En séance publique lors de l’examen du projet de loi du gouvernement et à l’occasion du vote solennel, j’ai voté contre la réintroduction des néonicotinoïdes pour certaines cultures comme les betteraves.
Le Gouvernement a fait le mauvais choix : le nouveau Ministre de l’Agriculture a lui-même avoué au mois de juillet que le Gouvernement avait deux choix : prévoir un soutien financier massif pour le secteur de la betterave sucrière, le cas échéant sur plusieurs années, ou réautoriser les néonicotinoïdes.
Alors que la réautorisation des néonicotinoïdes remet en cause une avancée écologique importante actée sous le précédent quinquennat (et dont Barbara Pompili était particulièrement fière en tant que Secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité, elle ne permet pas de préparer l’avenir, puisqu’elle freinera le développement et le déploiement des alternatives.
C’est aussi la crédibilité de la parole politique qui est en jeu. En 2016, Barbara Pompili prônait l’interdiction définitive des néonicotinoïdes en 2020 « quoi qu’il advienne ».
Le Gouvernement a écarté la question économique :
En faisant le choix de la facilité, en réautorisant les néonicotinoïdes, le Gouvernement écarte la question fondamentale du soutien à la filière face à la libéralisation du marché mondial du sucre.
Les quotas sucriers de l’Union européenne assuraient aux betteraviers français et européens un prix minimum pour l’écoulement de leur production.
La suppression de ces quotas en octobre 2017 a conduit à une chute du prix du sucre, à un effondrement des revenus des betteraviers et à une incitation à toujours produire plus face au dumping de pays comme le Brésil. Le vrai enjeu est donc d’ordre économique.
En prescrivant un simple pansement, le Gouvernement choisit de ne pas guérir le malade. La seule véritable cure de guérison aurait été une nouvelle stratégie économique pour la filière, basée sur 3 éléments fondamentaux :
1° Une compensation massive et durable (sur plusieurs années) des pertes liées à la jaunisse ;
2° Des financements de l’Etat destinés non seulement à la recherche des alternatives mais aussi à l’accompagnement des transitions vers de nouvelles pratiques agricoles ;
3° Un renforcement de l’organisation de la filière pour mieux peser dans les discussions en vue de fixer les prix avec les fabricants de sucre.
Le Gouvernement a ouvert la boîte de Pandore :
Pour des raisons juridiques (afin d’éviter une rupture d’égalité), le Gouvernement n’avait pas explicitement prévu de dérogation applicable uniquement pour les betteraviers.
En commission, cela a changé, à travers l’adoption d’un amendement du groupe LaREM visant à restreindre le champ d’application uniquement à la betterave sucrière. Il s’agit d’une manœuvre politicienne dans la mesure où l’on sait que le Conseil constitutionnel censurera ces nouvelles dispositions.
In fine, le projet de loi ouvrera donc la voie, jusqu’au 1er juillet 2023, à d’autres dérogations prises par simple arrêté ministériel (sans avis obligatoire de l’ANSES, alors que cela été prévu dans la loi de 2016).
Outre cet argument juridique, politiquement il sera difficile pour l’exécutif de justifier une dérogation applicable pour une filière et pas pour d’autres. A titre d’exemple, dès l’annonce de cette dérogation, les maïsiculteurs ont immédiatement formulé la même demande.
Le Gouvernement a agi dans la précipitation :
L’ANSES doit rendre un avis, d’ici janvier prochain, évaluant toutes les alternatives (chimiques et non-chimiques) aux néonicotinoïdes pour l’ensemble des usages liés à la culture de la betterave.
Si l’ANSES avait déjà travaillé sur la question des néonicotinoïdes et leurs alternatives, cette nouvelle étude permettra non seulement de réactualiser les connaissances dans un domaine en évolution rapide mais aussi de focaliser, de manière plus approfondie, sur la culture de la betterave.
Sans cet avis de l’ANSES, les parlementaires ne disposeront pas de tous les éléments pour se prononcer sur la question de la réautorisation des néonicotinoïdes.
Une stratégie de filière pour une transition économique, écologique et sociale
A l’initiative de Dominique Potier, député de Meurthe et Moselle, les députés socialistes et apparentés proposent un plan pour une transition économique, sociale et écologique de la filière française du sucre : un “plan B comme betterave” : http://bit.ly/planbetterave
Face à la crise que traverse la production de betteraves sucrières, le Gouvernement fait le choix de réautoriser les néonicotinoides. Outre l’effet sur la biodiversité, le risque est grand de ruiner la parole publique et de fragiliser le pacte de confiance entre notre agriculture et la société.
Dans notre “plan B”, nous proposons une voie conciliant économie et écologie : 50% du sucre français sous signes de qualité d’ici 2030, un “Pacte de solidarité” capable de garantir un revenu juste pour tous les acteurs de la filière et des solutions alternatives à l’utilisation des néonicotinoïdes.
Notre “plan B” n’est pas seulement une trajectoire vers une revalorisation durable de la filière française de la betterave d’ici 2030. Nous l’avons conçu comme un cas d’école pour d’autres secteurs agricoles qui sont eux aussi confrontés à la double peine de la dérégulation des marchés et du dérèglement climatique.
