Semaine du 23 au 29 mai

Dans les pages de Clara Magazine, ce mois-ci, j’ai répondu aux quesitons de Mejdaline Mhiri sur le manquement de contrôle et de moyens accordés au sport, sur les agressions sexistes et sexuelles dans le sport et sur notre rapport sur l’application de la loi Braillard.
Le rapport publié fin juillet sur l’application de la loi Braillard relative à l’éthique dans le sport révèle une série de manquements. Le manque de contrôle et de moyens est souligné. Alors que des scandales sur des violences, y compris sexuelles, ne cessent d’éclater.
Mention « peut mieux faire ». Au moins. Fin juillet, deux députés, Cédric Roussel (LREM) et Régis Juanico (Génération.s) ont rendu public leur enquête quant à l’application de la loi Braillard.
Promulguée en mars 2017 pour régir l’éthique dans le sport, cette loi abordait pêle-mêle la problématique des paris sportifs, du rôle des agents, du développement du sport au féminin et du contrôle des encadrants. Si le texte a permis des avancées, « les progrès demeurent fragiles », notamment car les fédérations tardent à se l’approprier.
Pour faire progresser le débat, les députés ont joint 27 propositions à leur rapport. Clara Magazine fait le point avec Régis Juanico, élu de la première circonscription de la Loire.
De manière générale, dans un contexte où la parole se libère et les scandales surgissent, quels vous semblent être les points positifs de la loi Braillard ?
Régis Juanico : Il y a eu une première loi en 2006 qui traitait ces questions d’éthique et de violence. Mais elle ne concernait que les professionnels du sport. La loi Braillard a renforcé ce cadre juridique en actualisant la liste des crimes et délits. Lorsqu’il y a eu condamnation, la personne est alors interdite de travailler dans le secteur sportif.
Le grand changement adviendra à partir de janvier 2021 : le contrôle d’honorabilité sera étendu à tous les encadrants susceptibles d’être en contact avec les jeunes, comme les dirigeants, les bénévoles, les arbitres et les titulaires du brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA).
Cela représente environ deux millions de personnes. C’est un travail colossal. Pour que ce contrôle soit effectif, il faut des moyens afin de croiser les fichiers du ministère de la Justice et ceux des fédérations. Nous avons réalisé une première expérience avec la Fédération Française de Football et sa ligue du Centre-Val de Loire.
Les résultats ont-ils été probants ?
R.J : Des dossiers ont été révélés, principalement sur des condamnations pour des excès de vitesse. Lorsque l’on conduit des enfants à un match, c’est un problème. Il va falloir des moyens humains et financiers pour faire appliquer la loi.
Concrètement, sur les violences sexuelles, depuis un an et demi, il y a un travail engagé par le ministère avec l’association Colosse aux pieds d’argile auprès des jeunes présents dans des encadrements sportifs (INSEP, CREPS, Pôles Espoir) pour les sensibiliser.
Mais il n’existe aucun dispositif spécifique de sensibilisation dans les centres de formation des clubs. Il faudrait également s’adresser aux sections sportives dans l’Education Nationale. Nous devons couvrir un maximum de structures. Les fédérations doivent comprendre que la protection de ses adhérent(e)s est une priorité.
Des élections se dérouleront dans de nombreuses fédérations cet automne. Pensez-vous que ces questions seront au centre des préoccupations ?
R.J : Ces élections doivent servir à amplifier la prise de conscience. Dans notre rapport, nous avons porté un regard assez sévère, critique sur l’application de la loi Braillard. Chaque fédération devait créer un charte éthique et un comité de déontologie au 31 décembre 2017.
Au début de l’année 2020, seulement 42 ou 45 fédérations délégataires, sur 75 étaient en conformité avec les textes. Nous avons dénoncé cela assez tôt. Une prise de conscience s’est faite, y compris au ministère des Sports. Le CNOSF devait suivre le travail des fédérations et ne l’avait pas fait. Entre janvier et juillet 2020, une vingtaine de fédérations ont fait le nécessaire mais on peut s’interroger sur leur degré d’adhésion réelle…
Aujourd’hui, 13 fédérations sur 75, soit 20%, ne sont toujours pas en règle. Le contrôle sera désormais fait par le ministère. En février, Fabienne Bourdais a été nommée déléguée ministérielle en charge des violences dans le sport.
Lors du remaniement début juillet, le ministère des sports a été placé sous la direction du ministère de l’Education Nationale. Cela vous semble-t-il problématique ?
R. J : Fabienne Bourdais ait été nommée sur une mission interministérielle. Cela échappe, à mon sens, au problème que pourrait représenter la mise sous tutelle. J’espère surtout qu’il y aura des moyens dégagés par l’Etat pour faire appliquer le contrôle d’honorabilité car c’est un travail extrêmement chronophage pour recouper les informations.
C’est très important qu’il y ait une personne identifiée et une équipe à ses cotés pour indiquer la direction à suivre et donner l’alerte. Quelqu’un qui puisse être le plus indépendant possible des fédérations afin que des victimes puissent le contacter simplement.
Le problème à mon sens, c’est que nous sommes plus d’un an après la création de l’Agence Nationale du Sport et qu’aucune convention n’a été signée avec le ministère des Sports pour définir les missions de chacun…
Votre rapport traitait également de la conférence permanente du sport féminin. Celle-ci s’est réunie trois fois en trois ans…Comment est-ce possible ?
R.J : Sur le sport féminin, nous avons beaucoup de retard. Nous sommes allés au delà des discours et avons interrogé les personnes qui font parties de cette commission. De leur avis, ce qui a été mis en place ne correspond pas à une volonté politique forte. Nous avons fait une série de propositions portées sur le développement du sport féminin.
Il faut notamment accroitre la visibilité médiatique en augmentant son fonds de médiatisation audiovisuel. Il est aujourd’hui de 1,5 millions d’euros, ce qui est minime. Nous avons proposé qu’une fonction de vice-président(e), chargée de la direction et de l’animation des travaux, soit créé.
Nous avons émis l’idée de confier à l’Agence Nationale du Sport le contrôle de l’application des engagements pris par les fédérations dans le cadre des plans de féminisation, avec la possibilité d’appliquer un malus financier.
Pour franchir un nouveau pas, un acte II de la loi Braillard vous semble-t-il nécessaire ?
R.J : La loi Braillard était un texte « fourre-tout » qui portait sur de nombreux sujets. Il me semble que nous avons besoin d’ici les Jeux de Paris d’une grande loi « Sport et société » qui touche à l’éducation, au sport au travail, au sport santé et à d’autres enjeux interministériels. Elle doit être votée le plus rapidement possible.
Cette loi existe déjà ?
R.J : Elle devait déjà être votée en 2019 et est virtuellement portée par le gouvernement. Pour autant, seulement une dizaine d’articles sont envisagés alors qu’il faudrait une grande loi cadre. Ces questions n’ont pas leur place dans l’ordre du jour gouvernemental.
Nous sommes victimes du fait que le sport ne soit pas une priorité dans notre pays. Le déconfinement n’a pas été bon pour les associations sportives qui ont perdu des licenciés. On n’a pas su mettre en place des propositions d’accueil pour les gens qui avaient fait du sport pendant le confinement. On manque de décisions politique fortes sur le sport.
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