Au lendemain des Etats Généraux de l’Alimentation, nous abordions avec optimisme, avec mes collègues du groupe Nouvelle Gauche, l’examen du projet de loi relatif à l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Malheureusement, le texte adopté ce mercredi 31 mai est loin d’atteindre les objectifs initiaux de justice économique pour les producteurs et de qualité alimentaire pour tous. Au contraire, il enchaîne les reniements sur la santé environnementale et l’écologie : l’engagement de campagne du Président de la République d’interdire l’utilisation du glyphosate d’ici 2021 est notamment trahi.
Par expérience, nous savions que le discours du Président de la République à Rungis ne serait pas un coup de baguette magique pour résoudre les fragilités structurelles des marchés agricoles : une fragmentation de l’offre face aux oligopoles, la faiblesse des instruments de régulation des marchés avec une concurrence intra-communautaire stérile et, à l’horizon, le risque de dumping social et environnemental par le CETA et le MERCOSUR…
Pourtant, pendant 6 mois, à travers les travaux de 14 ateliers des EGA, une grande espérance a été suscitée. Il faudra collectivement s’interroger sur la façon dont cet élan a progressivement été brisé et dont le résultat est un projet de loi timoré.
Fort de notre engagement de longue date sur des sujets majeurs du projet de loi (gaspillage alimentaire, maîtrise des pesticides, régulation foncière, bien-être animal), notre groupe a fait plus de 110 propositions d’amendements pour enrichir ce projet de loi : presque aucun n’a été retenu par la majorité LREM de l’Assemblée nationale.
Nos trois idées retenues ont en commun de donner à la société les outils pour se transformer elle-même :
Nous regrettons l’absence d’écoute et de dialogue sur des propositions aussi capitales que des objectifs de qualité nutritionnelle pour l’ensemble de l’alimentation produite en France, un encadrement du marketing alimentaire et une définition plus précise de l’éducation à l’alimentation, une stratégie nationale pour les grandes associations d’organisations de producteurs, une couverture nationale des plans alimentaires territoriaux, une gouvernance unifiée de la sécurité sanitaire, l’interdiction d’importation et de vente de denrées alimentaires traitées avec des molécules interdites d’utilisation dans l’UE.
Des lignes rouges ont été franchies sur trois sujets majeurs à nos yeux :
C’est pourquoi nous n’avons eu d’autre choix que de voter contre ce texte, qui est non seulement une occasion manquée, très éloignée des ambitions et des espoirs suscités par les Etats généraux de l’alimentation, mais un ensemble de renoncements insupportable.
> Explication de vote du Groupe Nouvelle Gauche par Guillaume Garot
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, chers collègues, que reste-t-il des mois d’échanges dans le cadre des États généraux de l’alimentation ? Des agriculteurs, des responsables des entreprises de l’alimentation, des représentants syndicaux, des militants associatifs, des élus ont joué le jeu, formulé des propositions, esquissé des solutions, pour contribuer à une politique de l’alimentation qui puisse à la fois redonner du revenu aux agriculteurs et de la confiance aux consommateurs. C’était ça, le souffle des États généraux de l’alimentation !
C’était aussi l’espoir que la loi qui suivrait apporterait des réponses et tracerait un chemin pour la transition agricole et alimentaire dont notre pays a besoin.
Hélas, aujourd’hui, après les huit jours et huit nuits de débats, souvent de qualité – je tiens, à cet égard, à saluer M. le ministre et les deux rapporteurs –, qui se sont tenus sous le regard des Français, c’est la déception qui l’emporte, le sentiment d’une occasion manquée et d’un élan brisé.
Concernant le revenu des agriculteurs, les dispositions contenues dans le projet de loi s’inscrivent dans le prolongement de la loi Sapin 2, et visent à rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Nous espérons sincèrement qu’elles rempliront leur office.
Cependant, il ne faut pas bercer les agriculteurs d’illusions. Nous savons bien que les prix dépendent, le plus souvent, des marchés mondiaux, et que sans outil de régulation de ces marchés et de ces productions au plan européen, le relèvement du seuil de revente à perte ou l’inversion de la construction du prix n’auront que peu d’effet.
Allons plus loin : nous sommes, hélas, bien loin de l’ambitieuse politique de l’alimentation que le Président de la République avait lui-même appelée de ses vœux à Rungis, en octobre dernier, en parlant d’une « nouvelle France agricole » et d’une transformation profonde de nos façons de produire et de consommer. Le défi que nous avons à relever, c’est celui d’une confiance retrouvée des Français dans leur alimentation, après des années où se sont succédé des crises alimentaires et sanitaires. Le défi que nous avons à relever, c’est celui d’une alimentation de qualité pour tous, qui puisse vraiment rémunérer ceux qui font l’alimentation.
