La Cour des Comptes publie un rapport sévère sur l’évaluation de la loi Orientation et Réussite des étudiants et sur Parcoursup.
Le rapport de la Cour des Comptes sur le bilan d’étape de la Loi Orientation et Réussite des Étudiants deux ans après son entrée en vigueur est un rapport robuste, fruit d’un travail de neuf mois, avec des moyens humains importants mobilisée au service de l’assistance du Parlement.
Ce rapport établit des constats sévères :
– sur l’absence de moyens financiers pour améliorer l’aide à l’orientation des lycéens, 0€ sur les 867 millions€ par le plan 2017-2022
– Sur la robustesse et la transparence de la plate-forme Parcoursup
– Sur les risques d’une sélection accrue dans les différentes filières et d’un système universitaire à deux vitesses.
Selon la Cour des Comptes, malgré quelques améliorations en matière d’information, de dialogue entre les élèves et les acteurs de l’orientation, la loi ORE a été mise en oeuvre de manière inégale sur le territoire et un nombre significatif d’élèves ne bénéficie toujours ni d’aide au choix d’orientation de la part de leur professeur principal, ni des semaines de l’orientation.
Près d’un tiers des élèves ne bénéficient toujours pas de conseils au moment de leur choix d’orientation et la même proportion d’étudiants continuent de regretter leur orientation.
La très grande majorité dès pré-classements établis au sein des commissions d’examen des voeux sont en fait automatisés, faute de temps suffisant au traitement au cas par cas des dossiers des candidats.
Les fragilités du système d’information en matière de sécurité, de performance et de robustesse d’APB conçu dans les années 2000 n’ont pas été rectifiées, alors même que la montée en charge doit se poursuivre avec l’inclusion à terme de l’ensemble des formations du premier cycle.
La plateforme, qui gère chaque année un flux d’environ un million de candidats présente donc des risques importants en termes de qualité et de continuité du service public, ainsi que de sécurité des données personnelles. Alors qu’elles contiennent des informations précieuses sur ses usagers, les données contenues dans la plate-forme sont largement sous-exploitées, le code de Parcoursup reste à 99 % fermé.
Enfin, la performance globale du dispositif se révèle pour l’instant identique à celle d’APB.
Au bout des deux années de pratique, des dysfonctionnements apparaissent dans le dispositif. Les classements effectués par les formations n’obéissent pas encore à une méthode rigoureuse.
Sur les 13% des néobacheliers admis au titre du dispositif « oui,si », une grande majorité fait preuve d’absentéisme massif, malgré un coût financier élevé du dispositif…
Le critère du lycée d’origine est parfois utilisé par les formations, selon des procédés manquant d’objectivité et d’équité. Les algorithmes locaux ne font toujours pas l’objet d’une publication.
Enfin, sachant qu’une formation devient sélective lorsque la demande des candidats est plus forte que la capacité d’accueil de la filière concernée, cela a été le cas en 2019, pour près de 20 % des formations non sélectives en tension, représentant près de 30 % des candidats admis.
On assiste par conséquent à une contagion progressive de la sélection à l’université au-delà des filières sélectives. Comme le souligne justement la Cour, Dans une logique d’attractivité, certaines formations pourraient utiliser la variable de la capacité d’accueil afin d’augmenter leur sélectivité et accroître ainsi leur taux de réussite, en attirant les meilleurs candidats.
Il n’est donc pas exclu, à terme, que Parcoursup exacerbe des situations d’émulation entre établissements, déjà à l’oeuvre en matière de recherche.
Avec ma collège co-rapporteur, la députée de la Nathalie Sarles, nous allons maintenant nous appuyer sur le travail et les préconisations très riches de la Cour des Comptes pour conduire un certain nombre d’auditions avant de rendre notre propre rapport au titre du Comité d’Evaluation et de Contrôle de l’Assemblée Nationale à la mi-juillet 2020.
L’article du Monde :
Dans un rapport présenté devant le Comité d’Evaluation et de Contrôle de l’Assemblée Nationale, les magistrats financiers demandent notamment l’anonymisation du lycée d’origine des candidats.
A deux semaines de la fin des vœux d’orientation pour les quelque 700 000 lycéens de terminale, la Cour des comptes a signé un « bilan d’étape » sur la plate-forme Parcousup qui a le mérite d’embrasser toutes les problématiques du nouveau système d’admission.
