Le titre du projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » pouvait faire croire à la recherche d’un équilibre entre ces différents objectifs. Il n’en fut malheureusement rien, que ce soit dans le texte proposé ou dans le débat parlementaire. Le débat dans l’opinion publique que j’appelais de mes vœux n’a pas eu lieu, les consciences ne se sont pas éveillées et et je le regrette profondément.
Effectivement, le projet de loi a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale et les débats parlementaires ont fait la part belle aux préjugés et aux peurs. Pour la première fois, sur un projet de loi ayant pour objet l’immigration, un gouvernement obtient sur certains articles la neutralité ou le soutien de l’extrême droite. Le Front National a ainsi pu voter à plusieurs reprises avec le gouvernement, transformant ainsi le “et de droite et de gauche” de Macron en “et de droite et d’extrême droite”. Une situation tristement historique et non sans douleur pour celles et ceux qui ont voté au second tour de l’élection présidentielle pour Emmanuel Macron contre l’extrême-droite.
Ainsi, faisant fi des objections et des désaccords du Défenseur des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, du Conseil de l’Europe, de la Cimade, du Gisti, du Secours populaire, du Secours catholique, de la ligue des droits de l’Homme, de centaines d’associations partout en France, contre l’avis des chercheurs, des intellectuels (…), le gouvernement a durci les conditions d’accès au droit d’asile mettant en cause l’effectivité de ce droit fondamental.
La gauche qui, durant toute la semaine, n’a pas ménagé ses efforts, a voté en faveur de l’assouplissement du délit de solidarité, rare avancée de ce texte, tandis que le gouvernement repoussait, en revanche, chacun de ses amendements d’un revers de la main, et notamment l’amendement que j’ai moi-même défendu pour sortir de la précarité les étrangers ni régularisables, ni expulsables. Ces derniers ont ainsi été rejetés considérant que ce n’était pas le “bon endroit” et que surtout cela ne nécessitait pas de réponse de fond. Ainsi, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb m’a répondu de manière tout à fait méprisante et démagogique : « Imaginez que cet amendement soit adopté et que vos propositions soient mises en œuvre dans votre territoire… Je ne pense pas qu’elles recueillent l’assentiment d’une majorité de nos concitoyens”.
Ce projet de loi est une grave régression et cela ne règlera en rien la question migratoire, des mesures telles que : l’atteinte aux droits des migrants, l’extension des durées de rétention (de 45 à 90 jours), la réduction des délais de recours, le non respect des droits de la défense, l’enfermement des enfants… sont une réelle atteinte aux droits fondamentaux. Pour rappel, ces droits fondamentaux ne se divisent pas et nous allons avoir un droit d’asile qui sera demain moins bien assuré qu‘aujourd’hui, les demandeurs seront moins bien traités et les déboutés plus nombreux. Ce projet de loi contrevient aux droits de l’enfant en doublant la durée de leur présence dans les centres de rétention administrative (CRA) dont ils devraient être exclus. Comment une telle possibilité peut-elle être réelle dans notre pays alors que cela est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ainsi qu’à la Convention internationale des droits de l’enfants ?
Rien dans cette loi ne viendra régler la question migratoire car elle se fonde sur un système dont la défaillance, et même la caducité, sont aussi patentes que la crise de gouvernance de l’Union Européenne en la matière, à savoir les accords de Dublin. Car cette crise migratoire révèle aussi les fractures de l’Europe, ses divisions et ses incapacités. L’Europe doit se ressaisir. Cette loi est inutile car elle prétend régler nationalement un phénomène mondial.
Ce texte, loin de répondre aux situations humaines des réfugiés, ne répond pas d’avantage à l’exigence de régulation du système d’asile. Il se limite à donner des gages à une opinion publique inquiète parce que livrée aux préjugés et sans repères.
C’est en réalité la politique européenne de l’asile qui est à revoir. Ce sont aujourd’hui les accords de Dublin et du Touquet qu’il faut remettre à plat pour leur substituer un véritable droit d’asile européen qui oriente avec intelligence et humanité les réfugiés sur les territoires où leur intégration est la plus plausible.
Pour toutes ces raisons et pour l’image désastreuse et liberticide que ce projet de loi véhicule j’ai voté contre. Un texte contre lequel je me suis fermement opposé tant il remet en question la place des migrants, le droit donné par l’Etat à une protection pour celles et ceux qui fuient leurs pays parce que leurs droits, leurs libertés, leurs vies et celles de leurs proches ne sont pas assurés.
Défendu par le ministre de l’intérieur, il prévoit de réduire les délais pour les demandes d’asile et d’améliorer les reconduites à la frontière pour ceux qui en sont déboutés.
Après des dizaines d’heures de débats répartis sur sept jours, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi asile-immigration, dimanche 22 avril. Du jamais vu, hors période budgétaire, depuis la loi Macron de 2014 ou l’homérique bataille du « mariage pour tous », il y a cinq ans jour pour jour.
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Bravo pour avoir refusé ce texte de loi ; une loi que nous n’avons jamais trouvée aussi dure, c’est grave pour la France (dite pays d’accueil) et aussi l’Europe.
Janine
Merci pour cette défense. Ce texte multipliera les clandestinités, il sera responsable de beaucoup de précarités et d’injustices. Il ne s’explique que pour séduire des électeurs plus à droite que le faux ni de droite ni de gauche : j’ai honte pour eux et pour moi !