Discours de Benoit Hamon
Saint Denis le 28 Août 2016
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Mes chers amis,
C’est une grande joie d’être devant vous et un grand honneur pour moi que vous soyez venus si nombreux.
Aujourd’hui, je veux partager avec vous le sens de ma candidature, la raison qui m’amène ce 28 Août à parler à travers vous, à tous nos concitoyens.
Au fond je conçois qu’une candidature à la présidentielle répond principalement à deux types de motivation.
La première, c’est de vouloir, depuis très tôt, devenir Président de la République. C’est de consacrer sa vie à cet objectif. C’est de vouloir être Président à tout prix. C’est parfois même considérer que le pays vous attend, qu’il vous guette impatient, et qu’il vous revient de consentir le sacrifice de votre personne à la nation.
Peut-être vais-je vous décevoir. Je ne ressens pas en moi, ce feu qui transforme une simple candidature en providence. Si j’ai perçu à d’autres moments de ma vie politique, ce feu chez d’autres. Si je le perçois aujourd’hui encore et toujours. Il ne m’a jamais fait vibrer. Et j’ai vu le prix qu’il coûtait de devoir éteindre les incendies provoqués par les passions narcissiques de ces hommes guidés par la providence.
Ne me demandez pas de jouer au Président pendant cette campagne.
Je laisse ce théâtre-là à d’autres. Je connais le scénario de la pièce. Elle est donnée tous les cinq ans. Le décor est toujours le même, les acteurs pour la plupart aussi. Un savant mélange de généraux défaits, en quête de revanche autour d’un roi sans couronne. Je leur laisse volontiers singer la puissance si cela leur chante. Comme le disait avec ironie Victor Hugo : « N’imitez jamais rien, ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe ».
La France vaut mieux q’un concours de grimace lors de chaque élection présidentielle. Je n’ai ni le goût ni le talent pour les grimaces. Ce qui m’intéresse c’est l’action sur le réel.
Ma décision n’emprunte donc pas le chemin droit et lumineux qui conduit une femme ou un homme – souvent un homme – à juger qu’il est la réponse aux défis de son peuple et de son pays. Comme si la solution s’incarnait miraculeusement dans le génie concentré en une seule personne, en une sorte de formule chimique, d’assemblage de cellules exceptionnel, un ADN qui vous prédestine une personne à gouverner les autres.
Je revendique, au risque de décevoir, mon humanité imparfaite. Je revendique, au risque de ne pas faire « Président », des motivations plus complexes. Je revendique, au risque de déplaire, que le projet que je défendrai n’a rien d’une fulgurance solitaire, ne m’appartient pas, mais a tout d’un travail patient et collectif. Voilà la seconde motivation dont je vous parlais.
Mon projet présidentiel n’est pas la vérité révélée. Il propose un choix à nos compatriotes. Un choix politique et démocratique sur la façon dont nous, Français, voulons vivre ici et avec le reste du monde. Ce sera une oeuvre collective, le produit d’une analyse commune. Que dit spontanément cette intelligence collective. Que retrouve t’on dans les paroles, les demandes de millions de nos compatriotes. Qu’il faut être lucide et partir de la réalité telle qu’elle est pas telle qu’on la fantasme. Il faut être honnête,sur ce que l’on a fait et ce que l’on veut et l’on peut faire. Qu’il faut aller moins vite, être tempérant pour pour ne plus sacrifier notre environnement, nos droits et notre qualité de vie dans une course effrénée à la croissance et aux profits, qu’il faut rechercher la concorde parce que la république vacille et que notre société se déchire violemment sous nos yeux
LA LUCIDITE
Cette lucidité nous invite à prendre la mesure de la mutation que connaît le monde moderne.
J’ai le sentiment d’avoir toujours vécu avec la crise. Si cette crise est si interminable et protéiforme c’est bien qu’elle n’a pas été correctement analysée et comprise et que les solutions convoquées
jusqu’ici n’ont rien résolu. On ne regarde pas les vrais problèmes. On les dissimule. On les minore. Ce qui cause cette haine contre la politique. Haine contre les politiques.
“En politique, ce qu’il y a de plus difficile à apprécier et comprendre disait Tocqueville, c’est ce qui se passe sous nos yeux”. Il faut donc nommer ce qui se passe , pas ce qui nous arrange.
Éclairons quatre de ses principales caractéristiques :
Face à ces crises, il nous faudra sortir du consensus mou, de la pensée unique et des solutions paresseuses auxquelles la gauche de gouvernement s’est trop souvent ralliée sans résistance, pire : consentante.
La vie politique française connaît depuis maintenant plusieurs décennies une transformation ; elle opposait jadis des projets politiques clairement identifiés. Nos institutions même critiquables, organisaient et régulaient l’affrontement pacifié entre des projets distincts et clivés. Jusqu’alors on ne concevait pas de consensus rationnel possible entre les projets de gauche et de droite.
Lentement d’abord, puis de plus en plus vite, ces clivages se sont effacés et ont même quasiment disparu entre les tenants de la gauche et de la droite « officielles ». Le quinquennat de François Hollande, particulièrement sa deuxième partie, a dans ce domaine, battu tous les records. L’économie, le travail, les retraites, le projet européen, les politiques de sécurité et depuis peu l’affirmation du primat de la question identitaire sur la question sociale réunissent dans le diagnostic comme les solutions, programmes des gauche et droite dites modérées.
Nous sommes ainsi aujourd’hui confrontés inlassablement aux mêmes professions de foi sur la rigueur budgétaire et le réalisme économique.
Voilà que la politique est assommée par le « bon sens ». Je me méfie de ce bon sens qu’on voudrait trop souvent nous imposer. Comme l’écrivait Descartes « le bon sens est la chose au monde la mieux partagée car chacun pense en être bien pourvu».
Et c’est ainsi que les gros titres et éditoriaux s’enchaînent : « quand la France s’éveillera-t-elle » ? ». « A quand les réformes structurelles indispensables ?» « Pourquoi la France est-elle en retard sur ses voisins? » « Quand les Français consentiront ils à cesser de vivre au-dessus de leurs moyens ? ». Cette hégémonie culturelle libérale somme les Français de consentir à des sacrifices toujours plus nombreux, les culpabilise et nous empêche de penser en dehors du cadre.
Les frontières entre gauche et droite s’effacent donc et on nous présente cela comme un progrès parce que cela permettrait une forme consensuelle de démocratie. Absurde ! Je conteste cela.
Totalement. Il est absolument naïf de penser que les conflits d’intérêts et les rapports de force auraient disparu dans une société paisible et uniforme où chacun travaillerait toujours dans l’intérêt
de tous. Les exemples fourmillent. J’en prends deux. Non, l’intérêt du chef d’entreprise qui veut limiter ses coûts et répondre aux exigences de ses actionnaires n’est pas le même que celui du salarié qui aimerait enfin pouvoir emmener ses enfants en vacances. L’intérêt des consommateurs n’est pas celui des opérateurs téléphoniques, des compagnies d’assurance, des banques.
J’affirme que si ces conflits ne trouvent pas de traduction dans des projets politiques alternatifs entre la droite et la gauche, si la gauche n’a plus aucun imaginaire à proposer parce que la réalité est désespérément grise et que ses dirigeants sont depuis longtemps assoupis ; alors les ruisseaux de colère iront nourrir un autre fleuve plus violent, plus tempétueux, dangereux et incontrôlable. Là où les adversaires en politique disparaissent, ils réapparaissent sous la forme d’adversaires religieux ou ethniques.
Quand le conflit cesse d’être politique, pour devenir moral, quand il ne sépare plus la gauche et la droite mais le bien et le mal, il n’est pas rare que l’adversaire se transforme en ennemi.
Je n’y vois aucuns un progrès mais une régression.
Pour paraphraser Jean Jaurès, Il vaudrait mieux pour notre démocratie nous diviser sur des formules nettes que nous confondre dans des formules obscures.
Mon projet sera sans équivoque. Il sera clair. Ainsi chacun pourra s’y opposer ou s’y rallier sans craindre la moindre déloyauté ou inconstance. Ma gauche est confiante. Elle n’hésite pas.
Je veux poursuivre par une anecdote. Une anecdote qui illustre tellement le fossé qui s’est creusé entre le peuple français et l’élite qui décide pour lui.
