Semaine du 23 au 29 mai

Ma contribution à la revue « Ressources éducatives » de la Fédération des Aroéven de décembre 2024.
Avec les Jeux de cet été, nous avons vécu un événement sportif planétaire grandiose, une réussite organisationnelle incontestable et une ferveur populaire sans précédent.
Mais par définition, les Jeux sont éphémères.
L’Etat est attendu à présent sur ce qu’il laissera en héritage sportif, éducatif et sociétal durable après les JOP. Et de ce point de vue, nous restons un peu sur notre faim.
Si on regarde les trois Lois Olympiques votées depuis 2018, des lois techniques ou de transposition de la convention cadre entre le CIO, le mouvement sportif français et la ville de Paris, aucune ne parle vraiment d’héritage sportif.
La Loi visant à démocratiser le sport votée en toute fin du précédent quinquennat contient quelques avancées, en particulier en matière d’élargissement de la prescription de l’activité physique adaptée, mais elle est arrivée trop tard pour produire des effets visibles avant les Jeux…
L’examen d’une Loi Héritage au Parlement, maintes fois repoussé, est prévu au mieux au cours d’année 2025 et ne produira des effets tangibles en terme de politiques publique que deux ou trois ans plus tard.
A ce stade, il manque une feuille de route robuste sur l’héritage post-2024 avec quelques priorités et des moyens financiers à la hauteur. Il s’agit de passer d’une logique d’expérimentation, parfois de saupoudrage, à une logique de généralisation partout sur les territoires en déployant des politiques publiques favorisant des modes de vies plus actifs et moins sédentaires à tous les âges de la vie.
« En termes de santé publique, la sédentarité, c’est le tabac du XXIe siècle », nous dit Paquito Bernard, professeur au département des sciences de l’activité physique de l’université Québec à Montréal.
La sédentarité, qui est le temps passé assis ou allongé avec un dépense énergétique proche de la situation de repos, c’est la nouvelle « addiction à la chaise et aux écrans ».
Les chiffres sont connus : 40% des adultes sont considérés comme sédentaires et passent plus de sept heures par jour en position assise ou allongée -hors temps de sommeil- avec des conséquences néfastes pour leur santé (mortalité générale, maladies chrono niques et cardiovasculaires).
L’inactivité physique touche aussi 40% des adultes avec des risques pour la santé indépendants de ceux liés à la sédentarité et qui peuvent se cumuler. Les femmes et les personnes en situation de handicap sont les plus touchés.
La situation est particulièrement critique pour les enfants et adolescents qui perdent 5% de leurs capacités physiques tous les dix ans. La sédentarité représente 55% de la journée des enfants à l’école primaire, 75% de la journée des adolescents à 14-15 ans et huit heures par jour pour les étudiants.
L’activité physique est un continuum : la pratique régulière durant l’enfance et l’adolescence augmente la probabilité de pratiquer une activité physique durant l’âge adulte.
Un enfant qui ne bouge pas sera un adulte qui ne bougera pas et qui développera des maladies chroniques handicapantes ou invalidantes (diabète de type 2, hypertension artérielle, surpoids, obésité…) avant même l’âge adulte.
Souhaitons-nous offrir comme perspective aux jeunes générations la perte d’espérance de vie en bonne santé du fait de la pandémie de sédentarité et d’inactivité physique ?
Nous avons besoin d’un électrochoc, d’une prise de conscience collective : il faut mettre le paquet sur la prévention primaire et agir tout autant dès le plus jeune âge à l’école : le rôle de l’Education Physique et Sportive au sein de l’Education Nationale est primordiale.
« Faire bouger pour faire bouger » ne suffit pas. C’est une discipline scolaire avec des apprentissages fondamentaux permettant d’acquérir une véritable culture motrice. Il s’agit de socialiser les élèves à travers une vision holistique de la santé : physique, mais aussi psychologique et sociale.
Avec trois heures par semaine, l’EPS représente en volume horaire théorique la troisième discipline à l’école après les mathématiques et le français et concerne tous les élèves à l’exception regrettable des enfants en situation de handicap, trop souvent dispensés.
430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, mais bien souvent dispensés d’EPS, une anomalie, alors qu’il faudrait instaurer pour tous une logique de «non contre-indication même partielle à la pratique sportive».
Dans la pratique, comme nous l’avons souligné avec le député Pascal Deguilhem dans notre rapport au Premier ministre sur le sport et l’école en 2016, le temps moyen consacré à l’EPS est d’environ 1 h 50 et non de 3 heures.
Ces 3 heures d’EPS doivent devenir effectives dans l’emploi du temps des élèves. Il est impératif de renforcer la formation initiale et continue des professeurs des écoles en activités physiques sportives et artistiques (APSA) alors que le volume de la formation en EPS dans les INSPÉ qui forment aux métiers de professorat de l’éducation et de la formation a été réduit d’un tiers en 2019.
Il y a nécessité de passer d’une logique d’expérimentation à la généralisation des dispositifs à dose « homéopathique », favorisant l’activité physique et sportive des élèves et étudiants avec plus d’activité physique tout au long de la journée dans 100% des écoles, avec plus d’EPS au collège et au lycée. Le savoir-nager et le savoir-rouler à vélo ont besoin d’un plan de rattrapage après la crise sanitaire.
Le dispositif des trente minutes d’activité physique en complément de l’EPS qui est en cours de déploiement dans les écoles ne doit pas devenir un substitut au cours d’EPS ou un « totem » qui enferme les équipes pédagogiques. Toute activité physique supplémentaire, « hors la chaise » au cours de la journée, même sous la forme de petites séances de 10 à 15 minutes est bonne à prendre.
