Une nouvelle aberration écologique, une nouvelle gabegie financière surtout.
Vous avez aimé les stades climatisés et les gazons cultivés en plein désert de la Coupe du Monde de football au Qatar, vous allez adoré le ski sur les pentes enneigées d’Arabie Saoudite !
Tenez-vous bien, l’Arabie saoudite a été désignée ce mardi pour accueillir les Jeux asiatiques d’hiver de 2029, par le Conseil olympique d’Asie (OCA), une décision prise « à l’unanimité » de ses membres lors de son assemblée générale à Phnom Penh (Cambodge).
Cette compétition hivernale avait disparu des calendriers sportifs asiatiques depuis 2017, faute de pays candidats à l’organisation de tels événements sportifs dispendieux.
Le monde est fou…
Les épreuves se dérouleront dans le désert saoudien au coeur des Monts du Sarawat autour de Neom, dans une ville futuriste qui n’existe pas encore située au nord-ouest du pays, à proximité de la Jordanie, de l’Égypte et d’Israël.
Situé sur les bords de la mer Rouge, le projet Neom, d’un montant de près de 500 milliards de dollars est porté par le puissant prince héritier Mohamed ben Salmane qui a décidé de l’architecture (170km de long-1 million d’habitants pour une superficie égale à la Belgique de 26500km2) directement inspirée des décors du film… « les Gardiens de la Galaxie » dont il est fan.
Hors sol.
Les Jeux asiatiques d’hiver devraient précisément se dérouler à Trojena, secteur montagneux de Neom, située à 50 kilomètres de la côte du golfe d’Aqaba, avec des altitudes allant de 1 500 à 2 600m. Trojena, qui devrait être achevé dans quatre ans, comprendra des pistes de ski ouvertes toute l’année, un lac artificiel d’eau douce, des chalets, des manoirs et des hôtels de luxe, d’après la même source.
En attendant la livraison de la station prévue en 2026, la population locale est évacuée manu militari. Selon le Financial Times, un habitant a été abattu ces derniers jours par les forces de sécurité car il refusait de quitter sa maison.
Mohammed ben Salmane, également président du conseil d’administration de Neom, a promis avec ce projet de « redéfinir le tourisme de montagne dans le monde », tout en respectant les principes de l’écotourisme, sans mentionner les très faibles précipitations dans cette région !
Le directeur de Neom, Nadhmi al-Nasr, a pour sa part affirmé que Trojena serait doté « des infrastructures adéquates pour créer une atmosphère hivernale au coeur du désert, et de faire de ces Jeux d’hiver un événement mondial sans précédent »…
Il se foutent bien de notre gueule.
Fort heureusement, des architectes et économistes ont mis en doute la faisabilité du projet. Les Jeux asiatiques d’hiver comprennent des compétitions de ski, de snowboard, de hockey sur glace et de patinage artistique, soit 47 épreuves au total, dont 28 sur neige et 19 sur glace, selon l’OCA.
Pour l’heure, l’Arabie saoudite ne figure pas parmi les 86 pays « où le ski est possible en extérieur », selon le rapport 2021 sur le tourisme en montagne de l’expert suisse Laurent Vanat, à la différence par exemple de l’Iran, de l’Irak ou du Liban
Ce n’est pas tout.
Cette compétition offre un nouveau ripolinage de respectabilité d’une Arabie Saoudite qui s’enrichit davantage tous les jours avec la flambée des prix du pétrole et qui est dirigée de facto par le prince héritier Mohamed ben Salmane, qui à la faveur de la crise énergétique revient en odeur de sainteté sur la scène internationale malgré l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018.
Sur un plan écologique, l’installation de ces infrastructures comprendra une ville «zéro carbone». Une annonce paradoxale, quand on sait que l’Arabie saoudite est l’un des pays pétroliers figurant parmi les premiers exportateurs mondiaux de brut.
Les événements sportifs se sont multipliés ces dernières années en Arabie saoudite, accusée par des ONG de vouloir ainsi détourner l’attention des atteintes aux droits humains dans le royaume.
Pour mémoire : ma tribune en décembre 2019 « Non au rallye Dakar en Arabie Saoudite » : http://www.juanico.fr/2019/12/29/non-au-rallye-dakar-en-arabie-saoudite-ma-tribune-dans-le-jdd/
Le ministre saoudien des Sports, le prince Abdulaziz ben Turki Al-Faisal, a récemment fait état du souhait de son pays d’organiser un jour des Jeux olympiques.
Son pays est régulièrement accusé d’atteintes aux droits humains, d’une répression implacable des dissidents politiques, dont des militantes défendant les droits des femmes. En mars, une Saoudienne de 50 ans a écopé de 45 ans de prison pour avoir «défié» la famille royale en «utilisant le réseau social Twitter pour contester la religion et la justice».
On marche sur la tête.
Un responsable égyptien a quant à lui déclaré le mois dernier que l’Égypte, la Grèce et l’Arabie saoudite avaient entamé des discussions sur une éventuelle candidature conjointe pour la Coupe du monde de football en 2030, sur laquelle se sont notamment positionnés dans une candidature commune le Portugal, l’Espagne, et bientôt l’Ukraine…
Ce nouvel épisode fait partie d’une longue liste de grandes compétitions ou événements sportifs internationaux dont l’organisation est captée par des Etats aux moyens financiers illimités, à l’instar des pétromonarchies du Golfe qui n’hésitent pas à instrumentaliser le sport pour en faire une vitrine politique ou une « arme diplomatique » au mépris du respect des droits sociaux, humains et environnementaux.
Il est temps que les États et les Fédérations Sportives internationales se ressaisissent.
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