Sans doute, vous aussi avez un été surpris un matin par un “Hé Oh la gauche !” Hé Oh réveillez-vous, électeurs léthargiques ou assoupis. Cessez vos rêveries inutiles.
Au moment même où une partie de l’électorat naturel de la gauche et de la jeunesse tenait le pavé toute la nuit place de la République et dans plusieurs grandes villes de France, ce slogan trouvé par le gouvernement en défense de sa politique m’a laissé stupéfait. Il n’y a pas plus réveillé qu’un électeur de gauche. Les électeurs de gauche font nuit blanche et le gouvernement leur répond “hé oh réveille-toi!”
Il y aurait donc une méprise entre les français et le gouvernement. Mal informés, désinformés, les Français se seraient détournés d’un gouvernement qui travaille pourtant pour eux. La seule erreur concédée par celui-ci, c’est une mauvaise communication. Le problème n’est donc pas dans la politique menée mais dans le regard que l’on porte sur elle.
Et les électeurs de gauche sont donc sommés de se secouer, de dissiper leur trouble et de se rallier à l’évidence suivante : avec François Hollande c’est quand même moins pire.
Moins pire. Moins pire que Nicolas Sarkozy. C’est ce que l’on revendique fièrement dans les cabinets ministériels, au bureau national du Parti socialiste et que l’on chuchote dans les sections ou en porte à porte. Qui ne voit pas dans cette sentence le principal échec de François Hollande ? Qui ne voit pas dans cet argument la marque évidente de l’abandon de ce qui est la raison d’être de la gauche ?
Faire moins pire que la droite, c’est accepter la fatalité d’une société qui se délite alors qu’elle n’a jamais été aussi riche et aussi éduquée, c’est renoncer à la vocation de la gauche de faire de la recherche de l’égalité, du progrès collectif, de la coopération, de l’émancipation des individus, des causes qui transcendent, exaltent, enthousiasment et glorifient l’action politique et démocratique.
Il y a dans ce misérable argument – faire moins pire – une blessure infligée à notre histoire collective.
« Même sans espoir, la lutte est un espoir » écrivait Romain Rolland. Les Français sont lucides. Ils n’attendaient pas de miracles. Dans une France traversée par les peurs, ils ont désespérément cherché le lutteur dans leur Président de la République. En vain. Ils ne l’ont pas trouvé.
La gauche c’est le progrès et l’espoir et nous vivons une époque de régression ou le fatalisme et la résignation dominent. La moitié des Français juge vivre moins bien que leurs parents ; deux
Français sur trois estiment que leurs enfants vivront moins bien qu’eux.
C’est peut-être moins pire. Mais c’est toujours moins. Moins d’emplois, moins de droits, moins de pouvoir d’achat pour ceux qui ont déjà le moins. Et la gauche n’a rien interrompu à ce mouvement.
Chacun ici voit bien que l’échec de la gauche sur le front économique et social a une résonance bien plus intense que le même échec de la droite cinq ans plus tôt. Statistiquement, la gauche ne fait ni mieux ni moins bien que la droite sur le plan de l’emploi. Les quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande se seront achevés par un million de chômeurs de plus chacun. Mais la droite échoue sur ses solutions, François Hollande aura échoué faute d’avoir tenté de changer de politique alors qu’il avait été élu pour cela. Nous ajoutons à l’échec économique et social, la défaite morale.
Car regardons la situation en face. Nous avons placé l’extrême droite française dans la situation inédite et historique de conquérir le pouvoir par les urnes et ceci grâce au soutien des franges les plus populaires de l’électorat. Parti de 18% en 2012 le FN s’est installé depuis à plus de 25% et pourrait frôler les 30% des le premier tour des élections présidentielles de 2017. Voilà sans doute le plus terrible bilan de la gauche depuis 4 ans, car il place le pays sa jeunesse en premier lieu, devant un danger considérable.
Face à ce péril, rien ne serait pire que d’enfouir, “hé oh le gouvernement”, notre tête sous le sable, muré dans le déni et l’arrogance.
L’HONNÊTETÉ
La lucidité vis à vis de la réalité qui nous entoure invite à l’honnêteté sur nos responsabilités, individuelles et collectives, ce que nous avons fait ou n’avons pas fait pour modifier cette réalité et à
l’honnêteté sur ce que nous voulons et pouvons faire pour la transformer.
L’honnêteté suppose de dire que la France n’a pas été épargnée par les épreuves depuis 4 ans. Je pense évidemment d’abord au terrorisme. Cette épreuve était annoncée. On pourrait presque dire prévue. Mais elle a sidéré par l’intensité de sa violence, le nombre et l’innocence de ses victimes, la jeunesse et la familiarité de ses auteurs. Je n’aime pas cette affirmation selon laquelle la France est “en guerre”.
Être en guerre suppose de reconnaître à nos agresseurs qu’ils sont les soldats d’une cause légitime. Je n’y vois que des instruments anonymes d’une folie meurtrière totalement déshumanisée. La France fait face à la dérive sectaire et ultra violente d’une composante radicale de l’Islam.
Elle y fait face comme des dizaines d’autres pays qui payent au prix fort en Afrique, au Proche Orient, en Asie, en Europe ou aux Etats-Unis, le développement d’un terrorisme qui fait de l’humanité toute entière une cible sans distinction d’origine ou de religion.
Nous sommes confrontés au rejeton barbare de la mondialisation, du choc du monde arabo-musulman avec la modernité, du dévoiement fanatique de l’Islam et d’une désagrégation du sens dans les sociétés occidentales minées par le matérialisme et le consumérisme de masse.
Je veux retenir cependant de cette épreuve, l’incroyable résilience dont ont fait preuve nos compatriotes au lendemain des attentats de janvier puis de novembre 2015.
C’est la raison pour laquelle je me désole que ce ciment précieux, que l’unité nationale ait été percutée au sommet de l’Etat par l’initiative de la déchéance de nationalité. Depuis cette décision, la discorde s’est progressivement immiscée dans le débat public. C’est cette décision puis le renoncement à la mettre en oeuvre qui a libéré la droite et l’extrême droite. Aujourd’hui nous voyons que le terrorisme est en train de gagner la partie quand la peur pousse les Français à s’exclure les uns les autres.
L’honnêteté implique aussi d’admettre que la situation du pays laissée par la droite était catastrophique. Un million de chômeurs en plus, l’augmentation de la pauvreté, une dette publique alourdie de 600 milliards d’euros, une politique étrangère indexée sur celle des Etats-Unis, un pays traumatisé par les blessures du débat sur l’identité nationale. Redresser le pays s’annonçait difficile, éprouvant. C’est même pour cette raison, qu’une fois de plus, confrontés à une épreuve collective qu’ils pressentaient cruciale, les Français ont choisi la gauche en 2012.
Chacun d’entre nous devinait que l’échec cette fois ci serait celui de trop, qu’il serait fatal à la gauche mais peut être bien même fatal à la démocratie et à la République. Combien de fois l’avions nous entendu durant la campagne ? “Cette fois ci, ne nous décevez pas”. “C’est la dernière fois que je vous fais confiance”.
J’ai accepté dans ce contexte d’entrer au gouvernement comme d’autres, avec fierté, pétri de cette exigence, conscient de la solennité du moment, soucieux de ne pas prendre à la légère les responsabilités qui nous étaient données. Je n’avais pas voté pour François Hollande ni au premier ni au second tour des primaires. Ma loyauté et mes convictions allaient à Martine Aubry.
Je pensais cependant que François Hollande, après une élection gagnée sur le fil dans un pays à bout de nerfs, avait conscience de la responsabilité immense qui était devenue la sienne, une responsabilité accrue par une crise démocratique persistante et les échecs de ses prédécesseurs, qu’illustrait déjà le score très élevé de Marine Le Pen. Je me suis trompé.
Si j’ai quitté le gouvernement à l’automne 2014, ce sont pour les mêmes raisons que celles qui m’ont conduit à y participer. J’ai agi avec un fil conducteur, agir là où j’étais pour redonner du pouvoir aux citoyens. Du pouvoir sur leur vie. Du pouvoir sur le destin de la nation. J’ai ainsi fait deux lois, l’une qui renforce le droit des consommateurs, face aux assurances, aux banques, aux grands groupes, à la grande distribution. L’autre pour développer la démocratie dans l’ordre économique avec l’ESS et notamment la création du droit d’information des salariés quand leur entreprise est mise en vente.
