Semaine du 23 au 29 mai

Je suis intervenu, comme co-rapporteur du Comité d’Évaluation et de Contrôle des politiques publiques (CEC), Mercredi 21 février, lors du débat sur le rapport sur l’évaluation de la régulation des jeux d’argent et de hasard. J’ai ainsi pu interpeler le ministre sur l’état d’avancement d’une étude scientifique sur le coût social du jeu problématique sous l’égide de l’observatoire des jeux.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de la Cour des comptes, dont Jacques Myard – mon premier co-rapporteur – et moi-même avions demandé l’assistance, nous avons établi une évaluation de la régulation des jeux d’argent et de hasard, présentée devant le comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale le 8 février 2017. Notre rapport d’information comprenait seize propositions, dont je me suis attaché, avec ma co-rapporteure de suivi, Olga Givernet, à examiner l’application.
On entend souvent dire que les préconisations des rapports parlementaires, notamment celles du comité d’évaluation et de contrôle, restent lettres mortes ou ne sont pas suivies d’effet. Or nous avons constaté avec satisfaction que neuf des seize propositions étaient d’ores et déjà appliquées ou en voie de l’être : elles permettent de mieux lutter contre le blanchiment dans les points de vente physiques de La Française des jeux et dans les casinos, de mieux lutter contre les manipulations de manifestations sportives et d’optimiser le programme et le calendrier des courses hippiques proposées aux parieurs. J’ai envie de dire, monsieur le ministre, que le droit de suite des rapports parlementaires, cela marche !
Inversement, sept préconisations restent inappliquées, dont certaines appellent des décisions politiques : il en est notamment ainsi, monsieur le ministre, de la consultation du fichier des interdits de jeu aux points de vente physiques du PMU et de La Française des jeux, de la création d’un comité interministériel des jeux d’argent et de hasard, et surtout, comme l’a dit Olga Givernet, de la création d’un régulateur unique, sous la forme d’une autorité administrative indépendante, qui pourrait résulter de l’extension des compétences de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL – même s’il serait tout à fait possible d’envisager deux collèges de régulation distincts, l’un pour le secteur des jeux en concurrence et l’autre pour celui du monopole.
Pour ce qui est du renforcement de l’interdiction du jeu aux mineurs, que pensez-vous de l’idée d’exiger des détaillants qu’ils demandent au joueur une pièce d’identité dès lors qu’il y a un doute sur son âge, sachant que cette disposition existe déjà dans la réglementation prohibant la vente d’alcool et de tabac aux mineurs ?
En ce qui concerne les améliorations à apporter aux politiques publiques de traitement du jeu problématique, le rapport d’information initial a noté, et le nouveau le rappelle, que la pratique du jeu s’intensifie : les joueurs – 56 % des Français – jouent plus souvent et misent davantage, pour des enjeux atteignant 45 milliards d’euros par an. En ce qui concerne l’addiction, le nombre de joueurs excessifs reste stable depuis cinq ans, mais le nombre de joueurs à risque modéré a été multiplié par 2,5 sur la même période, et le problème touche 1 million de personnes. Néanmoins, nous ne disposons toujours pas d’études d’évaluation socio-économiques sur les dommages causés par la pratique du jeu excessif : le chômage, le divorce, la dégradation de l’état de santé, le surendettement, le suicide, etc. Il a été proposé de mener une étude scientifique sur le coût social du jeu problématique, sous l’égide de l’Observatoire des jeux. Ou en sommes-nous, monsieur le ministre, dans le financement de cette étude ? Peut-on espérer une implication plus forte du ministère de la santé ?
Je souhaite aussi appeler votre attention sur deux points de vigilance.
Premièrement, la baisse du nombre de paris sportifs en point de vente observée depuis 2017, au profit des paris sportifs en ligne, rend nécessaire une réflexion des régulateurs à propos d’une éventuelle hausse du taux de retour aux joueurs sur les paris en dur par rapport aux joueurs sur les paris en ligne, sachant qu’il y a dorénavant près de dix points d’écart. Y seriez-vous favorable, monsieur le ministre ? Vous engagez-vous à lancer l’expérimentation – qui a pris beaucoup de retard – des paris sportifs événementiels dans certains points de vente de La Française des jeux, ce qui permettrait au passage une meilleure identification des joueurs ?
Deuxièmement, dans ce pays, une régulation forte et puissante sur les jeux d’argent et de hasard est indispensable, d’autant plus qu’il est question d’ouvrir le capital de La Française des jeux. Cette opération nous interroge fortement : comment rendre compatible un actionnariat privé avec les obligations et les missions de service public, qui constitue la contrepartie à la reconnaissance du monopole ? Si l’actionnariat public est dominant aujourd’hui – l’État détenant 72 % du capital et le reste étant réparti entre les salariés et les associations d’anciens combattants –, ce qui favorise une certaine autolimitation, notamment dans la recherche de nouveaux jeux favorisant l’addiction, il n’en ira peut-être pas de même avec des actionnaires privés, davantage axés sur la maximisation de la rentabilité de l’entreprise et le retour sur investissement.
