Nous vivons une situation paradoxale : à moins d’un an des jeux d’été de Tokyo, et cinq ans avant les jeux de 2024 que nous aurons la chance d’accueillir en France avec une formidable opportunité de faire briller nos couleurs mais surtout de construire un héritage, de développer la pratique sportive pour tous dans notre pays, les acteurs du sport devraient être pleinement mobilisés pour la réussite de ces deux rendez-vous.
Aujourd’hui, ils assistent impuissant et en dépit d’une forte mobilisation à un grand « chamboule-tout », une « braderie » du modèle sportif français qui conduit à un désengagement sans précédent de l’Etat dans ses politiques de soutien au sport.
Cet effacement programmé de l’Etat en matière de politique sportive qui en fait un acteur résiduel pose la question de l’avenir même du Ministère des sports.
Dès le lendemain de l’obtention des jeux de Paris 2024, nous aurions du avoir au plus haut niveau de l’Etat un discours de mobilisation nationale accompagné d’une programmation de moyens financiers supplémentaires sur cinq ans et d’une grande loi sport et société, dont la date d’examen a été régulièrement annoncée et sans cesse reportée.
Cette loi aurait du être le 1er acte fondateur du modèle sportif 2024 et pas arriver à la fin, une fois que tous les autres chantiers ont été lançés…
En réalité la feuille de route de notre politique sportive n’est pas définie, depuis deux ans, avenue de France mais par un organisme technocratique Action Publique 2022 et à Bercy.
Malgré de faibles moyens financiers et humains, je rappelle que les crédits de l’Etat pour le sport hors Education Nationale représentent 850 millions d’euros -en comptant les dépenses de personnels- contre 10 milliards d’euros pour la culture. Hélas, le sport demeure une variable d’ajustement des finances publiques.
Nous avons tous en mémoire la brutalité de la lettre de cadrage adressée à la Ministre des Sports Laura Flessel à l’été 2018 annonçant la suppression de 1600 postes pour un effectif total de 3100 équivalent temps plein.
Plus largement, depuis deux ans, le sport subit des coups de rabots financiers incompréhensibles :
– avec deux baisses successives en 2018 et 2019 des crédits budgétaires à hauteur de 55 millions d’euros
– la baisse sans précédent de 50% des crédits extrabudgétaires, les taxes affectées au financement du sport dont les deux tiers du produit avec le mécanisme de plafonnement vont dans les caisses de Bercy et pas au ministère des sports, alors que la taxe Buffet va connaître un meilleur rendement avec l’augmentation des droits télés du foot en 2020 et que les paris sportifs ne se sont jamais aussi bien portés : 6.7 milliards € de mises par les joueurs en 2018
– conséquence de la réduction des taxes affectées : une économie nette de 53 millions d’euros des crédits de la part territoriale de l’ex-CNDS sur le dos des clubs sportifs amateurs déjà en grande difficulté avec la suppression de 80% des contrats aidés en trois ans
Le désengagement n’est pas que financier, il est aussi humain, avec plusieurs chantiers concernant les ressources humaines menés simultanément :
– avec l’incertitude majeure qui plane toujours -12 mois après- le début de la crise sur le statut des Conseillers Techniques et Sportifs. Malgré l’annonce d’une pause dans la réforme, la besogne d’extinction progressive de ce corps d’agents de l’État se poursuit avec l’absence de concours de recrutement en 2019
– la réorganisation de l’administration centrale de la direction des sports recentrés comme on dit dans le jargon technocratique sur les missions de stratégie, d’expertise, de régulation, d’évaluation, de sécurité et de contrôle.
– en même temps, la nouvelle Agence Nationale du Sport récemment crée se voit transférer deux des principales compétences du ministère des sports : le haut-niveau -avec une forte incertitude aussi sur le rôle de l’INSEP- et le développement de l’accès à la pratique sportive. L’ANS aura la capacité de signer des conventions d’objectifs avec les fédérations en lieu et place du ministère des sports avec un budget réduit à la portion congrue, l’ANS captant 300 millions des crédits du sport.
– la réorganisation des services déconcentrés de l’Etat Jeunesse et Sports, déjà touchés au moment de la RGPP, qui vont progressivement disparaître à partir de l’été 2020 pour se fondre dans les rectorats de l’Education Nationale avec pour mission principale, la mise en place du Service National Universel, s’ajoutant à toutes les autres missions réalisée pour des fonctionnaires, des agents de l’Etat ballotés par ces réorganisations permanentes qui vivent dans une grande angoisse et de la souffrance au travail cette perspective.
– et pour compléter le tableau la fusion des inspections générales jeunesse et sports avec celle de l’Education Nationale, de la recherche et des bibliothèques. Cette même IGJS dont on ne publie pas le rapport concernant les CTS parce qu’il ne va pas dans le sens de ce que souhaite le gouvernement
– je n’évoquerai pas le récent rapport de la Cour des Comptes qui préconise de confier l’EPS à l’école au mouvement sportif…
On le voit tout concourt au rétrécissement du champ d’intervention de l’Etat, du ministère des sports, de façon très idéologique : le modèle sportif Français date des années 60, il est daté, il faut en changer au nom du fétichisme de l’agencisation de l’action publique sans jamais questionner l’efficacité et les résultats de ce modèle comparé à l’action de l’État, certes perfectible.
Devant une telle dilution de l’autorité et l’absence de pilotage et de coordination des acteurs de ce nouveau modèle, nous sommes en droit de poser une question toute simple : y-a-t-il encore un pilote dans l’avion du sport Français ?
Mais rassurez-vous, la ministre des sports l’a dit en audition au mois de juillet devant nos collègues au sénat : « il y a un ministre des sports au moins jusqu’au JO de 2024 ».
L’effacement programmé de l’Etat dans le sport n’est pas une fatalité, c’est à nous de nous mobiliser collectivement, c’est l’objectif de nos échanges ce matin à l’Assemblée Nationale.
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En effet le sport est en difficulté, à nous de rester mobilisé et de ne pas accepter cette fatalité.
Merci Régis pour ton engagement, en toute solidarité.