Semaine du 23 au 29 mai

Deux députés passionnés de sport et notamment de foot, Régis Juanico (Loire, Génération. s) et Cédric Roussel (Alpes-Maritimes, LREM), ont conclu cette semaine leur mission parlementaire.
Ils ont publié un rapport d’une grosse centaine de pages contenant 28 propositions autour des droits TV et du modèle économique du foot français.
Comment est née cette mission parlementaire ?
Cédric Roussel et moi avons été très surpris que, suite au fiasco Mediapro, il n’y ait pas eu d’audit diligenté par le ministère des Sports ou la FFF pour connaître les raisons de cette défaillance précipitée, et en tirer les leçons.
Via la taxe Buffet (5 % des droits TV du foot reversés aux sports amateurs) et la convention entre la Fédération et la Ligue Professionnelle de Football (2,5 % reversés au foot amateur), c’est l’ensemble du sport français qui a été impacté. C’était un motif suffisant pour se pencher dessus.
Le foot représentant 80 % des 1,6 milliard des droits du sport français (9 % pour le rugby, 11 % pour les autres disciplines), nous avons eu une attention particulière pour lui.
Les principales mesures recommandées concernent les droits TV, notamment un match en clair par journée et les moments forts sur les réseaux sociaux. Vous avez perçu un vrai manque à ce niveau ?
Ce week-end, on va pouvoir regarder les matchs de Coupe de France. On voit les finales de Coupe du monde, d’Euro et de Ligue des Champions, les équipes de France. En dehors de ça, on ne voit pas le foot français en clair.
Le multiplex de Ligue 2 sur la chaîne L’Equipe génère de fortes audiences, cela montre qu’il y a une attente. L’autre problème, c’est qu’on pouvait auparavant voir les résumés et les buts lors d’une émission en clair, aujourd’hui c’est impossible (trois résumés de match dans « Téléfoot » le dimanche matin seulement, NDLR).
La consultation citoyenne a également montré que 80 % des gens ne sont pas prêts à payer plus de 20 euros par mois pour du foot. Il faut diversifier les supports, avec du streaming par exemple, des offres tarifaires plus attractives, et des images sur les réseaux sociaux.
Le foot sur le service public, c’est indispensable selon vous ?
Tel qu’on le conçoit, le service public a plutôt vocation à montrer les grands événements comme Roland-Garros ou les Jeux Olympiques, et toute la diversité des « 80 % des gens ne sont pas prêts à payer plus de 20 euros par mois pour du foot » disciplines sportives qu’on voit très peu à la télé, comme le biathlon ou le hand, qui peuvent drainer des audiences considérables quand elles sont bien filmées.
La visibilité suscite des vocations et encourage la pratique. La bataille prioritaire reste le gratuit et le clair. Je préfère encore que France Télévisions se consacre à la diversité, aux sports féminins et au handi- sport.
En quoi la création d’une société commerciale de la Ligue serait-elle bénéfique ?
Tous les autres grands championnats européens l’ont fait pour accroître les ressources à disposition des clubs et maximiser la gestion des droits TV, notamment à l’international. On a beaucoup de retard. Pourquoi ne pas s’ouvrir à des investisseurs qui viennent avec leur expertise ?
La question est de savoir si on a un championnat suffisamment attractif pour augmenter les ressources. Si celles-ci devaient augmenter grâce à une société commerciale, nous préconisons qu’elles soient fléchées vers le désendettement des clubs, les infrastructures et la formation des jeunes.
Le salary cap à 60 ou 70% du budget et le plafonnement à 25 joueurs professionnels seraient une révolution. Pensez-vous que cela peut être adopté ?
Le plafonnement du nombre de joueurs serait une mesure française. A Saint-Etienne, par exemple, il y a 39 joueurs dans l’effectif. Concernant le salary cap, il faut que ce soit discuté au sein de l’Association des clubs européens et de l’UEFA.
Les tendances inflationnistes provoquent de vrais déséquilibres. Quand vous êtes un club aux moyens illimités, on voit la distorsion entraînée avec ceux qui sont la propriété d’entrepreneurs locaux. Il faut pouvoir réguler ça et donner les mêmes chances à chacun. Je pense que ça peut passer, ou alors tout ce qu’on a dit pendant la crise sanitaire sur « le sport d’après » était des balivernes.
Sur les jeunes joueurs, vous soutenez la création d’un premier contrat pro de cinq voire six ans, contre trois actuellement. Dans quel but ?
En ayant la défaillance de Mediapro en tête, les deux députés souhaitent imposer « le versement d’un acompte systématique de 10 % de la valeur du contrat à la conclusion de l’appel d’offres », l’obligation pour la LFP de souscrire à une assurance « pour couvrir le risque de défaut de paiement », et passer des contrats de cinq ans, au lieu de quatre actuellement.
Nos clubs ont des centres de formation très performants, c’est un atout pour le championnat français. L’Angleterre peut proposer des salaires importants, il y a donc une nécessité de protéger les jeunes talents et de les valoriser.
Un contrat de cinq ans donne à nos clubs la possibilité d’éviter une fuite trop précoce. On assortit cette mesure d’une dimension fiscale, en modulant la cotisation employeur sur le jeune joueur pro jusqu’à ses 24 ans pour privilégier la formation à la française.
Vu les sommes brassées et générées par le foot, faut-il vraiment lui accorder des facilités fiscales ?
Le foot professionnel se plaint des écarts de fiscalité et de cotisations sociales par rapport aux autres championnats. On ne propose pas de toucher au système global, d’ailleurs des mesures exceptionnelles existent déjà comme le régime d’impatriation (des avantages fiscaux pour les joueurs venus de l’étranger NDLR), et cela me paraît suffisant.
On propose une me- sure ciblée et limitée dans le temps pour les jeunes car on pense que c’est là qu’il faut mettre le paquet. Mais ce n’est pas un grand soir fiscal.
Avez-vous envisagé l’hypothèse d’une ligue fermée, selon le modèle américain ?
Il y a d’abord le sujet du passage de 20 à 18 clubs en 2023, pour des motifs qui ont trait à la santé des joueurs, à la compétitivité du championnat et à une répartition moins large des droits TV. L’inconvénient étant que le championnat ne sera plus sur dix mais sur neuf mois, ce qui contraint les diffuseurs à trouver de quoi remplir leurs grilles.
Mais nous sommes fermement opposés aux ligues fermées et à la privatisation des ligues sportives, qui iraient à l’encontre de ce qui fait le sel du sport, sa « glorieuse incertitude ». Nous devons préserver ce modèle européen.
Propos recueillis par Vincent Romain.
200 AUDITIONS DEPUIS MAI
En ayant la défaillance de Mediapro en tête, les deux députés souhaitent imposer « le versement d’un acompte systématique de 10 % de la valeur du contrat à la conclusion de l’appel d’offres », l’obligation pour la LFP de souscrire à une assurance « pour couvrir le risque de défaut de paiement », et passer des contrats de cinq ans, au lieu de quatre actuellement.
Les 28 propositions rassemblées dans ce rapport émanent de 200 auditions menées depuis mai auprès d’une soixantaine de personnes (présidents, dirigeants, diffuseurs…) et d’une consultation citoyenne à laquelle 8 000 internautes ont participé.
Reste aux acteurs du foot français, aux instances et au législateur de s’en emparer, sachant que certains ne pourront être appliquées avant 2024, début de la prochaine période des droits TV.
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