte brulant. Le Président de la République avait promis lors du dîner du Crif le 20 février 2019 la dissolution du Bastion Social (dissout depuis), de Blood & Honour et Combat 18. D’autre part, les groupuscules ont continué à agir et à nuire à l’ordre public ; Génération Identitaire a par exemple occupé la Caisse d’Allocation Familiale de Seine-Saint-Denis (93).
Il faut souligner l’entente et la volonté transpartisane de cette commission d’enquête qui ont permis d’aboutir à un rapport de qualité, dont on peut espérer que les préconisations seront suivies.
La lutte contre les groupuscules d’extrême droite nécessite davantage de moyens budgétaires et humains, comme le souligne le rapport, afin de répondre à l’évolution de ces groupuscules notamment sur le plan numérique. Une priorité particulière doit aller dans la prévention de la radicalisation extrémiste, notamment par l’éducation aux médias qui doit cependant concerner les jeunes comme les seniors, ces derniers n’étant pas mentionnés dans le rapport. Par ailleurs, les hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet doivent être mis devant leurs responsabilités, en accroissant notamment leurs obligations de transparence.
Le rapport souligne également le manque de données sur les exactions de ces groupuscules : il préconise qu’un rapport annuel construit par le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur soit présenté chaque année au Parlement.
Si je soutiens la majorité des préconisations de ce rapport, j’exprime un désaccord ou une interrogation à l’égard de quelques propositions comme celles vis-à-vis de la création d’un registre numérique dématérialisé recensant les informations relatives aux associations (recommandation n° 10). Cette possibilité offerte au renseignement risque notamment d’être attentatoire à la liberté d’association.
De la même façon, l’obligation de publication et de certification des comptes pour toute association se portant candidate à une aide publique (recommandation n° 11), en supprimant le seuil de 153 000 euros, fait craindre des difficultés certaines pour les petites structures qui n’auront peut-être pas les moyens d’avoir recours à un expert-comptable.
J’exprime également un désaccord face à la recommandation n° 31 d’étendre le champ d’action du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) à la radicalisation identitaire et à d’autres formes de radicalisation : le rapporteur cite en effet l’anarchisme, l’antisionisme et le mouvement vegan.
D’autre part, concernant la lutte contre la radicalisation à l’école, la mission flash conduite par deux collègues a dégagé un certain nombre de pistes, allant davantage dans le sens de mise en situation des jeunes par des ateliers d’expression artistique (théâtre, lectures, musique…) que par une énième « évaluation » des compétences.
Par ailleurs, il est pour le moins aventureux de mettre un signe égal systématique entre antisionisme et antisémitisme. En effet, un peu partout dans le monde, des individus et des associations notamment juives fondent leur opposition à l’idéologie sioniste sur des convictions éthiques et politiques.
Enfin, l’opportunité de la mise en place d’un cahier du citoyen et du vivre ensemble promu par le rapporteur (recommandation n° 32), qui recenserait les apprentissages de l’élève dans l’éducation à la citoyenneté me laisse perplexe. Un cahier de ce type ne semble pas le meilleur instrument d’éducation civique des élèves. La mise en œuvre de ce dispositif risquerait de faire peser une charge trop importante sur les équipes pédagogiques sans pour autant garantir l’efficacité escomptée. Il serait souhaitable d’associer à la réflexion le monde enseignant et les associations concernées.
Ce sujet nécessite de continuer à faire preuve de vigilance, collectivement, et de combattre les pratiques délictueuses des groupuscules d’extrême droite.
Avec mes collègues Muriel Ressiguier, Députée insoumise de l’Hérault et Michèles Victory, Députée socialiste de l’Ardèche, nous avons apporter une contribution commune à ce rapport.
Le rapport de la commission by on Scribd
Notre contribution commune au rapport by on Scribd
En savoir plus :
À Berlin, pour mieux lutter contre les groupuscules d’extrême-droite
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