Devenu Ministre de l’éducation nationale ma priorité était la même, l’égalité à l’école. Comment tordre le coup à cette réalité insupportable d’une école qui trie par l’échec, se concentre sur la sélection les élites, reproduit et parfois accentue les inégalités. Mais quel sens cela aurait-il d’être satisfait de ma propre action dans un gouvernement qui s’apprêtait
à prendre le tournant libéral des lois Macron puis El Khomri.
J’ai été ministre et je ne le regrette pas. De l’école à la santé en passant par l’environnement j’approuve la plupart des décisions prises. J’ai quitté le gouvernement de Manuel Valls et je ne le regrette pas. Les récentes embardées sur la question identitaire montrent que ce gouvernement a depuis longtemps renoncé de faire du progrès la boussole de son action.
“Tout malheur national disait Marc Bloch, appelle d’abord un examen de conscience”.
Gouverner la France en 2012 était tout sauf une sinécure. Sans doute même plus difficile qu’en 2007. Mais honnêtement qui croira que ce quinquennat s’est joué sur un coup de bol ? Comme toujours, des événements extérieurs ont aligné plus ou moins favorablement les planètes. Mais au-delà de ces contingences, ce quinquennat s’est d’abord joué sur des choix. Des choix parfaitement conscients. Et là où il a échoué de la manière la plus éclatante, cela est la conséquence d’une impuissance volontaire.
Pourquoi en effet poursuivre sur le même chemin que celui emprunté par la droite auparavant? Pourquoi poursuivre la même trajectoire européenne ? Pourquoi adopter la même doctrine de politique étrangère? Pourquoi si souvent décrire la réalité économique et sociale avec les mêmes mots que la droite, sur l’entreprise, le coût du travail, le poids des “charges sociales”, les 35 heures ou le licenciement ?
Oui la situation était dramatique. Elle appelait un tournant complet. François Hollande savait parfaitement que le bilan de Nicolas Sarkozy avait pesé lourd dans sa victoire. Pourquoi alors remiser les solutions de la gauche et s’inscrire dans les pas de son prédécesseur ?
Prenons notre politique Européenne :
L’honnêteté suppose de reconnaître que de l’abandon de la réorientation européenne promise par François Hollande jusqu’au dégradant au discours de Munich de Manuel Valls tançant la chancelière allemande sur sa politique généreuse et lucide d’accueil des réfugiés, la France n’a eu aucune initiative décisive pour inverser le processus de désintégration de l’Union Européenne commencé à Athènes dans la mise sous tutelle de la Grèce et poursuivi à Londres lors du vote par les Britanniques de la sortie de l’Union Européenne.
De quoi meurt l’Europe ? De sa dépolitisation. Je juge que nous en sommes aussi responsables.
Depuis le référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen, la gauche française est impuissante. Non pas en raison du vote « non » des Français mais en raison de son incapacité à le transformer en dynamique politique. Les partisans du oui qui dirigeaient la France et la dirigent toujours depuis, ne cessent de porter la croix du vote du peuple français dans les institutions européennes. Et plutôt que de profiter de la force de ce vote pour réorienter la construction européenne, ils s’excusent.
Quant à lLa gauche du « non », elle n’a pas su tirer les fruits de cette victoire populaire. Et faute d’ambition, faute de combattre à la bonne échelle, elle s’est repliée sur les enjeux nationaux faisant ainsi le jeu de ses détracteurs qui affirmait que ce non au TCE était un non à l’Europe.
Cela fait trop longtemps que la gauche française parle d’Europe dans le vide.
A grands coups, de “Moi Président, les Traités seront modifiés.”, “Moi”Président, les marchés n’ont qu’à bien se tenir.” Il y a un côté puéril et même un peu exaspérant à penser que l’Europe s’agenouillera devant le nouveau Président français et que chaque chef d’Etat attendra sagement sa feuille de route pour adapter sa politique aux demandes du nouveau locataire de l’Elysée.
En matière d’Europe, la crédibilité tient moins au volontarisme qu’on affiche qu’à la méthode que l’on propose pour nouer des alliances et bâtir des coopérations seules capables d’inverser les
rapports de force existants.
Où est le projet européen de la gauche française ? Depuis 5 ans, il se réduit à éviter les sanctions de la Commission dans le cadre du semestre européen. Nous sommes isolés, sans réseaux ni alliances, suspendus au mythe du couple franco-allemand censé résoudre toutes les crises. Nous ne convainquons personne. Parce que personne ne comprend vraiment ce que nous voulons.
L’Europe se résumerait à un vaste marché sans régulation, sans défense de nos préférences collectives. C’est vrai. Mais quelles sont ces préférences collectives européennes que nous voudrions défendre? La bataille contre le traité transatlantique et tous ses avatars nous a rappelé que les normes européennes, notamment environnementales, sanitaires, judiciaires méritaient qu’on les défende et que la différence entre les États-Unis d’Amérique et les États-Unis d’Europe, réunis par le marché et la démocratie, tenait dans le haut niveau de protection sociale et de service public des Européens.
Mais jusqu’à quand ? Depuis l’élargissement, et pire encore depuis la crise de 2009 et les politiques d’austérité qui ont suivi, ces préférences fondent comme neige au soleil. Ces préférences sont-elles celles des élites européennes ?
A cette situation, je vois deux remèdes possibles :
Le premier c’est de basculer sur une Europe plus resserrée avec tous les pays qui ont soif de standards sociaux élevés, soif d’assainir leurs finances publiques grâce au recouvrement de l’impôt dû par toutes ces multinationales fraudeuses, soif de régulation des marchés financiers.
Ce n’est pas à la gauche française d’établir la liste des admissibles, mais la gauche française doit proposer un programme politique pour une Europe sans doute réduite mais puissante. Notre priorité ne devrait plus être l’Union européenne mais la constitution d’une nouvelle alliance pionnière entre pays de la zone euro fondée autour d’un Parlement propre, d’un budget propre, d’une fiscalité harmonisée, d’une gouvernance spécifique, de frontières économiques qui régulent les échanges et protègent nos intérêts fondamentaux.
Pour avancer dans cette voie, l’Europe a besoin d’un second remède. Il faut faire émerger des options politiques européennes. Si l’on veut sauver l’Europe il faut la politiser d’urgence. Nous avons besoin d’une fondation démocratique de l’Union européenne qui permette au conflit politique de jaillir et de structurer les débats entre citoyens européens sur les institutions et les politiques européennes qu’ils souhaitent.
Il faut des alliances nouvelles. La social-démocratie européenne est morte de son mariage avec la démocratie chrétienne. Elle a tourné le dos à ses alliés naturels du reste de la gauche et des écologistes. Consacrée de l’aveu même de ses dirigeants comme ” gestionnaire la plus efficace du capitalisme”, elle n’a jamais pu ni même voulu ces dernières années enrayer le mouvement de dérégulation des marchés, de financiarisation de l’économie européenne et d’appauvrissement des Etats.
La social-démocratie n’est plus adossée nulle part en Europe à la base ouvrière qui lui conférait sa légitimité politique et démocratique. Sans ancrage populaire et désarmée, la social-démocratie a perdu sa fonction et son utilité. L’honnêteté commande donc de reconnaître que la social-démocratie européenne glorieuse au temps où elle était architecte de l’intégration européenne, cette force politique et sociale s’est éteinte.
L’épisode récent le plus dramatique de cette relégation de la social-démocratie européenne aura été l’attitude du PSE face à la crise des réfugiés. Cet épisode a révélé que le grand parti européen qu’a été le PSE s’est couché au profit d’une somme de partis nationaux, égoïstes, peureux et incapables de se hisser à la hauteur des événements, c’est-à-dire de s’affranchir des peurs d’opinions publiques tentées par le repli derrière les frontières nationales.
L’honneur de l’Europe – c’est tout dire – s’est trouvé à Berlin, dans les mots et la constance de l’engagement de Madame Merkel, chancelière sans doute conservatrice, mais fidèle au projet politique européen émancipateur et généreux.
Si la sociale démocratie européenne s’éteint. Vive la gauche européenne. Elle n’est pas plus irréconciliable que la gauche française.
