Semaine du 23 au 29 mai

-Regis Juanico, pouvez vous rappeler qui vous êtes en quelques mots pour les rares lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore ?
J’ai siègé à l’Assemblée Nationale en tant que Député de la Loire de 2007 à 2022. J’y ai exercé notamment les responsabilités de rapporteur spécial du budget «Sport, jeunesse et vie associative» à la commission des Finances et de co-président du groupe de travail sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Je suis l’auteur de plusieurs rapports parlementaires sur le sport-santé-bien-être, la solidarité entre sport professionnel et amateur, le «sport et l’école» et de deux rapports d’évaluation sur la loi «sport» du 1er mars 2017 et la prévention en santé publique.
J’ai conservé un mandat local à Saint-Etienne en tant que Conseiller Départemental de la Loire.
Je suis aujourd’hui consultant et expert spécialiste des politiques publiques sportives et de la lutte contre la sédentarité. J’accompagne des collectivités, des entreprise et des acteurs du sport sur la promotion des modes de vies plus actifs tout au long de la vie : activité physique et sportive à l’école, mobilités actives, design actif, tests de condition physique, activité physique adaptée et sport-santé.
J’ai publié en 2024 avec Hakim Khellaf un ouvrage consacré à ces questions intitulé « Bougeons ! Manifeste pour des modes de vies moins sédentaires » aux Éditions de l’Aube préfacé par le professeur François Carré, président du collectif « Pour une France en Forme » dont je suis membre.
-Le budget alloué au sport est dérisoire… mais plus grave encore, une nouvelle coupe budgétaire, fort heureusement mise en échec par le Sénat, diminuait encore davantage les crédits du Sport. Comprenez-vous ces choix ubuesques ? N’est ce pas intolérable d’avoir aussi peu de considération pour le sport après le succès des JOP Paris 2024 et les beaux discours tenus par les politiques en amont des Jeux ?
Ce qui est incompréhensible à la sortie de Jeux Olympiques et Paralympiques réussis, de l’avis de tous, c’est l’affichage d’un Projet de Loi de Finances 2025 avec des crédits budgétaires et des taxes affectées, hors dépenses exceptionnelles liées à l’organisation des Jeux, en baisse de plus de 20%, autour de 750 millions d’euros, soit 0,15% du budget de la Nation.
Toute le monde s’attendait à ce que ces crédits soient au minimum maintenus. C’est le respect que l’on devait à nos athlètes et para-athlètes tricolores qui ont brillé avec de nombreuses médailles et un bilan sportif salué par tous, mais aussi aux millions de bénévoles dans les clubs qui ont permis ces succès. Pour l’ensemble du monde sportif, c’est la « douche froide », la « soupe à la grimace ».
J’observe que les crédits budgétaires de la Culture, avec une baisse de seulement 3% ont été globalement préservés et représente 1% du budget de la Nation…
Gil Avérous pendant son court intermède ministériel a semblé résigné et ne s’est pas beaucoup battu pour préserver les crédits du Sport. Il a surtout envoyé un signal désastreux en passant plus de temps à Châteauroux, accaparé par ses trois mandats exécutifs locaux, qu’au ministère avenue de France ou à convaincre ses collègues à Bercy.
Il a eu cette phrase surréaliste dans l’Equipe, le 25 octobre 2024 « la baisse de 268 millions d’euros [du budget des sports] n’impacte pas ma politique ». C’est tout le contraire.
Au moment où on avait le plus besoin du Pass Sport avec un record de nouvelles licences dans nos clubs sportifs grâce à l’effet JOP, les crédits de ce dispositif ont été sabrés passant de 85 millions en 2024 à 75 millions d’euros en 2025. Le gouvernement a annoncé que les 1000 emplois socio-sportifs promis serait divisé de moitié et les crédits de l’Agence Nationale du Sport pour l’aménagement des cours d’école active et sportive ont été sacrifiés passant 10 millions à 2,5 millions…
Je n’évoque même pas l’année blanche pour le financement du plan « 5000 équipements sportifs Génération 2024 », il faudra bien trouver les 100 millions d’euros promis plus tard en 2025 et 2026.
-Le rôle de Marie Barsacq, la nouvelle ministre des sports, n’est il pas de défendre son ministère en l’état ?
Oui, elle de bonne volonté, mais à sa décharge, elle débarque dans un contexte particulier où les crédits de l’ensemble des missions ministérielles sont soumis à une pression sans précédent. Sauf que le budget des Sports aurait du être sanctuarisé par principe.
La situation catastrophique que nous connaissons est de la responsabilité principale d’Emmanuel Macron, qui en tant que chef de l’Etat avait le pouvoir d’imposer un maintien, voire une augmentation des crédits du Sport après les Jeux et qui déclarait dans l’Equipe, le 12 août dernier « Le sport comme la culture sont des investissements légitimes, ce ne sont pas des budgets sur lesquels on doit faire des économies ».