Lire notre plan B : http://bit.ly/planbetterave
En votant contre le projet de loi j’ai réaffirmé mon opposition à tout affaiblissement de l’interdiction des néonicotinoïdes prévue par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
De nombreuses études scientifiques ont montré que les néonicotinoïdes avaient contribué à la disparition de 80 % des populations d’insectes et d’un tiers des oiseaux des champs dans notre pays, portant ainsi atteinte à toute la chaîne de la biodiversité.
Cette loi de 2016, rappelons-le, avait interdit l’utilisation de ces pesticides à compter du 1er septembre 2018, et leur autorisation sous certaines conditions jusqu’au 1er juillet 2020.
Elle avait en outre inscrit le principe de non régression dans le code de l’environnement.
Or, l’introduction d’une dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes, conçue par le législateur comme une amélioration, constituerait de fait une forme de régression sanitaire, sociale et environnementale. Elle s’inscrirait en contradiction avec la Charte de l’environnement et finirait par atténuer la portée de la loi.
Nous ne sommes pas dupes sur le discours du gouvernement quant au fait que cette autorisation ne soit réservée à la seule culture de la betterave. D’autres filières viendront se revendiquer de cette dérogation pour à leur tour en demander d’autres à leur profit.
Nous n’oublions pas en effet que cette loi est aujourd’hui contestée et qu’elle fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État et la Cour européenne de justice. Un vote du projet de loi constituerait un signal envoyé dans une bataille en cours qui est moins juridique que politique. Qui peut nous assurer que le vote de cette dérogation aujourd’hui n’ouvrira pas la voie à la fin de l’interdiction des néonicotinoïdes ?
Ce projet de loi, enfin, n’est pas satisfaisant pour les agriculteurs eux-mêmes. Dans ces conditions, nous avons présenté avec les députés du groupe socialistes et apparentés un « plan B », une stratégie pour une transition économique, sociale et écologique de la filière de la betterave sucrière comme alternative à la réintroduction des néonicotinoïdes.
Le détail de mon intervention en séance publique :
« Monsieur le Président. Comme le disait tout à l’heure, Dominique Potier : il n’y a qu’une seule santé pour la Terre, qu’elle soit environnementale, qu’elle soit humaine. Il y a une seule santé pour tous.
Les néonicotinoïdes sont dévastateurs pour l’environnement ! Ce sont des substances hautement toxiques, persistantes, qui tuent à très faible dose, les abeilles, polinisateurs sauvages, dont dépendent notre agriculture, notre alimentation.
Les néonicotinoïdes sont responsables de l’effondrement de 80% de la population d’insectes et d’un tiers des oiseaux des champs, en quelques années, dans notre pays.
Alors, bien évidemment en 2016, oui, nous avons voté une Loi, Loi Biodiversité qui interdisait les néonicotinoïdes, au 1er septembre 2018.
Je veux simplement rappeler que cette Loi intervenait après 2 ans et demi de débat parlementaire !
Je me souviens, ici le 23 juin 2016, d’avoir voté dans la nuit, un amendement pour introduire l’interdiction des néonicotinoïdes, qui avait été supprimé par le Sénat et un vote qui a donné 36 voix contre 31. Oui, ça n’a pas été un combat facile !
Ce vote a fait de la France un pays pionnier, à l’avant-garde dans le monde pour l’interdiction des produits phytopharmaceutiques.
Mais dire, qu’il n’y a pas eu à ce moment-là, de plan d’accompagnement prévu : c’est un mensonge.
Il était prévu 2 ans de temps d’adaptation jusqu’en juillet 2020, pour laisser au monde agricole, les possibilités de s’adapter et de continuer à pouvoir utiliser un certain nombre de produits, en absence de substituts et d’alternatives aux néonicotinoïdes.
Mais, on pourrait très bien vous répondre « Monsieur le Ministre, qu’avez-vous fait depuis 3 ans ? ». Le comité de suivi, le conseil de surveillance ce n’est pas maintenant qu’il fallait l’installer, c’était dans la prolongation de la mise en place de cette loi de 2016 !
Alors, ce que vous voulez défaire aujourd’hui, sous la pression des lobbies de l’agrochimie, c’est plus qu’un reniement, c’est un précédent !
Il suffira désormais d’invoquer une difficulté économique dans un secteur pour justifier le retour des néonicotinoïdes, par simple Arrêté ministériel et donc ouvrir la voie à d’autres dérogations d’ici juillet 2023, notamment le maïs. Vous ouvrez la boite de Pandore !
Il n’est plus temps de procrastiner, pour notre planète et le vivant, et donc cet amendement vise à supprimer cette réintroduction des néonicotinoïdes jusqu’en 2023 qui constituerait un détricotage en règle de nos engagements pour la transition écologique et une grave régression démocratique ! »
La majorité a voté, mardi soir à l’Assemblée nationale, le retour controversé des néonicotinoïdes en France. Lire la suite
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Bravo pour votre engagement !
La corruption du gouvenement est infernale.
Que vaut la prospérité des producteurs de poisons contre la santé des citoyens et de nos enfants ?!
Enfin, le sucre est un poison addictif en lui-même. Réduisons la consommation de sucre, pour diminuer l’obésité qui détruit les vies et notre système de santé …
Comment peut-on vous offrir plus de soutien en tant que citoyen ,?
Merci encore pour ce que vous faites, vous et votre groupe. Merci de défendre, en fin de compte, nos vies à tous, humains et abeilles…
MERCI vous êtes vrai, avec vos convictions, votre approche de la vie des personnes, de la nature vous savez nous donner de l’espoir. Merci pour votre engagement et votre sincérité. MERCI