L’échec de Syriza en Grèce dans son bras de fer avec l’Europe est celui de son isolement au cœur d’une gauche européenne fragmentée. Echec aussi en Espagne où la gauche, pourtant majoritaire dans les urnes, n’a pas été hélas, capable de trouver le compromis qui lui aurait permis de gouverner. Ne nous arrêtons pas à ces échecs. L’alliance des gauches au Portugal sous l’égide du Premier ministre Costa nous montre la voie.
C’est ce processus qu’il faut poursuivre par identification des convergences entre toutes les forces qui visent l’approfondissement de la démocratie, le progrès social dans la construction européenne et non le retour illusoire aux souverainetés nationales. Je m’y attellerai durant cette campagne présidentielle. J’irai à la rencontre de ces dirigeants européens, militants, élus, acteurs sociaux, Tsipras, Iglesias, Costa, Corbyn.
Alors certes, il ne s’agit pas d’attendre le lendemain de l’élection présidentielle pour mener les batailles européennes. Certaines se jouent aujourd’hui comme le rejet des traités transatlantiques, qu’il s’agisse du TAFTA ou de l’accord avec le Canada. Mais au lendemain de l’élection présidentielle, notre agenda doit être prêt, nos émissaires envoyés aux quatre coins de l’Europe pour
convaincre et négocier ce basculement des priorités de l’Union.
Certaines de ces priorités sont déjà dans les starting blocks, et n’attendent que la détermination des chefs de gouvernement.
C’est le cas de l’agenda social, porté au parlement, notamment par le rapport de Guillaume Balas sur l’harmonisation sociale qui vient d’être voté en commission. La Commission européenne s’y prépare. Et pourtant rien ne se passe. Comme le raconte Alexis Tsipras navré, comment est-il possible que quand le gouvernement suédois intervient à la table du Conseil pour demander l’examen en urgence d’un agenda social, aucun des chefs de file de la social-démocratie ne le soutienne ?
Deuxième priorité, La question migratoire. N’en déplaise à Manuel Valls qui a indiqué devant les sociaux-démocrates du Parlement Européen que la France refuserait de les changer, les règles de Dublin sont ineptes : les réfugiés sont automatiquement rattachés au pays où ils arrivent, et ce pays se retrouve seul responsable de leur sort. Ainsi laisse t-on la géographie décider de la politique ! Vous êtes un pays frontalier de l’Union ? Débrouillez-vous ! Et c’est ainsi que depuis 3 ans la Grèce et l’Italie se sont retrouvées seules devant ce drame humain.
Les accords de Dublin sont injustes et inefficaces et doivent être révisés au plus vite pour reconstruire cette solidarité qui donne du sens à l’Union.
Troisième priorité, l’agenda fiscal. Là aussi il y a des avancées possibles. Déjà, une assiette commune de l’impôt sur les grandes sociétés est en passe d’émerger. Merci qui ? Merci Antoine Delcourt qui a lancé l’affaire Luxleaks et se retrouve pourtant aujourd’hui devant les tribunaux luxembourgeois. Mais le processus doit accélérer et prendre en compte non seulement l’assiette, mais aussi le taux. Car l’assiette commune, c’est bien ! Mais sans taux commun, la concurrence continue de plus belle. Et il n’est plus concevable de voir les multinationales échapper à cet impôt dont nous avons besoin tant dans les budgets nationaux que dans le budget européen.
D’ailleurs, la quatrième priorité, c’est celle du budget. Vous avez écouté les déclarations des chefs de gouvernement en Italie la semaine dernière ? Plan pour la jeunesse, Défense commune, nouveau plan d’investissement… On est d’accord bien sûr, mais avec quel argent ? Le budget européen n’a jamais été aussi ridicule. Et à chaque exercice budgétaire on coupe une fois le budget recherche, une fois les aides aux jeunes pour un plan d’investissement ou pour aider la Turquie à empêcher les migrants de traverser… La réalité c’est que le budget européen est en déficit cumulé de plus de 20 milliards ! Annuellement on dépasse peut-être même les 3% !
Parlons-en des 3% !! Car à l’agenda des priorités politiques, il y a aussi la question économique et l’abandon des politiques austéritaires. Pourtant, je ne crois pas qu’il suffise de dire « à bas les 3% » pour que cette ineptie économique disparaisse du paysage. La vraie question, à mon sens, c’est quels sont les bons critères de convergence ? Quels sont les critères de convergence de la gauche ? Jusqu’à présent, les seuls critères de convergence ont été élaborés pour réduire les marges de manœuvre de la puissance publique. Mais si demain nous proposions d’autres critères de convergence ? Des critères de convergence sociale ? Fiscale ? Bancaire ? Alors oui le critère du déficit public doit être rediscuté, a fortiori parce que son application est inversement proportionnelle à la taille des Etats. Mais ce n’est pas le cœur du problème. Le cœur du problème ne peut en aucun cas être la question des 3% de déficit. Le cœur du problème, c’est la boussole. Pas la jauge.
Quelle boussole mais aussi et surtout quels marins européens nous accompagneront dans la direction que nous aurons choisi, voilà ce que chaque candidat à l’élection présidentielle devra dire, au-delà des traditionnelles incantations des candidats très musclés pendant leur campagne, chétifs une fois élus.
J’évoquais la lucidité et l’honnêteté qui doivent nous inspirer. Je voudrais maintenant évoquer devant vous la tempérance.
LA TEMPERANCE, LA SOBRIETE
N’y voyez pas l’alibi pour faire peu et se contenter de peu. La tempérance, ça n’est pas une fausse modestie pour justifier l’impuissance volontaire.
La tempérance : Platon y voyait déjà un des quatre piliers de la sagesse : le principe de surmonter ses désirs et de vivre avec modération, en cela, la tempérance devrait être un principe de gouvernement. La tempérance c’est l’affirmation du long terme, c’est l’éthique de responsabilité.
La tempérance nous invite à anticiper, à prévenir les épreuves plutôt qu’à les subir. Par défaut d’anticipation, par religion du court terme, les démocraties occidentales se sont ralliées au gouvernement des effets et renoncent à gouverner les causes. Pourtant chacun peut comprendre que si nous ne gouvernons pas les causes du dérèglement climatique, nous serons incapables d’en gouverner les effets, car ils pourraient très vite se révéler irrémédiables et insurmontables.
Jamais notre pays et notre continent n’ont été aussi riche. Jamais nous n’avons autant produit et produit aussi vite. Et pourtant des millions de Français sont assignés à résidence sociale alors que l’instabilité professionnelle n’a jamais été aussi forte. Si nous n’arrivons pas à sortir de cette crise c’est parce que nos élites continuent de penser avec le logiciel de l’ancien monde.
Je ne sais pas si le poète a toujours raison, mais Paul Valéry avait eu cette fulgurance de nous prévenir que « le temps du monde fini commence ». Quand le poète est rejoint par l’économiste, la mise en garde se fait plus concrète. Kenneth Boulding, un célèbre économiste américain jurait dans les années 60 que “ceux qui croient en une croissance exponentielle infinie dans un monde fini sont soit fous soit économistes”.
Non seulement les ressources naturelles sont limitées, mais surtout nous savons qu’il est impératif de sortir de la consommation des énergies fossiles le plus rapidement possible si nous souhaitons éviter le cataclysme du dérèglement climatique. Les scientifiques nous alertent, soyons lucides, écoutons les !
Nous bercer d’illusion, ce n’est pas être à la hauteur des enjeux. Depuis le 8 Août, la planète vit à crédit, nous avons émis plus de CO2 dans l’atmosphère que ce que les forêts et les océans peuvent absorber.
Promettre le retour de la croissance qui nous conduirait au plein emploi de manière mécanique, c’est soit mentir soit être naïf. Dans tous les cas, c’est déraisonnable. La croissance insolente que nous avons connu durant les 30 glorieuses était une anomalie économique, un tel rythme ne se reproduira pas. Durant les trente dernières années la croissance moyenne dans l’Union Européenne n’a cessé de chuter. Plus elle devenait rare et plus elle faisait l’objet d’un véritable culte parmi les élites politiques européennes. On multiplie les offrandes et les sacrifices.
Le quinquennat de François Hollande s’est montré particulièrement dévot. Il consacre 40 milliards d’euros par an à restaurer les marges des entreprises sans aucune contrepartie. Cette offrande est sans équivalent. Elle est payée par les ménages sous la forme de hausses d’impôts et de recul des services publics. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait encore sacrifier le code du travail, généraliser le « travailler plus pour gagner moins », faciliter le licenciement.