Je conclurai – puisque vous m’y invitez, madame la présidente – en rappelant, pour justifier le contrôle puissant exercé notamment par La Française des jeux, la contribution de cette dernière à l’intérêt général : des recettes fiscales à hauteur de 3,3 milliards d’euros, 52 000 emplois et 250 millions d’euros pour le financement du sport, notamment le sport amateur, La Française des jeux étant même le premier financeur du sport pour tous, ce qu’il convient de préserver. Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur cette question brûlante, la possible privatisation de La Française des jeux ?
Je suis ensuite intervenu, au nom du Groupe Nouvelle Gauche, sur la question brulante de la privatisation de la Française des Jeux qui reste, rappelons le, le premier financeur du sport pour tous.
Monsieur le ministre, voilà qui va me permettre de réagir à vos annonces. Nous reviendrons sur certaines d’entre elles au cours du travail de suivi que les rapporteurs du comité d’évaluation et de contrôle des politique publiques, Olga Givernet et moi-même, continuerons d’effectuer avec le Gouvernement.
J’ai bien noté votre ouverture sur la question de la régulation unique. Sans doute est-ce le point le plus important du rapport d’information. Je ne suis pas sûr que cette question soit totalement liée à l’ouverture du capital de La Française des jeux. Le projet de loi PACTE – Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises – se profile. Nous verrons bien s’il comporte un volet sur la cession des participations de l’État dans cette entreprise. Quoi qu’il en soit, je veux bien dissocier les deux questions pour avancer dans la réflexion.
Tous les groupes politiques qui se sont exprimés ce soir à la tribune ont souligné le besoin d’une régulation puissante et cohérente des jeux d’argent et de hasard, en termes d’ordre public et de protection de nos concitoyens – l’idée est revenue régulièrement. Une réforme de la régulation s’impose, ne serait-ce qu’en raison de la rapidité des évolutions technologiques qui affectent le secteur. Je pense qu’une initiative législative, qu’elle vienne du Gouvernement ou des parlementaires, est nécessaire, huit ans après la loi du 12 mai 2010.
Nous verrons au mois d’avril – lorsque les annonces seront faites – si le projet de loi PACTE inclut des cessions d’actifs dans les entreprises publiques comme La Française des jeux. À cet égard, la situation ne sera pas la même selon que la participation de l’État au capital de cette entreprise passe de 72 % à 30 % ou à 52 %. Il y a une grande différence en les deux situations. J’aimerais que vous en disiez un mot.
Je l’ai dit tout à l’heure : La Française des jeux apporte aujourd’hui 20 millions d’euros aux fondations pour le sport.
Elle apporte 80 % des finances du Centre national pour le développement du sport. C’est aussi le premier financeur du sport pour tous. Bien évidemment, l’exigence de rentabilité d’un actionnaire privé sera différente de celle de l’actionnaire public.
La réponse du ministre, M. Gérald Darmanin
Je serai encore plus rapide, si M. Juanico me le permet. Je le remercie d’avoir noté certaines ouvertures à l’égard des propositions contenues dans le rapport d’information, notamment en ce qui concerne la régulation. Nous y travaillons indépendamment de l’élaboration du projet de loi PACTE et de l’ouverture du capital de La Française des jeux, mais nous pourrions éventuellement inscrire cette disposition dans la loi par la même occasion.
Je pense comme vous que le moment est venu d’y réfléchir, huit ans après la loi du 12 mai 2010. Tout à l’heure, en marge d’une réunion de la commission des finances, j’en ai parlé à M. Woerth, qui était ministre au moment de l’élaboration de la loi et qui m’a confié qu’il fallait peut-être, effectivement, évoluer. Entre nous soit dit, le gouvernement précédent aurait sans doute dû le faire, mais je me réjouis que ce travail soit devant nous.
Chacun sait que nous réfléchissons à l’ouverture du capital de La Française des jeux, bien que nous n’ayons pas fait d’annonce en la matière. Je voudrais donc, monsieur Juanico, prévenir votre frustration, même si je la crois surtout rhétorique. Quoi qu’il en soit, j’ai bien pris note de vos propositions.
Le 14 décembre dernier, Olga Givernet, députée LREM, et Régis Juanico, député Nouvelle Gauche, rendaient public le rapport du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de la régulation des jeux d’argent. Les parlementaires préconisent la création d’une autorité unique en la matière. En tant que régulateur des jeux d’argent en ligne, je salue la pertinence et le bien-fondé de leurs propositions.
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.
Laisser un commentaire