Voici ma contribution à ce numéro historique aux côtés de grands noms de la discipline sur le thème de « La promesse des Jeux ».
Les Jeux, c’est grandiose, mais c’est éphémère. Ce qui compte vraiment, c’est la mise en place et le déploiement progressif de politiques publiques sportives ambitieuses dans les cinq années qui précèdent le plus grand événement sportif planétaire et la préparation de la suite : ce qu’on laisse en héritage sportif durable.
Et de ce point de vue, nous restons un peu sur notre faim.
Si on regarde les trois lois Olympiques votées depuis 2018, des lois techniques ou de transposition de la convention cadre entre le CIO, le mouvement sportif français et la ville de Paris, aucune ne parle vraiment d’héritage sportif.
La loi visant à démocratiser le sport votée en toute fin du précédent quinquennat contient quelques avancées, en particulier en matière d’élargissement de la prescription de l’activité physique adaptée, mais elle est arrivée trop tard pour produire des effets visibles avant les Jeux…
Le dernier document interministériel sur l’héritage date de 2019 et comporte 184 mesures… ! A ce stade, il manque une feuille de route robuste sur l’héritage post-2024 avec quelques priorités et des moyens financiers à la hauteur.
Je rappelle qu’à mon initiative, quand j’étais rapporteur spécial des crédits du sport à l’Assemblée Nationale et avec l’accord des ministres Kanner et Braillard, un fonds « héritage sportif et territorial Paris 2024 » pérenne avait été voté par le Parlement dans le cadre du projet de loi de finances 2017, avec un prélèvement exceptionnel de 0,3% des mises de jeux de loterie.
Ce fonds à hauteur de 25 millions d’euros et qui devait augmenter progressivement à l’approche des Jeux était affecté au CNDS pour financer des équipements sportifs de proximité dans tous les territoires, les dispositifs « passerelles écoles/« clubs sportifs, le plan « J’apprends à nager » et les bonnes pratiques en matière de « Sport-santé-bien être ». Il a été supprimé en 2018. Une occasion manquée de disposer d’un outil financier spécifiquement dédié à l’héritage des Jeux.
La question aujourd’hui est de savoir comment on déploie des politiques publiques sportives cohérentes visant à développer l’activité physique et sportive et qui touchent toutes les populations. Il faut passer d’une logique d’expérimentation, parfois de saupoudrage, à une logique de généralisation partout sur les territoires.
Des Jeux utiles, c’est juste inscrire l’après 2024 comme un espace de construction du « bien être ensemble ». Le rôle de l’Education Physique et Sportive au sein de l’Education Nationale est primordiale.
La sédentarité, cette nouvelle « addiction à la chaise » qui est le temps passé assis ou allongé avec un dépense énergétique proche de la situation de repos, s’ajoute à une autre addiction : le temps passé devant les écrans.
L’ONAPS estime que le temps passé couché ou assis, notamment à l’école et devant les écrans de loisirs, représente 55 % de la journée pour les enfants du primaire et 75 % pour des adolescents de 14-15 ans.
L’activité physique est un continuum : la pratique régulière durant l’enfance et l’adolescence augmente la probabilité de pratiquer une activité physique durant l’âge adulte.
Un enfant qui ne bouge pas sera un adulte qui ne bougera pas et qui développera des maladies chroniques handicapantes ou invalidantes avant même l’âge adulte.
Souhaitons-nous offrir comme perspective aux jeunes générations la perte d’espérance de vie en bonne santé du fait de la pandémie de sédentarité et d’inactivité physique ?
Nous avons besoin d’un électrochoc, d’une prise de conscience collective : il faut mettre le paquet sur la prévention primaire et agir tout autant dès le plus jeune âge à l’école.
Avec trois heures par semaine, l’EPS représente en volume horaire théorique la troisième discipline à l’école après les mathématiques et le français et concerne tous les élèves à l’exception regrettable des enfants en situation de handicap, trop souvent dispensés.
Dans la pratique, comme nous l’avons souligné avec le député Pascal Deguilhem dans notre rapport au Premier ministre sur le sport et l’école en 2016, le temps moyen consacré à l’EPS est d’environ 1 h 50 et non de 3 heures.
Ces 3 heures d’EPS doivent devenir effectives dans l’emploi du temps des élèves. Il est impératif de renforcer la formation initiale et continue des professeurs des écoles en activités physiques sportives et artistiques (APSA) alors que le volume de la formation en EPS dans les Inspé qui forment aux métiers de professorat de l’éducation et de la formation a été réduit d’un tiers en 2019.
Il y a nécessité de passer d’une logique d’expérimentation à la généralisation des dispositifs à dose « homéopathique », favorisant l’activité physique et sportive des élèves et étudiants avec plus d’activité physique tout au long de la journée dans 100% des écoles, avec plus d’EPS au collège et au lycée. Le savoir-nager et le savoir-rouler à vélo ont besoin d’un plan de rattrapage après la crise sanitaire.