Et c’est ainsi sûrs d’eux même, que les dirigeants français actuels que rien ne distingue sur ce plan-là de ceux qui les ont précédé, ont réclamé du « sang et des larmes » pour courir après quelques dixièmes de croissance supplémentaire, tout à fait hypothétiques au demeurant.
C’est ainsi qu’on brûle des décennies de conquêtes sociales pour une chimère.
Une autre voie est possible. La tâche qui nous incombe est exaltante. Il nous faut repenser en profondeur l’économie pour faire naître une économie altruiste qui mette au cœur l’écologie, la création d’emplois, un renouveau de notre modèle social ainsi que les modalités démocratiques pour en décider dans un même élan. Cela pose la question de l’entreprise, du travail et de la protection sociale.
Economie altruiste, ESS et économie collaborative
Une économie altruiste, c’est une économie intensive en emplois et sobre en carbone. C’est apporter de la patience et du sens dans le système capitaliste. Il n’y aura pas de changement de paradigme en économie sans nous intéresser à l’entreprise et à l’entrepreneuriat. Notre société bouillonne d’initiatives. Les projets de création d’entreprises sociales fourmillent. La créativité est même incroyable. L’engagement de ces entrepreneurs impressionne.
Pour toutes ces entreprises, le profit n’est pas un but, mais un moyen mis au service d’une mission. Une multitude de besoins sociaux ne sont satisfaits ni par le marché ni par la puissance publique. A l’intersection des deux se trouvent souvent des acteurs de cette économie altruiste. Économie collaborative, économie du partage, économie de la fonctionnalité, économie sociale et
solidaire.
Ma conviction est que la réponse à ces besoins sociaux passe par l’innovation sociale et le développement des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Jusqu’à présent, face à un besoin social le réflexe consistait à imaginer une solution publique, sous la forme, d’un guichet, d’un formulaire, d’une administration et d’une prestation. A raison de la rareté de l’argent public mais aussi de l’obsolescence de réponses trop centralisées face aux besoins exprimés par nos concitoyens, l’ESS et l’entrepreneuriat social apportent une réponse moderne et efficace à ces demandes pour peu que l’Etat et les collectivités jouent leur rôle.
L’action sur l’accès aux marchés public, la fiscalité du privé non lucratif, les moyens et l’ingénierie consacrée par la BPI au changement d’échelle des acteurs des secteurs coopératifs ou associatifs, le soutien en France et en Europe au développement du modèle mutualiste sont autant de chantiers devant nous.
Subsisteront bien sûr des entreprises qui ont besoin, pour grandir, de servir un solide rendement en contrepartie du risque que des investisseurs consentent en y plaçant le capital indispensable à leur croissance. Ces entreprises trouvent la plupart du temps leur partenaire sur les marchés. Mais l’économie a besoin de diversité et il faut encourager le changement d’échelle de toutes ces formes alternatives d’entrepreneuriat et d’économie inscrite dans la recherche du long terme et de l’intérêt général.
Là où la puissance publique doit jouer son rôle c’est dans la création d’un environnement financier, fiscal et réglementaire, national et européen favorable aux acteurs de cette économie altruiste.
RTT
L’économie altruiste suppose également de repenser la place du travail dans la société.
Travailler toujours plus ne peut pas être l’alpha et l’oméga de la vie, surtout que tous ne s’épanouissent pas au travail, et que le temps libre doit pouvoir demain permettre de se réaliser hors les murs du travail. C’est une leçon politique que j’ai apprise avec Michel Rocard.
Mais le travail c’est aussi ce qui apporte une forme de dignité, qui donne un sentiment d’utilité en contribuant au développement de la société et qui donne une identité, celle d’être un travailleur.
Quand le travail se raréfie du fait des progrès techniques, cela ne devrait pas un être un problème mais une opportunité.
Le grand mouvement séculaire de réduction du temps de travail doit reprendre, sous de multiples formes et s’adapter aux temps de la vie. Qu’il s’agisse d’une semaine de 4 jours, de 32 h, d’un congé sabbatique, d’un congé parental allongé et partagé, les modalités sont nombreuses et doivent être négociées, dans l’intérêt des salariés, de l’emploi et des particularités de chaque branche.
L’important n’est pas d’être figé dans les modalités mais déterminé sur les principes.
Je n’oublie pas la nécessité de soutenir les formes nouvelles de travail comme les coopératives d’activité et d’emploi et la nécessité d’équiper en droit les travailleurs non salariés. Et puis la gauche doit se réapproprier la question de la santé et du bien être au travail, non pas en facilitant le licenciement ou en permettant la réduction des salaires par la réduction du tarif des heures supplémentaires – ce qui justifiera l’abrogation de la loi Travail – mais en reconnaissant le burn out comme maladie professionnelle et en rendant obligatoire le droit à la déconnexion.
Revenu universel d’existence
Créer les bases d’une économie de l’altruisme, nous conduira immanquablement à devoir repenser la Protection sociale.
Le monde change à grande vitesse. Sous nos yeux se dessine la société de demain avec ses opportunités et ses menaces. Dans un futur proche, nous verrons se multiplier les voitures sans chauffeurs, les drones livreurs de colis. Je prends ces deux exemples car ils sont particulièrement évocateurs, mais c’est toute l’économie qui se trouve bouleversée par la révolution digitale et robotique. Irrémédiablement, de très nombreux emplois seront détruits et de nombreux métiers disparaîtront. Alors que faire ?
Les conservateurs et les ultralibéraux vous diront qu’il faut « laisser faire », et que la « main invisible du marché » aboutira au meilleur des mondes, les emplois détruits seront recréés. Je ne crois pas à cette fable. Notre génération de femmes et d’homme de gauche doit s’inspirer de celles et ceux qui ont su créer les congés payés, la Sécurité sociale ou le RMI, et tant autres progrès sociaux.
A notre tour d’innover et d’inventer le futur que nous voulons.
Partant du principe que nous sommes capables de produire de tout, avec de moins en moins de travail humain, permettant de subvenir largement aux besoins élémentaires de toute l’humanité, il nous reste à résoudre le problème crucial qu’est la répartition de ces richesses. Pour cela, je propose la création d’un Revenu universel d’existence. Ce revenu universel d’existence serait versé à chaque citoyen français, sans condition de revenu. Les modalités, le montant (500€, 750€, 1000€) seront à réfléchir.
Avec le revenu universel, nous changeons notre vision du travail. Toutes les activités humaines ne sont pas créatrices de valeur marchande et pourtant, elles ont de la valeur pour les citoyens. Quelle est la valeur produite par un entraîneur qui encadre les enfants tous les dimanches dans le club de foot de sa ville ? Quelle est la valeur d’un membre des petits frères des pauvres qui passe une partie de ses vacances avec des personnes âgées isolées ? Pour le marché, aucune. Car le marché ne met pas de prix sur ces actions bénévoles. Pourtant elles sont plus précieuses que nombre d’activités marchandes.
Avec le revenu universel, nous passons de la liberté formelle à la liberté réelle. Le revenu universel s’inscrit dans une logique de progrès social. Les socialistes ont toujours considéré le combat politique et les luttes sociales comme une marche vers l’émancipation. En déconnectant le revenu perçu du travail effectué et en desserrant la contrainte financière, le revenu universel permet à chacun de choisir pleinement l’activité qu’il souhaite exercer : le travail n’est plus un moyen, il devient une fin.
Avec le revenu universel, nous pouvons éradiquer la très grande pauvreté et sortir d’une logique d’assistance qui stigmatise les bénéficiaires de minimas sociaux.
La transition écologique
La tempérance c’est enfin le devoir de ne plus soumettre la planète aux prélèvements insoutenables du modèle économique productiviste. Je l’ai dit plus tôt. Quel que soit le génie de l’homme et les espoirs que l’on peut placer dans la science et le progrès technologique, on ne peut pas impunément désorbiter le Monde. L’humanité peut s’éteindre si nous continuons à exploiter la terre avec la démesure qui caractérise le siècle dernier.