Je ne reviens pas sur le trouble créé par les contradictions du Gouvernement et de la majorité sur le glyphosate. Je ne reviens pas sur cette curieuse idée selon laquelle avant vous, monsieur le ministre, rien n’aurait été fait sur le bien-être animal, car c’est Stéphane Le Foll lui-même qui avait posé les fondements des mesures développées aujourd’hui.
Je veux plutôt vous présenter la démarche qui a été la nôtre : proposer pour avancer. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons fait des propositions très claires pour accompagner les filières et les industriels vers une alimentation plus saine, plus favorable à la santé. Vous avez refusé nos amendements en ce sens. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons proposé d’encadrer la publicité à destination des enfants et des adolescents. Cela a aussi été refusé. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons proposé une vraie éducation à l’alimentation, à l’école, avec un parcours éducatif dédié, pour transmettre des repères, en particulier nutritionnels, et pour rappeler la valeur culturelle, patrimoniale de l’alimentation, au-delà de sa valeur marchande. Cette disposition n’a pas trouvé davantage d’écho.
Nous avons également proposé, à l’initiative de notre collègue Dominique Potier, des mesures d’urgence pour lutter contre l’accaparement des terres, dont l’adoption aurait été un signal fort, dans l’attente d’une loi foncière. Nouveau refus. Enfin, nous avons proposé, toujours sous l’impulsion de notre collègue Dominique Potier, un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires, qui attendent une réparation. Cette proposition a été votée à l’unanimité de nos collègues sénateurs, mais vous l’avez également refusée.
Nous avons proposé, vous avez rejeté. Nous avons tenu une comptabilité très simple : 2 310 amendements étaient en discussion, et sur les 110 déposés par le groupe Nouvelle Gauche, vous n’en avez retenu que 7. La promesse de travailler avec tous, gauche et droite, sans parti pris, est loin d’avoir été tenue. C’était une promesse manifestement sans lendemain.
Monsieur le ministre, chers collègues, nous continuerons de proposer pour avancer, mais vous ne nous laissez pas d’autres choix, aujourd’hui, que de voter contre ce projet de loi.
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j’ai été très choquée de l’abandon de l’interdiction du glyphosate dans 3 ans ,mais je dois dois dire qu’avec ce ministre de l’agriculture ,cela ne m’étonne pas , que faut il faire! je suis prêtre à descendre dans la rue pour défendre l’avenir et la santé des générations suivantes, , mais difficile de mobiliser les Français qui râlent sans cesse pour leur pouvoir d’achat mais qui feraient bien de se poser les bonnes questions, comment manger mieux et plus sain , cela leur permettrait de faire des économies. au lieu de fréquenter ces grandes surfaces et d’être attirés par un tas de choses dont ils n’ont pas besoin.
Bonjour,
L’Assemblée nationale a refusé d’inscrire dans la loi l’interdiction du glyphosate, 491 députés étaient absents ce jour-là dont vous-même. Pouvez-vous nous éclairer sur votre position sur ce sujet précis. Je sais que vous êtes habituellement très présent dans l’hémicycle.
Merci
Nous avons tout simplement été trompés et victimes d’une manœuvre du président de séance et de la majorité, car les amendements portant sur l’interdiction du glyphosate devaient être discutés et votés le mardi après midi devant le plus grand nombre de députés, ce que vous conviendrez, vu l’importance du sujet, pas à 1h40 du matin en catimini et en infraction avec le règlement intérieur puisque les débats doivent cesser dans l’hémicycle à 1h… je me refuse à cautionner de telles pratiques stakhanovistes qui inscrivent à l’ordre du jour de l’AN des choix fondamentaux en pleine nuit.
Ce qui compte, c’est le vote final sur le projet de loi mercredi où j’ai voté contre, contre l’absence d’interdiction du glyphosate d’ici 2021 mais aussi l’absence de vidéo surveillance obligatoire dans les abattoirs et tous les autres renoncements du texte de loi: pas d’interdiction des épandages aériens à proximité des lieux de vie…
http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/15/(num)/729
Je vous invite aussi à consulter les résultats de ce scrutin public sur la mise en place d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires où nous n’avons été que 10 à voter pour…
http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/15/(num)/718
Ma position sur le glyphosate a toujours été constante et publique :
http://www.juanico.fr/2017/11/29/glyphosate-une-faute-grossiere-pour-lavenir-de-la-construction-europeenne/
http://www.juanico.fr/2017/09/15/glyphosate-la-france-ne-doit-rien-lacher/
http://www.juanico.fr/2018/01/24/9-mois-pour-lutter-contre-les-pesticides/
http://www.juanico.fr/2016/11/30/benoit-hamon-12-propositions-pour-une-transition-ecologique/