Voici le texte de ma tribune parue samedi 20 août 2022 dans le quotidien Le Monde :
La lutte contre la pandémie de sédentarité est un enjeu sanitaire majeur du XXIe siècle.
Selon de récentes estimations d’épidémiologistes américains et canadiens publiées dans le British Medical Journal of Sports Medicine, l’inactivité physique serait responsable de 7,2 % des morts toutes causes confondues chaque année, soit plus de 4 millions de morts sur les 56,9 millions personnes qui décèdent en moyenne chaque année. Il y a urgence à agir.
Urgence d’abord à désamorcer ce que nous avons qualifié, avec ma collègue ancienne députée (LRM) Marie Tamarelle-Verhaeghe, de « bombe à retardement sanitaire » dans notre rapport sur l’évaluation parlementaire « des politiques de prévention en santé publique » publié en juillet 2021. Urgence ensuite à inscrire cet enjeu comme un défi majeur d’action publique à relever pour la prochaine décennie.
La sédentarité gangrène nos modes de vie et plus particulièrement celle des plus jeunes générations. Le temps passé couché ou assis, notamment devant les écrans de loisir, est estimé à 55 % de la journée pour des écoliers et à 75 % pour des adolescents.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) nous alerte sur le fait qu’en 2015, soit bien avant la crise sanitaire, 50 % des 11-17 ans avaient un risque sanitaire très élevé du fait de la sédentarité, avec plus de quatre heures et demi devant les écrans et moins de vingt minutes d’activité physique par jour.
Par ailleurs, 95 % de la population générale ne fait pas assez d’activité physique. Le cardiologue du sport François Carré observait en 2021 que, si un enfant se couche à 20 heures et s’il est emmené à l’école le lendemain matin en voiture au dernier moment, « il ne commencera à bouger qu’à la première récréation, à 10 heures. En quatorze heures, il [n’aura] fait que cinquante pas ! »
Or, comme le montre une étude de 2019 de l’American Cancer Society, il suffit de remplacer trente minutes de sédentarité quotidienne par trente minutes d’activité physique – même d’intensité modérée, y compris du jardinage – pour faire baisser de 17 % la mortalité prématurée et de 30 % le risque d’accidents cardio-vasculaires. Si cette activité est plus intense, la diminution de la mortalité prématurée est de 35 %.
La lutte contre la sédentarité doit constituer la priorité, un fil rouge pour les politiques publiques de prévention en santé publique à tous les âges de la vie. Une réponse à ce défi est de promouvoir l’activité physique régulière. Elle est le premier levier de lutte contre la sédentarité et le meilleur bouclier pour protéger sa santé.
La crise sanitaire l’a démontré en en faisant, après le facteur de l’âge, du surpoids et de l’obésité, un facteur de risque de forme sévère du Covid. Selon une étude britannique publiée en avril 2021, entre 75 % et 85 % des patients atteints du Covid en réanimation ont un indice de masse corporelle supérieur à 25.
Et au-delà de la pandémie, l’activité physique est un formidable levier de prévention des maladies chroniques : cancers, diabète de type 2, hypertension artérielle…
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, qui auront lieu dans deux ans, nous obligent à construire une politique publique de lutte contre la sédentarité ambitieuse, transversale, avec un héritage sportif, territorial, sociétal durable après 2024.
Cette stratégie nationale de promotion des modes de vie plus actifs passe par un plan ambitieux de développement des activités physiques tout au long de la vie pour tous les publics, dès l’école, avec au moins une heure d’activité physique quotidienne, dans l’enseignement supérieur, en développant des « campus actifs promoteur de santé », en milieu professionnel, pour améliorer la qualité de vie au travail, et dans les établissements sociaux et médico-sociaux, notamment les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), avec des outils de prévention des risques liés à la perte d’autonomie.
Cette stratégie pourrait se décliner par la di!usion de nouvelles pédagogies dès le plus jeune âge et de davantage de temps de pratique physique et sportive autour des deux grands objectifs du savoir- nager et rouler à vélo, et la généralisation des tests d’évaluation de la condition physique.
Nous devons remettre les Français en mouvement et faire qu’un enfant préfère se rendre à l’école à pied plutôt qu’en transport, jouer une partie dans un sport collectif sur un terrain plutôt qu’avec sa manette numérique et que chacun privilégie spontanément l’escalier à l’ascenseur.
Lutter contre la sédentarité, c’est aussi penser de nouvelles formes de mobilité au cœur de nos territoires à travers des dispositifs innovants de design actif [conception urbaine tendant à favoriser l’activité physique libre et spontanée], de développement des mobilités actives (marche, vélo…), d’aménagement des espaces publics pour favoriser l’activité physique des Français à proximité de chez eux : sentiers pédestres, pistes cyclables, parcs et aires de jeux mais aussi cours de récréation et bâti scolaire (il faut bouger en classe !), sans oublier les derniers cinq cents mètres aux abords des écoles.
Enfin, la prescription de l’activité physique adaptée doit être prise en charge par l’Assurance-maladie, tant à travers des consultations spécifiques que des premiers bilans médicaux sportifs et motivationnels préalables en s’adossant au développement des maisons sport-santé.
Le président de la République vient d’annoncer que la pratique sportive sera la grande cause nationale de l’année 2024. C’est une bonne nouvelle. Mais rien n’empêche de faire de la promotion de l’activité physique régulière et de la lutte contre la sédentarité une grande cause nationale permanente dès aujourd’hui !
? Sur le site du Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/20/contre-la-sedentarite-il-y-a-urgence-a-agir_6138534_3232.html#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%5D-%5Bios%5D
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