Sur tous les plans, nous sommes confrontés aux limites de la planète. Qu’il s’agisse des réserves de métaux précieux, d’hydrocarbures, d’eau ou d’arbres, notre modèle de développement est insoutenable. Si les 9 milliards d’êtres humains attendus en 2050, devaient vivre et consommer au même rythme que les 7 milliards de femmes et d’hommes qui peuplent la planète Terre aujourd’hui, alors notre monde serait menacé d’extinction imminente. Quels que soient les progrès réalisés lors de la COP 21, nous savons que nos politiques de développement durable seront sans effet significatif si nous n’engageons pas la transition écologique.
Vous l’avez compris, organiser la transition vers une économie altruiste cela suppose d’encourager la lutte contre le gaspillage, de développer l’économie circulaire, de préserver la biodiversité, d’encourager l’essor de l’agro écologie, des circuits courts pour consommer local, de l’agriculture biologique généralisée et bon marché. Il faudra aussi accélérer la transition énergétique.
Je veux ici rappeler mon hostilité à l’exploitation des gaz de schiste et mon engagement à réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique. En effet, une économie sobre en carbone implique de diminuer la consommation d’énergie, tout en donnant un véritable essor aux énergies renouvelables. La France, malgré de beaux et grands discours est toujours à la traîne sur le solaire, sur l’éolien, sur la biomasse, et la géothermie.
Baisser notre consommation d’énergie, c’est économiser l’énergie dans le logement, faire que 100% des logements construits soient basse consommation. Nous devons conduire le plus grand plan d’isolation, rénovation et construction de logements neufs que notre pays n’ait jamais connu. Nous avons les moyens de le financer en mobilisant le Fond de réserve pour les Retraites, comme le font d’autres pays, mais surtout grâce à la Banque publique d’investissement qui peut emprunter à taux quasi nul auprès de la Banque centrale européenne. Nous avons les moyens d’une politique de la ville qui ne laisse aucun territoire relégué et qui permette la mutation de notre économie.
Investir dans les transports en commun, organiser la sortie du diesel en dix ans, pour assainir l’air que l’on respire, les Français l’exigent, se saisir de la révolution de la voiture électrique, mais également de la voiture partagée permise par l’économie collaborative.
Ces propositions poursuivent une seule ambition : en retrouvant la maîtrise de l’activité économique et de son impact sur nos vies et notre cadre de vie, en diffusant la démocratie dans l’ordre économique, jusque dans l’Atelier comme le voulait Jaurès, nous retrouverons ce sens commun que nous avons perdu et qui nous manque. Nous retrouverons aussi notre unité.
Qu’est devenue la France une et indivisible que proclame notre Constitution ? Combien sont-ils aujourd’hui à revendiquer fièrement la République tout en divisant les Français ? Combien sont-ils à avoir oublié que la République c’est d’abord la concorde entre tous les citoyens ?
Avec la tempérance, la sobriété, je veux pour la France, la concorde.
LA CONCORDE
La France est peuplée de citoyens devenus invisibles.
Invisibles parce que plus personne ne veut prendre la peine de regarder ce qu’ils vivent : le chômage qui n’en finit pas, le travail trop dur qui souvent ne paye pas, le logement et la santé précaires, l’école qui fait réussir toujours les mêmes. Ils s’inquiètent devant tous ces signes évidents de dégradation de la cohésion sociale, de perte du sens civique et de disparition des solidarités essentielles.
Invisibles parce que plus personne n’ose s’attaquer à ces questions et en parler. Invisibles parce que même quand ils votent, ils sont sans voix puisque rien ne change.
Ces invisibles, ce sont tous ces Français auxquels les politiques ne s’adressent plus qu’à travers la question identitaire. Qu’est-ce qu’être Français ? Qu’est-ce qu’un bon Français ? Qui est vraiment Français ? Comme si la question sociale s’était évanouie. Comme si les pauvres ne se recrutaient pas d’abord chez les pauvres et les riches chez les riches perpétuant une hiérarchie sociale immuable. Comme si la question de la promotion sociale était réglée. Comme s’il suffisait que chacun ait un téléphone portable et une télévision HD pour juger que la lutte contre les inégalités était derrière nous.
Dans un pays où la question identitaire se substitue à la question sociale, il est prévisible que l’instinct des foules submerge bientôt la conscience du peuple.
L’Islam est l’obsession française de ce début de 21ème siècle. Une obsession telle que dans une enquête internationale réalisée en 2014 par l’institut Ipsos-Mori dans 14 pays, intitulée “Périls de la perception”, la France se distingue comme le pays où la perception du nombre de musulmans présents est la plus éloignée de la réalité constatée. En France, les personnes interrogées jugent que 31% de la population est musulmane, alors qu’en réalité seuls 8% des habitants le sont.
Le dernier épisode en date de cette hystérie est l’interdiction du burkini sur les plages.
Je n’aime pas le burkini, s’il est la marque revendiquée d’une inégalité entre les femmes et les hommes et s’il sous-entend comme vêtement revendiqué « pudique » que toutes les autres femmes seraient impudiques. Mais la polémique partie de Cannes va bien au-delà d’une étoffe qui couvre les baigneuses musulmanes, elle cible une nouvelle fois les musulmans sans distinction.
Jusqu’à présent c’est la droite et l’extrême droite qui se faisaient concurrence sur le registre de la polémique identitaire. Mais c’est nouveau. A gauche aussi, le burkini a suscité des réactions
embarrassantes ou navrantes.
Je n’y vois pas, comme Jean Luc Mélenchon, une « provocation politique », comme si nous subissions une initiative organisée qui aurait délibérément programmé la présence de femmes en burkini sur les plages de l’été. Je veux dire aussi ma consternation devant les propos incohérents du premier ministre au quotidien la Provence. Il y affirme que la plage est un espace public qui ne tolère pas les revendications religieuses. Mais qui empêchera certains de considérer demain que le port d’une barbe associée à une djellaba est une provocation religieuse ?
Quels sont les prochains espaces publics qui seront interdits aux Musulmans ? Le Conseil d’Etat vient de statuer et y a vu “une atteinte grave à la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle”. Je m’en réjouis.
Mais comment un premier Ministre issu de la gauche a-t-il pu se retrouver ainsi désavoué en compagnie des Ciotti, Estrosi, Sarkozy et consorts, sans oublier toute l’armada Le Pen? Et ceci sans que jamais François Hollande n’y trouve à redire. Sauf un timide “ni provocation ni stigmatisation”. Faut il rappeler que pour une provocation, il y a 1 000 stigmatisations, et combien de milliers de regards de travers, de remarques glaçantes, combien d’humiliations ? Qu’il est semble-t-il difficile d’aller contre l’opinion quand il s’agit d’Islam. Qu’il est pour nous, pour moi, douloureux d’observer cette prudence quand il s‘agit de condamner des arrêtés qui stigmatisent des millions de nos compatriotes.
Je vois dans l’hystérie qui entoure la question de la place de l’Islam en France, une conception dévoyée de la laïcité. La laïcité est devenue le prétexte commode à une offensive aussi virulente que désordonnée contre l’islam au point que certains s’enorgueillissent d’être traités d’islamophobe. La menace de l’Islamisme radical sur l’égalité femme-homme est réelle. La menace terroriste djihadiste n’a jamais été aussi élevée.
Qui l’ignore ? Certainement pas moi. Mais face à une menace réelle et mouvante, il faut ajuster la riposte et ne pas tirer à vue. Imagine-t-on les dégâts des propos de ceux qui se revendiquent fièrement islamophobes quand ce terme n’a aux yeux de 99% des Français aucune connotation idéologique mais désigne simplement et naturellement l’hostilité violente à l’égard de l’Islam et des musulmans. Imagine-ton la propagande antifrançaise que l’on alimente par les images humiliante de cette femme obligée de se déshabiller parce qu’elle portait un foulard sur une plage ?
A force de polémique j’ai le sentiment qu’aujourd’hui en France, aux yeux de nombreux dirigeants politiques et de nombreux Français « un bon musulman, c’est un musulman qui n’est pas musulman ». Un musulman sans religion, sans croyance, sans rite. Un musulman qui manifeste une première fois avec tout le monde contre le terrorisme et une deuxième fois comme musulman pour bien montrer qu’il a les deux pattes blanches. Un musulman docile débarrassé de tout discours oppositionnel. Un musulman invisible.
