« Déshumanisant » : la conclusion du journaliste du Progrès est sans appel après avoir testé l’ouverture de l’hypermarché Casino à Ratarieux le 1er janvier…
118 magasins sont concernés sur l’ensemble du territoire. Casino avait déjà expérimenté l’ouverture d’un supermarché le jour de Noël à Lyon et pratique déjà des horaires étendus jusqu’à minuit le soir en semaine mais aussi le dimanche après-midi dans certains de ses magasins comme celui de Bergson à Saint-Etienne.
L’enseigne avait aussi inauguré en 2018 une supérette Franprix ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à Paris et l’ouverture du dimanche après-midi dans un Géant à Angers en août 2019. À chaque fois, l’installation de caisses totalement automatiques permet le fonctionnement du magasin sans aucun salarié de l’enseigne avec seulement la présence d’agents de sécurité employés par une société prestataire.
Casino évoque pour sa part « le prolongement de ce qui se fait déjà les dimanches après-midi ». Un porte-parole déclare même : « nous souhaitons être ouverts quand nos clients en ont besoin et que la législation ne nous permet pas de faire travailler nos salariés» et se justifie en évoquant la concurrence de l’e-commerce -alors qu’elle Casino est présent avec C Discount- et… les grèves dans les transports.
Même si la plupart des jours fériés sont travaillés dans la grande distribution, les magasins sont fermés les 1er mai, 25 décembre et 1er janvier.
Le risque est aujourd’hui comme le souligne les syndicats de salariés, la banalisation de l’ouverture des commerces en permanence et sans caissier(e)s ou présence humaine à l’exception de vigiles. Casino s’est fixé pour objectif 500 points de vente capables de fonctionner qu’avec des vigiles en 2021. On voit bien la logique du rouleau compresseur et le risque pour les salariés de la grande distribution d’une généralisation progressive.
Est-ce le modèle de société que nous souhaitons collectivement ?
Le travail ou l’ouverture des commerces le dimanche est un non sens civilisationnel comme je le rappelais déjà en 2008 au moment de la bataille parlementaire contre la proposition de loi sur l’ouverture dominicale :
« Mais l’ouverture des commerces le dimanche aurait pour conséquence (et c’est selon nous, le point le plus important), une profonde modification de nos comportements et de nos modes de vie.
(…) Cette course effrénée à la sur-consommation contredit d’ailleurs le mouvement d’une consommation raisonnée à laquelle nous aspirons et pour laquelle nous avons voté en faveur du Grenelle de l’Environnement. Les grandes surfaces, notamment alimentaires, sont parmi les activités les plus énergivores : éclairages puissants entièrement artificiels, chauffages ou climatisations de volumes immenses, vastes rayons de réfrigération ouverts ou souvent manipulés. En ces temps de « révolution verte », il est étrange que l’on ne s’interroge pas sur l’impact environnemental de l’ouverture des commerces le dimanche : sa généralisation à tous les hypermarchés et supermarchés se traduirait par un surcroît de la consommation énergétique, supérieur aux fameuses économies générées par le changement d’heure hiver-été. Sans compter la multiplication des déplacements engendrés par les distributeurs, les fournisseurs et les consommateurs.
Et la question ne se pose pas qu’en simple terme de pouvoir d’achat ou d’organisation de la société : c’est aussi celui du choix de vie, de la possibilité de consacrer son temps libre à autre chose que la consommation.
Cette conception de la vie que nous propose le gouvernement est une véritable menace pour la sphère familiale, amicale, culturelle, spirituelle ou associative. Cette latente mais palpable évolution de la civilisation des loisirs, vers la civilisation du caddie où le citoyen est défini en tant que consommateur, ce n’est pas notre conception de la vie. Des dérogations existent aujourd’hui pour répondre largement aux besoins des entreprises.
Mais si on venait à accentuer ce phénomène, que deviendrait les réunions familiales, les week-end entre amis, les fêtes populaires, les marchés, les brocantes, les tournois sportifs, le bénévolat et la vie associative ? Quelle vie privée, quelle vie de famille lorsque à terme, l’un des parents travaillera le samedi, l’autre le dimanche et auront des jours de repos hebdomadaires différents, alors que justement, nos sociétés souffrent déjà d’une déstructuration des liens sociaux ? À l’heure où l’on cherche à recréer du lien social, à l’heure où les Français se plaignent de l’érosion de leur pouvoir d’achat, à l’heure où ils aspirent à une meilleure qualité de vie, le gouvernement souhaite aller dans le sens contraire. Le droit au travail le dimanche (liberté individuelle) ne doit pas primer sur le droit au dimanche (intérêt général) ! (…) »
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