Semaine du 23 au 29 mai

Le 20 juillet dernier, la loi Travail a été définitivement adoptée, au terme de trois lectures, sans même un vote des députés sur chaque article ou sur l’ensemble du texte. Le combat ne s’arrête cependant pas face à cette loi qui complexifie le Code du travail et qui réduit les protections des travailleurs. Nous sommes 61 députés à avoir déposé un recours au Conseil constitutionnel (voir la lettre et le mémoire de saisine) portant sur la mise en œuvre du 49-3 et le non-respect du droit d’amendement, ainsi que les manquements successifs à la démocratie sociale et parlementaire.
Suite à l’adoption de la loi Travail, 58 députés réagissaient déjà dans une tribune parue dans le Journal du Dimanche à l’utilisation du 49-3 par le gouvernement pour faire passer en force la loi Travail en dernière lecture à l’Assemblée. Ces parlementaires de la majorité, n’avaient cessé de dénoncer les dangers de cette loi et avaient tenté par deux fois de déposer une motion de censure de gauche, démocrate et écologiste.
La saisine du Conseil constitutionnel ce lundi 25 juillet est donc un pas de plus qui permet la suspension de la promulgation, le temps que le texte soit examiné. Cet examen doit porter tant sur le contenu de la loi que sur la méthode employée par le Gouvernement pour faire adopter ce texte dont les cinquante-deux articles auraient mérité un débat poussé. Les manquements à la négociation sociale ainsi que les entorses à la procédure parlementaire sont ainsi mis en évidence par les auteurs de la saisine et devront être examinés par le Conseil constitutionnel.
En tant que représentants du peuple, ces 61 députés ne renoncent donc pas à porter la voix des citoyens qui se sont mobilisés pendant de nombreux mois.
Les 61 députés qui ont saisi le Conseil constitutionnel :
Laurence Abeille, Pouria Amirshahi, François Asensi, Christian Assaf, Isabelle Attard, Danielle Auroi, Serge Bardy, Laurent Baumel, Philippe Baumel, Huguette Bello, Jean-Pierre Blazy, Alain Bocquet, Michèle Bonneton, Kheira Bouziane, Isabelle Bruneau, Marie-George Buffet, Jean-Jacques Candelier, Fanélie Carrey-Conte, Patrice Carvalho, Gaby Charroux, André Chassaigne, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Sergio Coronado, Marc Dolez, Cécile Duflot, Hervé Feron, Aurélie Filippetti, Jacqueline Fraysse, Geneviève Gaillard, Jean-Marc Germain, Edith Gueugneau, Daniel Goldberg, Linda Gourjade, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Christian Hutin, Romain Joron, Régis Juanico, Chaynesse Khirouni, Jérôme Lambert, Jean Lassalle, Jean-Luc Laurent, Christophe Léonard, Noel Mamère, Pierre-Alain Muet, Jean-Philippe Nilor, Philippe Noguès, Christian Paul, Patrice Prat, Christophe Premat, Michel Pouzol, Denys Robiliard, Barbara Romagnan, Jean-Louis Roumégas, Nicolas Sansu, Eva Sas, Gérard Sebaoun, Suzanne Tallard, Thomas Thévenoud, Paola Zanetti
TRIBUNE – Cinquante-huit députés, très majoritairement de gauche, réagissent à l’utilisation du 49-3 par le gouvernement pour faire passer la loi Travail en force en dernière lecture à l’Assemblée. « On aurait tort de croire le débat clos avec l’adoption de la loi Travail. Il ne fait au contraire que commencer. Nous y prendrons toute notre part », avertissent-ils.
Ce mercredi 20 juillet, la loi Travail a donc été définitivement adoptée. Au cœur de l’été, il ne faut pas lâcher, mais continuer à dire pourquoi ce fut le moment le plus insupportable de ce quinquennat pour qui ne se résigne pas à la dégradation des droits des salariés français et au déni de démocratie.
Avec cette loi, le code du Travail sera plus complexe, et moins favorable aux salariés. Cette loi ne modernise pas, elle réduit les protections. Et derrière le motif légitime de favoriser la négociation sociale, en réalité elle fragilise les travailleurs et affaiblit la démocratie dans l’entreprise.
Elle est adoptée sans dialogue et négociations apaisés avec les partenaires sociaux.
Sans le soutien des citoyennes et des citoyens, qui continuent très majoritairement à rejeter un texte aux antipodes des engagements pris par la majorité pour laquelle ils ont voté en 2012.
Sans un débat parlementaire à la hauteur des cinquante-deux articles et des nombreux thèmes abordés dans ce projet de loi, visant à terme la réécriture de l’ensemble de la partie législative du Code du Travail.
Sans même un vote des députés, sur chaque article ou sur l’ensemble du texte.
Mais bien après plusieurs mois de tensions sociales sans précédents pour un gouvernement issu de la gauche, par le biais d’un recours au 49-3, outil quasi-imparable de verrouillage et de chantage constitutionnel. Et sans plus de quelques heures de débat dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, désormais devenu un théâtre d’ombres.