Quelle attitude la République doit-elle adopter ? Elle doit, comme toujours dans le passé, chercher et trouver un compromis entre la reconnaissance du fait religieux et les limites posées à l’extension du domaine religieux. Les Canadiens appellent cela les « accommodements raisonnables ». Pour ce qui a trait à l’Islam, je considère pour ma part que si on accepte une véritable interaction, sans paternalisme, sans artifice ni faux semblant, on constatera que la matrice des valeurs commune existe bien et qu’elle nous permet de dépasser les points de discorde et de bâtir ces accommodements qui dans le respect de la laïcité et des principes de la République permettront à l’Islam en France de trouver une place semblable à celle des autres religions.
Confrontée aux défis de la ségrégation qui grandit, des inégalités qui augmentent, de la radicalisation qui empire, la France n’a d’autre choix à court, moyen et long terme que de se tourner vers l’école, comme l’instrument le plus efficace par lequel lutter contre ces phénomènes morbides.
Car c’est par le savoir, la connaissance, le libre-arbitre, l’exercice de son esprit critique mais aussi la reconnaissance par l’institution des mérites de chaque élève que chaque jeune Français trouvera sa place dans la société en harmonie avec tous les autres.
L’école a fait l’objet d’une priorité budgétaire et politique durant ce quinquennat. Beaucoup a été fait. Les résultats en matière éducative n’en déplaise à notre époque, ne sont pas immédiats. Mais un cap a été donné. Je propose aux Français d’intensifier notre investissement dans l’école, l’égalité et le savoir.
Je propose donc aux Français, pour leur École, un triple contrat social.
L’Éducation, fondée sur la relation du maître et de l’élève, est plus que toute autre activité une activité qui engage l’humain. Avec ce triple contrat, nous recréerons les conditions de la confiance. La confiance de la société dans ses enseignants. La confiance de la société dans la capacité de son École à permettre à chaque élève de voir son mérite véritablement reconnu. La confiance, enfin, des enseignants en eux-mêmes, en leurs missions, en leur professionnalité, au sens de leur métier.
C’est un contrat avec les élèves que je veux passer. Permettre à chaque élève de trouver sa voie, de l’emprunter et de s’y épanouir, permettre à chaque élève de se construire comme citoyen et
d’être fier de lui, c’est la mission première de l’École. Et c’est pourtant la mission qu’elle ne remplit pas.
L’enfant doit apprendre à devenir élève, à s’inscrire dans ce collectif qu’est la classe, à intégrer des règles, à comprendre ce qu’on attend de lui et à tenter de s’en approcher. Dans une société qui a laissé se dégrader l’image du maître, les élèves doivent, même lorsque les adultes ne le font pas, respecter leurs enseignants. Dans un monde où l’information est directement accessible à chacun, où les sources de la désinformation se multiplient, où il faut plus que jamais savoir faire preuve d’esprit critique et d’indépendance, les élèves doivent avoir confiance dans les apprentissages qui leur sont proposés. Voilà ce à quoi je leur demande de s’engager dans le cadre du nouveau contrat social que je leur propose.
Vis-à-vis d’eux, je prends un double engagement.
Tout d’abord, la reconnaissance de toutes les formes de réussite scolaire et pour cela un nouveau mode d’orientation et d’affectation en fin de troisième, fondé non plus sur les résultats dans les
matières générales mais sur les capacités, dans leur diversité, développées par chaque jeune. Rejoindre l’enseignement technologique sera un choix et une fierté. Rejoindre l’enseignement
professionnel sera un choix et une fierté. Rejoindre l’enseignement technologique ou l’enseignement professionnel sera le gage d’un accès à la qualification et à l’emploi.
Mon deuxième engagement : l’Éducation nationale offrira à tous les écoliers et à tous les collégiens qui le souhaiteront une aide gratuite aux devoirs pour que tous soient égaux devant le travail hors de l’école. L’aide aux devoirs doit être une véritable mission de service public.
C’est, ensuite, un contrat avec les parents que je veux passer. Je porte un modèle de société dans lequel nous gagnerons collectivement par la coopération et non par la concurrence, par la
solidarité et non par l’exclusion, par la progression de tous et non par la sélection darwinienne de quelques-uns.
Je le dis avec solennité aux parents : quand une société crée les conditions de la compétition entre des enfants et des adolescents de moins de 16 ans, quand chacun d’entre nous est poussé à mettre en œuvre des stratégies individualistes pour faire en sorte que son enfant soit à part, alors cette société avance sur le chemin de son échec collectif.
C’est pourquoi je veux que nous en finissions avec un système scolaire qui sépare chaque année les enfants désignés comme « bons » et ceux stigmatisés comme « mauvais ». Je veux que nous en finissions avec les filières qui n’ont d’autres vocations que la ségrégation sociale. Je veux que nous en finissions avec les parcours de formation délaissés comme s’il y avait un sens à rejeter certains de nos jeunes dans des voies que d’aucuns n’hésitent pas à désigner de garage.
En contrepartie, je prends vis-à-vis des parents un engagement : l’École que je construirai sera une École « zéro défaut ». La qualité du service public de l’Éducation doit être irréprochable. Qu’il s’agisse de l’immédiateté dans le remplacement de l’enseignant absent ou qu’il s’agisse du délai de réponse aux familles quand elles sollicitent un rendez-vous avec une équipe de direction ou un professeur principal. Plus aucun parent ne doit craindre de rencontrer les enseignants de ses enfants. Plus aucun parent ne doit rester sans savoir comment et qui remédiera aux difficultés de ses enfants. Les collectivités locales devront s’engager sur la qualité du bâti en modernisant les équipements des écoles, en réparant immédiatement toute dégradation, en proposant de véritables lieux de vie dans les établissements.
C’est, enfin, un contrat avec les enseignants – et en particulier ceux qui sont en première ligne là où l’École est devenue le dernier service public – que je veux passer.
La société française a besoin que ses enseignants l’aident à relever deux défis : le défi des difficultés d’apprentissage d’1 enfant sur 5 et celui de la transmission des valeurs de la République et de laïcité. Deux défis qui appellent un changement en profondeur du métier enseignant. Nos enseignants doivent pour y répondre prendre en charge, au-delà des tâches d’enseignement, des tâches de nature éducative, d’encadrement, d’animation de projet, de construction de dynamiques collectives. C’est ainsi qu’à la fois, nous améliorerons les conditions d’apprentissage des élèves et les conditions de travail des enseignants ; c’est ainsi que nous lutterons contre la souffrance au travail de bon nombre d’enseignants dans les écoles, collèges et lycées.
Pour mieux répondre aux besoins d’apprentissage des élèves et pour lutter contre cette souffrance au travail, je lancerai un plan massif pour la formation continue des enseignants. En fonction de son ancienneté et des besoins qu’il exprimera, chaque enseignant bénéficiera tous les ans de 3 jours, 5 jours ou 10 jours de formation. C’est le premier engagement que je prends face aux enseignants.
Le deuxième engagement que je prends vis-à-vis d’eux, c’est celui d’accélérer le mouvement de revalorisation salariale et des parcours de carrière. Les responsabilités que chacun acceptera de prendre, au sein de son école, de son collège, de son lycée, seront systématiquement prises en compte et reconnues.
Mon troisième engagement : nous en finirons avec les réformes venues d’en haut. Je mettrai plus de démocratie dans le fonctionnement des écoles, des collèges et des lycées. Nos enseignants sont les premiers compétents pour décider comment il convient de répondre aux besoins de leurs élèves. Ils seront demain davantage qu’aujourd’hui parties prenantes des décisions qui les concernent.
A côté de l’éducation, marchant main dans la main avec elle, il y a la culture, cette grande oubliée du quinquennat. Où je dirais plutôt le symbole du quinquennat à l’envers. Dans ce domaine n’est pas Mitterrand qui veut… car en 1981 suivant le raisonnement politique fondateur d’une politique de gauche, qui veut que la culture est un élément essentiel de transformation, François Mitterrand a doublé le budget de la culture… Que fait François Hollande ?… il le baisse de plus de 6%, les deux premières années.
Le budget du ministère de la culture c’est moins de 1% du budget de l’Etat alors que la France vit de sa culture puisque la contribution de la culture à l’économie française est de 3% du PIB.
Mais oui la différence entre la droite et la gauche en matière de culture c’est que la droite elle considère que la culture est un supplément d’âme, alors que pour la gauche, je le répète elle est un élément essentiel de la transformation de la société. Et c’est cette promesse que je vous propose de retrouver.
