Retrouvez notre tribune parue dans La Tribune Dimanche avec Guillaume Dietsch :
https://www.latribune.fr/la-tribune-dimanche/opinions/les-jeux-de-paris-2024-une-reussite-ephemere-un-heritage-sacrifie-guillaume-dietsch-enseignant-en-staps-et-regis-juanico-depute-honoraire-1011534.html
Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 se sont achevés sur un succès retentissant, tant en termes d’organisation que de rayonnement international. La France a démontré son savoir-faire en matière de gestion d’événements d’envergure mondiale, avec des infrastructures prêtes à temps et des millions de spectateurs séduits par le spectacle.
Pourtant, derrière l’éclat de cet événement, la question de l’héritage que laisseront ces Jeux à la population française demeure. Les inquiétudes grandissent quant à l’impact réel pour le sport de proximité, les associations locales et les acteurs qui font vivre le sport au quotidien.
Loin de l’enthousiasme et des feux de la rampe olympique, les promesses initiales d’un projet durable et socialement inclusif sont aujourd’hui mises en doute.
Des promesses d’héritage confrontées aux réalités budgétaires. Si le projet de loi de finances pour 2025 reste en l’état, les crédits du Ministère des Sports représenteront l’an prochain moins de 0,15% du budget de la Nation contre 0,18% en 2024.
Ainsi, malgré les discours optimistes sur la “sobriété” des Jeux, l’absence d’engagement financier public durable post-JOP de l’Etat fragilise aujourd’hui des structures sportives locales, qui peinent à obtenir les financements nécessaires pour entretenir et développer leurs installations.
Alors que les nouvelles infrastructures olympiques brillent, les équipements vieillissants des communes restent sans modernisation, faute de moyens. Les piscines municipales, les gymnases et les espaces sportifs publics de proximité sont les premiers sacrifiés, avec un risque accru de désengagement dans les zones rurales et les quartiers prioritaires, où le besoin en infrastructures sportives est pourtant criant.
Clubs et associations sportives : les grands oubliés de l’héritage olympique
Les Jeux Olympiques avaient été présentés comme un projet pour tous, qui devait revitaliser la pratique sportive en France, notamment à travers un soutien renforcé aux clubs et associations sportives.
Cependant, dans la réalité, ces structures, qui accueillent plus de 13 millions de licenciés et constituent le socle du sport de proximité, se retrouvent aujourd’hui en difficulté. Dépourvues des retombées financières escomptées, beaucoup d’entre elles peinent à trouver les ressources nécessaires pour répondre à la demande, exacerbée par l’engouement suscité par les Jeux.
En France, les clubs et associations sportives reposent majoritairement sur les bénévoles, qui assument des rôles essentiels d’encadrement et de gestion. Mais ces bénévoles, déjà en nombre insuffisant, peinent à faire face à l’afflux de jeunes motivés par l’engouement des Jeux, sans moyens supplémentaires pour renforcer leur structure ou recruter des encadrants.
Sans un soutien financier et logistique accru, cet effet d’attraction risque de se dissiper, laissant derrière lui une pratique sportive de plus en plus difficile à encadrer dans les territoires.
L’EPS à l’école : un levier délaissé pour un héritage culturel durable
L’éducation physique et sportive (EPS) constitue l’un des principaux vecteurs de démocratisation du sport en France. Pourtant, malgré l’engagement pris de faire des Jeux un levier pour améliorer le “Sport à l’école”, le bilan reste limité.
Dans la plupart des établissements, les heures d’EPS sont insuffisantes pour développer une pratique régulière et significative. Les installations sportives scolaires, souvent vétustes, n’ont bénéficié d’aucune amélioration majeure dans le cadre des Jeux, alors même qu’un tel investissement aurait pu marquer durablement la jeunesse française.
Renforcer le “Sport à l’école” passe non seulement par l’augmentation des heures d’EPS, mais aussi par la rénovation des équipements et par un accompagnement par des professionnels formés.
Cependant, les crédits alloués à l’EPS demeurent insuffisants, et de nombreux établissements se retrouvent dépourvus d’infrastructures modernes, inadaptées aux enjeux d’inclusion et de mixité. Cette absence d’ambition pour le sport scolaire compromet la possibilité de construire un héritage durable des Jeux et de former les générations futures à des habitudes de vie saines et actives.
Un héritage à construire, au-delà du succès éphémère des Jeux
Si la France souhaite véritablement tirer profit de cet événement pour renforcer le lien social, démocratiser l’accès au sport et inciter les jeunes générations à une pratique régulière, elle doit aller bien au-delà des infrastructures olympiques. Il est temps de repenser la politique sportive en prenant en compte les clubs, les associations, les bénévoles et le système scolaire, et de se montrer à la hauteur des promesses formulées avant les Jeux.
Cet héritage ne se mesurera pas uniquement par le nombre de médailles ou le prestige de l’événement. Il se mesurera à l’aune de l’accès à des installations modernisées, du soutien aux associations locales, de la valorisation des bénévoles, et de l’amélioration durable de l’EPS à l’école. La réussite des Jeux de Paris 2024 serait non seulement d’avoir brillé? le temps d’un été, mais d’avoir semé les graines d’un avenir où chaque citoyen, quel que soit son milieu, son genre, son handicap ou son lieu de résidence, peut accéder au sport.
C’est pourquoi nous appelons le gouvernement et les parlementaires à augmenter d’ici la fin de l’examen du projet de loi de finances le budget des sports pour compenser – à minima – la baisse envisagée, soit 200 millions d’euros.
Créer, grâce à l’augmentation du rendement des taxes sur les paris sportifs – une manne en hausse de 15% sur un an – un fond “Héritage territorial” à la suite des Jeux Olympiques et Paralympiques en soutien aux projets des collectivités territoriales et des clubs amateurs (fond piscines, emplois sportifs aidés, sport-santé-bien-être, développement des parasports, aménagement « design actif » des abords des écoles, etc.).
Nous demandons au Parlement de voter une Loi Héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques permettant de déployer des politiques publiques d’éducation physique et sportive de qualité à l’école et dans l’enseignement supérieur, de lutte contre la sédentarité et de promotion de l’activité physique et sportive tout au long de la vie : en milieu professionnel, en établissements sociaux et médico-sociaux et en soutien à la prescription par les médecins d’activités physiques adaptées pour endiguer le « tsunami » de maladies chroniques à venir.
Guillaume Dietsch, Enseignant en STAPS, Agrégé d’EPS, auteur du livre « Les Jeunes et le Sport. Penser la société de demain ».
Régis Juanico, Député honoraire, expert en politique publique sportive,
Auteur de « Bougeons ! Manifeste pour des modes de vies moins sédentaires (éditions de l’Aube 2024).
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