Jamais nous n’aurions imaginé vivre au cours de ce quinquennat une telle situation, tellement contraire aux valeurs et à l’histoire de la gauche. Elle nourrit la colère du peuple, et donne des arguments à ceux qui s’emploient à dévitaliser la démocratie.
Nous, parlementaires avons à chaque étape décidé de nous mobiliser, pour être à la hauteur de notre responsabilité : celle d’incarner le pouvoir de faire la loi en accord avec le mandat que nous a confié le peuple.
Nous n’avons cessé de dénoncer les dangers de ce texte, en considérant que ses quelques points positifs ne pouvaient servir de prétexte à justifier ses reculs considérables.
Nous avons en permanence recherché et organisé le dialogue, avec toutes les organisations syndicales, sans ostracisme ni stigmatisation; relayé les propositions et alternatives; et jusqu’au bout, œuvré à une sortie de crise, pourtant à portée de main.
Enfin, par deux fois, face au passage en force de l’exécutif sur ce texte fondamental, il a été tenté de déposer une motion de censure de gauche, démocrate et écologiste : il était de notre responsabilité de députés de la Nation de ne pas rester sans réaction face à cette situation. Nous le devions à celles et ceux qui pendant des mois se sont mobilisés par millions.
La voie autoritaire, aura permis au Président de la République et au Gouvernement de faire fi de toutes les oppositions, pourtant majoritaires dans le pays, de toutes les mobilisations, qu’elles soient citoyennes, syndicales, parlementaires.
Mais à quel prix ? Au nom de quel idéal, pour servir quel projet de société ? Avec quelles conséquences pour le pays ?
Comment ne pas voir, à l’heure où notre société traverse une crise démocratique majeure, que faire adopter sans vote, par le 49-3 utilisé à deux reprises, un tel projet de loi, concernant la vie quotidienne de millions de nos concitoyens, risque d’accroître ce fossé entre citoyens et gouvernants que nous prétendons tous combattre ?
Comment ne pas comprendre, six mois après des débats délétères sur la déchéance de nationalité, que l’on altère une nouvelle fois la confiance du peuple, en imposant un texte dont les dispositions vont à rebours des positions toujours défendues en matière de droit du Travail ?
Pourquoi faire le choix de diviser un pays pour faire passer à tout prix un texte qui de l’avis même de ses concepteurs n’aura pas d’impact direct sur les créations d’emplois ?
Pourquoi imposer des mesures qui aggraveront les logiques de dumping social entre les entreprises, affaibliront le pouvoir d’achat des salariés à travers les baisses de rémunération des heures supplémentaires, et faciliteront les licenciements économiques, ou même réduiront les missions de la médecine du travail ?
Le Président de la République et le gouvernement devront longtemps faire face à ces questions. Car cette méthode autoritaire n’éteindra jamais le débat de fond. Pire, elle est toujours contre-productive, par les ressentiments qu’elle génère.
Pour notre part, nous ne renonçons pas à porter la voix des citoyens mobilisés pour défendre leurs droits, leurs convictions, leur vision de la société et du monde du travail. Et surtout, nous ne renonçons pas à affirmer d’autres choix. Pour adapter le droit du travail aux défis du 21ème siècle et aux mutations de l’économie, en le rendant plus protecteur pour les salariés, en dressant ainsi une véritable barrière contre le dumping social au sein de l’économie française ; en renforçant le dialogue social, le rôle des organisations syndicales, et la place des salariés dans les organes de décision des entreprises; en renouant avec une démarche de partage juste et choisi du temps de travail, levier d’une lutte efficace contre le chômage; en se donnant tous les moyens de dessiner effectivement les conquêtes sociales de demain, avec au premier rang la sécurité sociale professionnelle.
Un code moderne et vraiment protecteur des salariés est possible. Il doit s’inspirer des leçons de l’Histoire et affronter les mutations du salariat. Nous retrouverons ainsi le chemin des réformes qui marquent utilement leur époque.
On aurait tort de croire le débat clos avec l’adoption de la loi Travail. Il ne fait au contraire que commencer. Nous y prendrons toute notre part.
Laurence Abeille, Brigitte Allain, Pouria Amirshahi, François Asensi, Isabelle Attard, Danielle Auroi, Philippe Baumel, Laurent Baumel, Huguette Bello, Jean-Pierre Blazy, Michèle Bonneton, Alain Bocquet, Kheira Bouziane, Isabelle Bruneau, Marie-George Buffet, Jean-Jacques Candelier, Fanélie Carrey-Conte, Patrice Carvalho, Nathalie Chabanne, Gaby Charroux, André Chassaigne, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Sergio Coronado, Marc Dolez, Cécile Duflot, Hervé Feron, Aurélie Filippetti, Jacqueline Fraysse, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Linda Gourjade, Edith Gueugneau, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Christian Hutin, Romain Joron, Régis Juanico, Jérôme Lambert, Jean Lassalle, Christophe Léonard, Jean-Luc Laurent, Noël Mamère, Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor, Philippe Noguès, Christian Paul, Michel Pouzol, Patrice Prat, Barbara Romagnan, Jean-Louis Roumegas, Nicolas Sansu, Eva Sas, Gérard Sebaoun, Suzanne Tallard, Thomas Thévenoud, Michel Vergnier, Paola Zanetti
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