Le gouvernement n’aura jamais voulu clarifier sa position alternant le souci de défendre une conception française de l’exception culturelle et la tentation de céder aux sirènes de l’industrie culturelle incarnée par les géants du numérique comme Amazon. En concédant un bout à l’une, un autre bout à l’autre, le gouvernement aura peiné à faire émerger une politique culturelle.
Revenons donc à la culture. Comme beaucoup d’entre vous, je constate à la fois l’excellence d’un grand nombre de nos institutions culturelles, l’entre-soi qui parfois y règne, les attaques injustifiées dont les acteurs de la culture font l’objet, et notamment les intermittents qui sont essentiels à la création et a qui j’adresse ici toute ma solidarité.
Je constate aussi la faible fréquentions des catégories populaires à ces institutions qui font encore – mais pour combien de temps – de la France une vraie exception. Je ne me résous pas à la mort de la culture pour tous et je ne veux pas non plus que l’on serve aux classes populaires des sous-produits culturels réservant la haute culture à une petite élite qui y trouve un signe supplémentaire de sa distinction, un entre soi… Je crois que la culture élève, je crois qu’elle contribue à la concorde. La culture ce n’est pas quelque chose qui vient en plus, une sorte de bonus, lorsque le reste est atteint. Elle est un des vecteurs de la concorde lorsqu’elle est partagée. Elle se transforme en une arme d’exclusion lorsqu’elle devient l’apanage d’une catégorie ou d’une autre.
Il existe des centaines d’initiatives en France qui remettent la création au milieu de territoires qui se vivent comme en marge et parfois le sont – reconnaissons-le – c’est précisément ce que nous devrions soutenir de manière beaucoup plus systématique. Une sorte de ministère de la culture « hors-les-murs » qui irriguerait avec les créations les plus inventives les espaces qui en sont les plus éloignés.
Parce qu’elle permet de partager un sens et une vision commune de l’avenir, je veux donner un rôle central à la culture comme levier du changement et ciment de la concorde.
Je terminerai en évoquant nos institutions.
VIème République
La démocratie française ne respire plus. On étouffe même! Et nos institutions y sont pour beaucoup. Les Français vivent dans une démocratie intermittente. Ils votent tous les cinq ans mais entre temps, ils donnent le pouvoir à un seul de dominer autrui et de faire à peu près ce qu’il veut.
La Vème République a pu correspondre à un moment politique de notre Histoire : celle d’un pays déboussolé par la perte de son empire colonial qui confie les clefs du pouvoir à un chef militaire hors du commun. Mais ce monde est révolu et la France de 1958 n’est plus celle de 2016.
L’épisode récent du 49.3 sur la loi Travail en est l’illustration la plus aboutie. Dans quelle autre démocratie moderne verrait-on le plus sérieusement du monde, un Président et son gouvernement imposer un texte sur la démocratie sociale – merci de ne pas rire – contre l’avis de trois confédérations de salariés sur cinq, contre l’avis de Feux français sur trois, contre l’avis de l’Assemblée Nationale et du Sénat, en dépit d’une mobilisation citoyenne constante et intense, par pétition ou dans la rue ? Où cela serait-il possible ailleurs qu’en France sous la Vème République ?Probablement nulle part.
Cet épisode nous dit tout de ce qu’il faut changer.
Il faut en finir les majorités godillots soumises à l’exécutif. En leur âme et conscience je suis certain qu’une majorité de députés socialistes ne voulait pas voter la loi El Khomri. Pourtant notre culture démocratique et nos institutions conduisent à voter des textes que l’on désapprouve par loyauté vis à vis de l’exécutif. Il faut en finir avec les restrictions posées au travail parlementaire par l’article 40 ou l’arme de la deuxième délibération qui mutilent l’initiative parlementaire. Ça ne peut plus durer.
Le philosophe allemand Jürgen Habermas juge que « la légitimité d’une décision démocratique est discutable quand le cercle de ceux qui décident ne recouvre pas le cercle de ceux qui la subissent ». C’est de cela dont il s’agit en France, quelle légitimité accorder aux décisions prises par des institutions de plus en plus éloignées des demandes politiques de ses mandants.
Il faut demain que l’Assemblée nationale, réduite par le nombre de ses membres et consolidée dans ses moyens pour disposer de l’expertise indispensable, soit représentative du peuple et de la nation. Qui peut encore se satisfaire que le tiers voire la moitié des électeurs n’aient pas de représentation. Le Parlement doit être plus divers et ses membres élus avec une dose de proportionnelle. Le vote blanc doit être reconnu. La limitation du cumul des mandats dans le temps doit être instaurée.
Il faut que le Président élu au suffrage universel soit responsable devant le Parlement et puisse être destitué soit par référendum révocatoire soit par voie parlementaire.
Ces changements sont nécessairement complexes : l’avenir du Sénat, l’option de sa fusion avec le CESE, le nombre de mandats successifs autorisé, le lien entre l’administration et le pouvoir politique, la consolidation de l’indépendance de la justice, les formes nouvelles de consultation et de participation des citoyens à l’élaboration des textes qui les concernent. La campagne m’offrira l’occasion de creuser plus en détail ces questions.
Voilà chers ami, lucidité, honnêteté, tempérance et concorde seront les maîtres mots de mon projet et de mon invitation aux Français à venir rejoindre et porter une espérance nouvelle.
Le drame pour la gauche, c’est l’échec du quinquennat de Hollande.
La chance de la gauche, c’est que cet échec n’est au fond pas le sien.
C’est ce que je crois vous avoir démontré ce matin. C’est que je crois ressentent naturellement des millions d’électeurs qui ne se reconnaissent pas dans cet échec. En effet, ils ont raison, pourquoi se lamenter là où la gauche n’a tout simplement même pas été tentée.
Je le dis aux électeurs de gauche, aux citoyens qui espèrent, à ceux qui croient dans le progrès , à ceux que les tourments de l’humanité ne découragent pas, à ceux qui luttent qu’il faut unir nos forces pour rassembler à nouveau la gauche. Le rassemblement c’est notre talisman.
La première étape de ce rassemblement passe par la primaire. Le juge ce sera l’électorat de gauche. Le juge, ce sera le peuple de gauche qui décidera aux primaires qui choisit pour affronter la droite et l’extreme droite. Le juge, je le dis, ce ne sera ni les sondages, ni les partis, ni même une fraction de parti. Aujourd’hui, nous disons, je dis avec vous que nos analyses, nos idées, nos solutions sont dans la lumière, sans timidité ni complexe.
Nous disons notre confiance absolue dans la démocratie, celle des primaires pour commencer, – et nous serons vigilants à ce que le scrutin soit loyal – notre confiance absolue dans l’intelligence collective, notre confiance absolue dans l’aspiration des électeurs de gauche à se choisir le meilleur candidat pour rassembler toute la gauche.
Si l’on prend la peine d’écouter ce que les gens disent, on mesure que dans les programmes écologistes, les communistes, les socialistes, jamais les convergences n’ont été aussi fortes : sur le modèle de développement à adopter, sur la VIeme Repulique, sur l’école, sur l’Europe… Jamais un programme commun de la gauche n’a été si proche, si naturel. C’est donc que les gauches ne sont pas irréconciliables.
Je me mets au service de l’unité et du rassemblement de la gauche. Je me mets au service de l’unité de la Nation et du rassemblement des Français.
Je veux être président de la république pour qu’en France, les enfants qui vont naître ce 28 août vivent mieux que leurs parents.
Pour que que la France retrouve le rang d’une nation respectée parce que ses valeurs sont universelles et qu’elle est exemplaire dans l’accueil des réfugiés.
Pour qu’en France, un travailleur vive décemment de son travail.
Pour que celui que peut le plus, contribue vraiment le plus.
Pour qu’un juif, une femme, un musulman, un homosexuel n’ait plus à baisser la tête à raison de ce qu’il est.
Pour que le peuple français gouverne son destin.
À partir d’aujourd’hui jusqu’en mai 2017, les candidats vont se présenter devant vous pour la plupart en vous demandant : donnez moi le pouvoir, je réglerai vos problèmes.
Ce pouvoir, mes chers compatriotes, mon projet en 2017 c’est de vous le rendre.
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