Le dispositif des trente minutes d’activité physique en complément de l’EPS qui est en cours de généralisation dans les écoles (environ 30% des écoles seraient concernées à ce jour…) ne doit pas devenir un « totem » qui enferme les équipes pédagogiques. Toute activité physique supplémentaire, « hors la chaise » au cours de la journée, même sous la forme de petites séances de 10 à 15 minutes est bonne à prendre.
L’objectif d’activité physique quotidienne supplémentaire peut être atteint sur le trajet domicile-école à pied ou à vélo, par l’aménagement des cours de récréation pour favoriser les jeux mixtes et la motricité
L’aménagement de 1200 cours de récréation actives, en cours de financement par Paris 2024 et l’ANS, d’ici 2026 reste dérisoire par rapport au nombre d’écoles réparties sur l’ensemble du territoire. L’aménagement des cours de récréation pour favoriser les jeux mixtes et la motricité du bâti scolaire et des abords des écoles pour faciliter les mobilités actives à pied ou en vélo doit être soutenu par l’Etat avec un fonds dédié à destination de toutes les collectivités territoriales.
Enfin, le dispositif « deux heures de sport de plus au collège » est illisible et très peu suivi dans les établissements. Le rôle et la place de l’EPS au collège et au lycée ainsi que la place de l’UNSS doit être revalorisé, en augmentant les heures d’enseignement en EPS et en généralisant après concertation avec les enseignants EPS, les tests de condition physique accompagné d’un programme personnalisé à l’instar de celui mis en place fin 2022 par le professeur François Carré au nom du collectif « Pour une France en forme ». L’étude « Inversons les courbes » montre qu’il est possible pour les collégiens de 6e dans le cadre des séances d’EPS de retrouver un bon niveau de condition physique.
Pour moi, le principal héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 doit être la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre la sédentarité et de promotion de modes de vies plus actifs.
Nous sommes face à une bombe à retardement sanitaire. La lutte contre la sédentarité et l’inactivité physique nécessitent une prise de conscience des pouvoirs publics, comme ce fut le cas pour le tabac.
A l’école, avec au moins une heure d’activité physique quotidienne et le renforcement du rôle et de la place de l’EPS, puis dans l’enseignement supérieur, en développant des « campus actifs promoteur de santé », dans la vie active pour améliorer la qualité de vie au travail et prévenir l’usure professionnelle, dans les établissements sociaux et médico-sociaux, notamment les Ehpad, en outil de prévention des risques liés à la perte d’autonomie et en direction des 12 millions de personnes en situation de handicap.
Lutter contre la sédentarité, c’est aussi penser nos espaces autrement, par la promotion de nouvelles formes de mobilité au cœur de nos territoires, le développement des mobilités actives (marche, vélo…), de dispositifs innovants de design actif, d’aménagement des espaces publics : sentiers pédestres, pistes cyclables sécurisées, parcs et aires de jeux, pour favoriser l’activité physique des Français à proximité de chez eux mais aussi l’aménagement des cours de récréation, du bâti scolaire (il faut bouger en classe !) et des abords des écoles sur les dernières centaines de mètres ou le dernier kilomètre pour favoriser les mobilités actives, à pied ou à vélo.
Enfin, la prescription d’activité physique adaptée doit progressivement faire l’objet d’une prise en charge financière pour être accessible à tous. La première consultation intégrant les bilans médicaux, physiques et motivationnels préalables à la prescription de l’APA doit être remboursée par l’Assurance maladie et sa généralisation doit s’appuyer sur les maisons sport-santé (MSS) qui doivent devenir le « guichet unique » dans tous les territoires.
L’un des nouveaux défis pour nos autorités sanitaires et politiques peut désormais être ainsi formulé : comment renforcer la résistance et la résilience physique, individuelle et collective pour nous permettre de mieux affronter les prochaines crises sanitaires et diminuer la prévalence des maladies chroniques liées à nos sociétés trop sédentaires ?
Les injonctions et exhortations sanitaires à l’instar du fameux slogan « Manger-bouger » sont bien souvent inefficientes et peuvent même être contre-productives. Un élément clé est de trouver une activité pour laquelle on a du plaisir. Pour cela, nous devons passer d’une logique de « sport santé » parfois dissuasive au « sport plaisir » qui passe par la littératie physique.
La littératie physique, concept très répandu au Canada, c’est la « motivation, la confiance, la compétence physique, le savoir et la compréhension qu’une personne possède et qui lui permettent de valoriser et de prendre en charge son engagement envers l’activité physique comme facteur de santé et d’épanouissement tout au long de sa vie ».
L’EPS a un rôle majeur dans l’éducation à une littératie physique. C’est un appel au changement durable, de nos comportements et de nos modes de vie plus actif tout au long de l’existence. Un vrai projet de société et une belle ambition collective !
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Quid du rôle des disciplines sportives à la fois en prévention primaire ,secondaire et même tertiaire (avec aménagement)et de leur meilleure connaissance par la formation des médecins prescripteurs (DPC eron par Vidal et Cnosf par exemple).nécessaire à la prise en main par les clubs et le Mouvement Sportif de l’ancrage à tout age de l’activité physique et sportive dans toute la population ?