L’objectif d’activité physique quotidienne supplémentaire peut être atteint sur le trajet domicile-école à pied ou à vélo, par l’aménagement des cours de récréation pour favoriser les jeux mixtes et la motricité
L’aménagement de 1500 cours de récréation actives, en cours de financement par l’Agence Nationale du Sport d’ici 2026 reste nettement insuffisant au regard du nombre d’écoles réparties sur l’ensemble du territoire, soit 50 000.
Alors que les coupes budgétaires ont affecté le dispositif « Cours d’écoles actives et sportives », l’aménagement des cours de récréation pour favoriser les jeux mixtes et la motricité du bâti scolaire et des abords des écoles pour faciliter les mobilités actives à pied ou en vélo doit être soutenu par l’Etat avec un fonds dédié à destination de toutes les collectivités territoriales.
Le dispositif « deux heures de sport de plus au collège », expérimenté dans 700 établissements sur 7000, lui aussi victime d’une diminution de 5 millions d’euros des ses crédits en début d’année, est illisible et très peu suivi dans les établissements.
Le rôle et la place de l’EPS au collège et au lycée ainsi que la place du sport scolaire doit être revalorisé, en augmentant les heures d’enseignement en EPS.
Les tests de condition physique accompagnés d’un programme personnalisé à l’instar de celui mis en place fin 2022 par le professeur François Carré au nom du collectif « Pour une France en forme » doivent être généralisés après concertation avec les enseignants EPS. L’étude « Inversons les courbes » montre qu’il est possible pour les collégiens de 6e dans le cadre des séances d’EPS de retrouver un bon niveau de condition physique.
Il y a aujourd’hui une prise de conscience collective des conséquences pour notre santé de l’excès de sédentarité et de l’inactivité physique, même s’ils restent sous-estimés, mais de mon point de vue les discours sont assez peu suivis de politiques publiques nationales robustes pour y remédier.
Deux exemples : avec ma collègue députée Marie-Tamarelle Verhaeghe, nous avions alerté, dans un rapport sur la prévention de santé publique sur les conséquences néfastes du temps d’écran chez les enfants et les adolescents, une commission de spécialistes a bien remis un rapport au chef de l’Etat en avril 2024, mais le plan d’actions promis « dans la foulée » se fait toujours attendre.
Nous avions aussi demandé la mise en place de tests de condition physique dès la 6e, une préconisation reprise à son compte par le Président de la République l’an dernier mais dont nous venons d’apprendre qu’elle ne sera déployée que dans 4 académies seulement à la rentrée scolaire 2024.
Pour moi, le principal héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 doit être la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre la sédentarité et de promotion de modes de vies plus actifs.
Nous sommes face à une bombe à retardement sanitaire. La lutte contre la sédentarité et l’inactivité physique nécessitent une prise de conscience des pouvoirs publics, comme ce fut le cas pour le tabac.
A l’école, avec au moins une heure d’activité physique quotidienne et le renforcement du rôle et de la place de l’EPS, puis dans l’enseignement supérieur, en développant des « campus actifs promoteur de santé », dans la vie active pour améliorer la qualité de vie au travail et prévenir l’usure professionnelle, dans les établissements sociaux et médico-sociaux, notamment les Ehpad, en outil de prévention des risques liés à la perte d’autonomie et en direction des 12 millions de personnes en situation de handicap.
Lutter contre la sédentarité, c’est aussi penser nos espaces autrement, par la promotion de nouvelles formes de mobilité au cœur de nos territoires, le développement des mobilités actives (marche, vélo…), de dispositifs innovants de design actif, d’aménagement des espaces publics : sentiers pédestres, pistes cyclables sécurisées, parcs et aires de jeux, pour favoriser l’activité physique des Français à proximité de chez eux mais aussi l’aménagement des cours de récréation, du bâti scolaire (il faut bouger en classe !) et des abords des écoles sur les dernières centaines de mètres ou le dernier kilomètre pour favoriser les mobilités actives, à pied ou à vélo.
Enfin, la prescription d’activité physique adaptée doit progressivement faire l’objet d’une prise en charge financière pour être accessible à tous. La première consultation intégrant les bilans médicaux, physiques et motivationnels préalables à la prescription de l’APA doit être remboursée par l’Assurance maladie et sa généralisation doit s’appuyer sur les maisons sport-santé (MSS) qui doivent devenir le « guichet unique » dans tous les territoires.
Les injonctions et exhortations sanitaires à l’instar du fameux slogan « Manger-bouger » sont bien souvent inefficientes et peuvent même être contre-productives. Un élément clé est de trouver une activité pour laquelle on a du plaisir. Pour cela, nous devons passer d’une logique de « sport santé » parfois dissuasive au « sport plaisir » qui passe par la littératie physique.
La littératie physique, concept très répandu au Canada, c’est la « motivation, la confiance, la compétence physique, le savoir et la compréhension qu’une personne possède et qui lui permettent de valoriser et de prendre en charge son engagement envers l’activité physique comme facteur de santé et d’épanouissement tout au long de sa vie ».
L’EPS a un rôle majeur dans l’éducation à une littératie physique. Cela reviendrait à concevoir des programmes d’EPS sur un continuum, de l’école maternelle à l’université, permettant l’alphabétisation physique de tous les élèves dans l’idée de les rendre acteurs de leur santé physique, mentale et sociale.
Les 35 000 enseignants d’EPS, ainsi que les professeurs des écoles et les enseignants en STAPS, ont un rôle majeur à jouer dans l’éducation à un engagement durable dans des activités physiques et sportives.
C’est un appel au changement durable, de nos comportements et de nos modes de vie plus actif tout au long de l’existence. Un vrai projet de société et une belle ambition collective !
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.
Laisser un commentaire