Mardi 28 novembre, l’Assemblée nationale a définitivement ratifié les ordonnances Macron-Pénicaud réformant le code du travail. Avec le groupe Nouvelle Gauche, j’ai voté contre ce texte qui porte gravement atteinte à notre modèle social, va précariser les salariés et affaiblir un peu plus notre démocratie sociale. Son examen n’a jamais donné lieu à de réels débats, ayant la moindre chance de faire évoluer les votes de la majorité : deux amendements adoptés sur la centaine que nous avons présentée… C’est à cette même conception de la négociation que sont désormais condamnés les salariés dans les entreprises, avec ces ordonnances.
« Vous savez que beaucoup de patrons refusent de reconnaître l’existence des syndicats : ils ne veulent discuter avec leurs ouvriers qu’individuellement ; ils refusent de reconnaître la puissance collective des ouvriers groupés ». Cette phrase a été prononcée à l’Assemblée, le 21 novembre 1895, par Jean Jaurès. Plus de cent vingt ans plus tard, le gouvernement réussit l’exploit de lui redonner jeunesse et actualité, en organisant l’affaiblissement et le contournement des syndicats, en faisant d’une discussion entre un employeur et un de ses salariés une modalité du dialogue social.
Dorénavant, les multinationales auront la possibilité de licencier leurs salariés quand elles font des bénéfices. Les juges ne prendront plus en compte que la situation nationale d’un groupe pour apprécier un licenciement et non plus sa situation mondiale.
Dorénavant, les indemnités prud’homales seront plafonnées de façon obligatoire, elles ne seront plus à l’appréciation du juge. Ce dernier n ‘aura plus à prendre en considération les spécificités de chaque individu ni sa détresse face à son licenciement.
Dorénavant, la force syndicale sera réduite comme peau de chagrin. Dans les petites entreprises, le patron n’aura plus de mandataire syndical face à lui. Seul le référendum aura valeur de négociation, et avec lui les rapports de force déséquilibrés.
Rien n’est prévu pour renforcer la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Ces ordonnances n’intègrent à aucun moment une consolidation du dialogue social entre les salariés et l’employeur, garant de la stabilité des relations au travail.
La “République en marche” veut partout, au Parlement, dans les collectivités territoriales comme dans les instances représentatives du personnel, moins d’élus, c’est-à-dire moins de femmes et d’hommes pour organiser la nécessaire médiation entre les conceptions et les intérêts divergents qui font toute société humaine.
D’autres chemins étaient possibles pour engager de grandes réformes, consacrant une vision moderne du dialogue social, fondant de nouvelles sécurités pour les salariés, se préoccupant de la qualité des emplois créés, de la précarité dans l’emploi, de la pauvreté au travail, des nouvelles formes de relations contractuelles avec les plateformes numériques, de l’« ubérisation » de l’économie… La révolution numérique, qui va ébranler tous les cadres connus, appelle de telles réformes pour envisager de nouvelles modalités de gestion des transitions professionnelles, imaginer le modèle social qui nous permettra d’affronter l’incertitude, trait majeur de notre temps, et réconcilier les besoins des entreprises et ceux des salariés, pour que le progrès technique ne s’accompagne pas nécessairement de régressions sociales.
Le groupe Nouvelle Gauche, après avoir voté contre ce texte, donnera rendez-vous à la représentation nationale pour retravailler toutes ces questions, sur la base d’analyses et de propositions radicalement différentes, dans les toutes prochaines semaines, afin de ne pas être condamnés à une vision déjà datée de l’entreprise, de l’économie et de la régulation du marché du travail. Il n’y a pas de fatalité à ce que l’Assemblée nationale du XXIe siècle vote des lois dont le XXe siècle n’a pas voulu et qui ne soient pas fidèles aux promesses de justice de la République, sans laquelle il n’y a pas de prospérité économique.
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