Orientation, affectation, réussite des étudiants : sur plus de 100 pages, ce rapport que Le Monde a pu consulter avant sa présentation, jeudi 27 février, au Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée Nationale, risque de rouvrir plusieurs débats sensibles. Au premier rang desquels celui sur les critères de sélection à l’entrée dans le supérieur.
Après l’ensemble des syndicats du supérieur, après le Défenseur des droits, c’est au tour de la Cour des comptes de tacler l’opacité qui entoure, depuis maintenant deux ans, les processus de classement des dossiers des candidats placés, jusqu’ici, sous le sceau du secret des délibérations.
Après un an d’enquête sur les pratiques des universités, les rapporteurs réclament de « rendre publics les algorithmes locaux utilisés par les commissions d’examen ». Et ce pour l’« ensemble des formations ». Le fonctionnement de ces commissions est marqué par une « forte hétérogénéité », souligne la Cour, jugeant les classements « de plus en plus automatisés » et leurs paramètres « parfois contestables ».
« Si des attendus existent afin de guider les élèves pour leur choix de formation, leur prise en compte par les commissions d’examen des vœux, au fonctionnement nébuleux, est aléatoire », écrit-elle, évoquant des « critères de classement peu transparents ».
Un « critère plus objectif »
Dans le viseur de la Cour, entre autres critères, celui du lycée d’origine. Jusqu’à 20 % des filières non sélectives les plus en tension l’ont utilisé en 2019, alors que le gouvernement en conteste la réalité. Les rapporteurs proposent, en guise d’alternative, d’anonymiser les lycées et d’introduire un « critère plus objectif » fondé sur l’écart de notations existant dans un établissement entre la moyenne au contrôle continu en terminale et les résultats obtenus au baccalauréat.
Alors que le gouvernement s’est toujours défendu d’introduire une sélection à l’université, le rapport met clairement en cause ce discours : « Le maintien de l’actuelle distinction entre filières sélectives [classes prépas, BTS, DUT…] et filières non sélectives [les licences classiques] atteint ses limites », peut-on lire dans sa conclusion.
« En réalité, une formation devient sélective lorsque la demande des candidats est plus forte que la capacité d’accueil de la filière concernée », explique la Cour. Cela a été le cas, en 2019, de près de 20 % des formations dites non sélectives en tension, représentant près de 30 % des candidats admis, a-t-elle calculé. De tels chiffres n’avaient jamais été avancés jusqu’à présent. A l’inverse, une « proportion significative » des formations sélectives ont admis tous les candidats.
Pour quels effets ? Les magistrats redoutent un « accroissement de la concurrence entre les établissements » du supérieur, un « système universitaire à deux vitesses » avec des licences siphonnant les meilleurs bacheliers, au détriment des étudiants inscrits dans des universités moins prestigieuses. L’académie de Paris vient illustrer ce phénomène : elle a recruté en 2018, dans les universités, quelque 40 % d’étudiants ayant décroché la mention « très bien » au bac, contre 29 % en 2017.
« Surévaluation importante de la performance » de Parcoursup
Sur la réussite des étudiants, objectif de cette réforme initiée il y a trois ans, la Cour des comptes porte un regard nuancé. « L’analyse globale de la performance suggère que pour l’instant les augmentations de réussite dans certaines formations en tension sont compensées par des diminutions équivalentes dans d’autres », estiment les rapporteurs, en appelant à distinguer, parmi les causes de la réussite, celles qui sont dues à un meilleur accompagnement au lycée, et celles qui relèvent du tri des candidats selon leur niveau scolaire.
Si Parcoursup a su absorber des flux croissants d’étudiants, il ne se distingue pas, en termes de performance, de la précédente plate-forme APB, d’après la Cour, qui évoque les « résultats comparables » entre les deux systèmes d’accès au supérieur. Un bilan bien moins positif que celui dressé, session après session, par le gouvernement.
Les rapporteurs mettent en cause la méthode, évoquant une « surévaluation importante de la performance » de Parcoursup. Pourquoi prendre seulement en compte les résultats d’affectation des néo-bacheliers en classe de terminale, et pas celle des étudiants en reconversion ou en reprise d’études, qui représentent quasiment un tiers des inscrits ?
Cette enquête des magistrats financiers doit servir de base à un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de Parcousup et de la loi Orientation et réussite des étudiants, attendu cet été. Il sera porté par deux députés de la Loire, Régis Juanico pour l’opposition, et Nathalie Sarles pour La République en marche.
Article du Monde par Mattea Battaglia et Camille Stromboni (26/2/2020)
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