Il y a les discours et les actes. Je rappelle que le Président de la République s’était aussi engagé l’an dernier à Orthez à la « généralisation des tests de capacités physiques en 6e à la rentrée 2024 (ils ne sont expérimentés que dans quatre académies), l’objectif d’au moins une heure d’activité physique quotidienne à l’école en complément de l’EPS et la multiplication par 2,5 du nombre de places en sections sportives scolaires et d’excellence de 10 000 à 25 000 élèves concernés d’ici 2026… ».
Le mouvement sportif se mobilise fortement aujourd’hui, ce qui est une bonne chose pour aider la Ministre des Sports dans son rapport de force face à Bercy, mais nous avions alerté bien avant les JOP avec le sénateur Jean-Jacques Lozach sur les perspectives de baisse des crédits pour le sport.
Deux mois après le vote d’un budget qualifié «d’historique», les coupes budgétaires annoncées par Bercy se traduisait par 50M€ d’économies pour le Sport et selon le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, la baisse prévisionnelle des crédits du programme 219 pour le sport devait s’élèver à 130 millions d’euros dès 2025. Nous y sommes.
-Une majorité des grandes entreprises sponsors des JOP Paris 2024 sont étonnamment discrètes depuis la rentrée. Certaines ont même clairement fait savoir qu’elles stoppaient toute aide financière en direction du sport ou que leur soutien financier serait drastiquement réduit à l’avenir… Un peu hypocrite tout ça non ? On surfe sur la vague JO le temps qu’il faut puis on disparaît sans laisser d’adresse une fois l’événement passé. Le terme « héritage des jeux » n’est-il pas un tantinet galvaudé ?
En matière d’Héritage post-JOP, il y avait de fortes attentes nourris par les discours officiels, aujourd’hui c’est une grande déception. Les Jeux sont par nature éphémères mais il y avait un engagement maintes fois réaffirmé par l’ancienne Ministre Amélie Oudéa-Castéra d’une « grande loi d’héritage des Jeux et de rénovation du sport Français autour de l’éthique et de la vie démocratique ».
Il y aura bien un nouvelle loi Olympique mais elle concernera… les Jeux d’Hiver des Alpes Françaises de 2030, érigés en nouvelle priorité.
Et pourtant, un premier texte législatif d’origine parlementaire a été adopté le 4 décembre en commission des Affaires Culturelles et de l’Education de l’Assemblée Nationale : il s’agit de la proposition de loi «Plus de sport, moins de sucres» du député socialiste du Bas-Rhin, Thierry Sother qui en est le rapporteur.
Le texte permet la reconnaissance législative du Pass Sport, une aide financière aujourd’hui de 50€ destinée à diminuer le coût d’une inscription dans une structure sportive. La 1ère raison évoquée du non-recours au Pass Sport qui s’élève à 80%, est d’ordre financier au regard des coût d’inscription et du reste à charge pour les familles.
Le député propose de généraliser le bénéfice du dispositif à l’ensemble des mineurs (3-17 ans) sans conditions de ressources à hauteur de 75€ et fixe un montant majoré de 150€ pour les bénéficiaires actuels sous conditions de ressources. Le surcoût de ces nouvelles dispositions -260millions €- serait financé par une taxe additionnelle sur les boissons sucrées.
-Un mot sur le vote à l’unanimité et contre l’avis du gouvernement des Parlementaires d’un amendement du sénateur de l’Isère Michel Savin qui transfère 80 millions d’euros à l’enveloppe des sports, puisés dans les crédits affectés au Service national universel (SNU), au passage définitivement enterré. Là encore… incompréhensible.
Le pire a été évité grâce à la mobilisation des sénateurs sur tous les bancs. Le sport récupère 80 millions d’euros, avec la mort programmé du SNU, ce que nous demandions depuis de longues années. Il manque encore 100 millions pour maintenir les crédits 2025 à hauteur de 2024.
Il faut encore que les amendements proposant un relèvement du plafond des taxes sur les paris sportifs affectées au financement du Sport, pour un montant supplémentaire de 113 millions d’euros soient validés en Commission Mixte Paritaire qui aura lieu le 30 janvier.
La hausse exceptionnelle de +25% des mises sur les paris sportifs en 2024, le permet sans affecter le montant des ressources affectées aux caisses de Bercy. Le rendement total de cette taxe affectée sera beaucoup plus important que prévu : la ministre des Comptes Publics le sait bien et devrait laisser faire les parlementaires.
Une fois les crédits rétablis, les parlementaires sont en droit de réclamer une véritable loi Héritage pour favoriser les parasports, l’activité physique et sportive à l’école, dans l’enseignement supérieur, en milieu professionnel, la prévention de la perte d’autonomie et la prescription de l’activité physique adaptée pour les malades chroniques.
La logique voudrait qu’un fonds Héritage à destination de tous les territoires soit crée. À l’instar du prélèvement exceptionnel de 0,3% sur les mises des jeux de tirage et grattage de la FDJ crée en 2017 -et supprimé par le nouveau gouvernement en 2018- ce fonds d’au moins 100 millions € via l’Agence Nationale du Sport -abondé par des crédits de l’Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires (ANCT)- aurait vocation à soutenir partout sur le territoire les collectivités qui investissement pour les équipements sportifs structurants (construction/rénovation des piscines), le développement du design actif, les parasports (clubs inclusifs), les emplois sportifs aidés.
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