Alors que commence la nouvelle édition du Rallye Dakar, j’ai publié, à ce sujet, le 29 décembre dernier, une tribune parue dans le Journal du Dimanche.
Après vingt-neuf ans en Afrique, depuis sa création jusqu’en 2007, puis onze ans en Amérique du Sud pour échapper à la menace terroriste, Amaury Sport Organisation (ASO) vient de confier pour cinq ans l’organisation du rallye Dakar à l’Arabie saoudite. Le premier départ est prévu le 5 janvier.
A l’instar de son voisin qatari, avec qui elle est en conflit, la pétromonarchie saoudienne mise en effet sur l’accueil de grands événements sportifs : matchs de football, course de Formule E, circuit de golf. Des manifestations très chèrement acquises. On évoque ainsi le chiffre de 15 millions d’euros par an pour ASO en contrepartie de chaque rallye.
De la même manière que j’ai critiqué l’attribution de l’organisation des Mondiaux d’athlétisme ou de la Coupe du Monde de football 2022 au Qatar, il me semble nécessaire de dénoncer la tenue du rallye Dakar en Arabie Saoudite. Le choix de ce pays choque à de multiples égards :
Certes, les touristes, et pas seulement les pèlerins se rendant à La Mecque ou les hommes d’affaires, peuvent demander des visas touristiques. Certes, les femmes saoudiennes ont fini par obtenir le droit de conduire, en juin 2018, et un an plus tard celui de se voir délivrer un passeport et de voyager sans avoir besoin de l’accord d’un « gardien » masculin. Ces avancées ne sont pas toutefois pas suffisantes : les femmes restent sous l’autorité des hommes dans de trop nombreux domaines dans la société saoudienne.
Doit-on aujourd’hui se résoudre à confier l’organisation de grands événements sportifs aux pays les plus fortunés mais aussi les moins démocratiques, au mépris du respect le plus élémentaire des droits de l’homme ? Ces pays sont prêts à tout pour tenter de changer leur image ternie au plan international. Le sport véhicule des valeurs fortes : vivre ensemble, tolérance, égalité. On ne peut bafouer ces valeurs au profit de simple enjeux financiers et commerciaux. Encore moins quand le pays hôte ne respecte pas les droits humains.
En Commission des Affaires Sociales et de l’Education, mercredi 8 janvier, j’ai interpellé Delphine Ernotte, Président Directrice Générale de France Télévisions, pour que la rédaction de France Télévisions évoque la situation des droits de l’Homme dans ses programmes consacrés au Rallye.
J’ai ainsi fait écho à la lettre envoyée à Delphine Ernotte vendredi dernier par un collectif d’organisations, dont la Fédération Internationale des Droits Humains.
Le détail de mon intervention :
Madame la Présidente,
La 42eme édition du Rallye Dakar a débuté dimanche 5 janvier en Arabie Saoudite, pays où les droits de l’Homme sont bafoués. Ce choix a été fait pour 5 ans par l’organisateur ASO, et France Télévisions, partenaire traditionnel du Rallye retransmet les images de la course.
Nous avons été un certain nombre à dénoncer cette instrumentalisation du sport qui ne doit pas servir de caution aux régimes les moins démocratiques.
Vendredi dernier un collectif d’organisations, dont la Fédération Internationale des Droits Humains, vous a envoyé un courrier pour vous demander que la diffusion du Rallye Dakar ne soit pas une tribune offerte au régime saoudien pour redorer son image.
A l’heure des économies, y compris pour le service des sports de France Télévisions, est-ce que finalement vous ne participez pas à une forme de surenchère des droits sportifs, puisque des organisateurs privés ou des fédérations internationales confient de plus en plus d’événements sportifs d’envergure à un petit nombre d’Etats, des pétromonarchies de la régions, comme l’Arabie Saoudite, le Qatar ou les Emirats arabes unis, qui dépensent sans compter et qui accaparent aujourd’hui des événements qui pourraient se tenir dans d’autres pays, à un coup financier bien plus modeste ?
Est-ce que la rédaction de France Télévisions et notamment la rédaction des sports évoquera la situation des droits de l’Homme dans ses programmes consacrés au Rallye ?
La réponse de Delphine Ernotte :
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Le détail de mon intervention :
Quelle réaction ?
D’abord, susciter le débat, c’est exactement le même cas de figure que j’avais soulevé pour l’organisation des Mondiaux d’athlétisme, souvenez-vous il y a quelques semaines à Doha au Qatar. Un grand événement sportif qui avait été attribué par la Fédération Internationale d’Athlétisme au Qatar. Et puis, on y fait la Coupe du Monde de football aussi, qui aura lieu au Qatar en 2022. On voit bien, aujourd’hui que le Qatar ou l’Arabie Saoudite qui sont d’ailleurs en rivalité, assez permanente. Ils utilisent le Sport et le fait de pouvoir se payer, puisqu’ils sont richissimes, ils ont beaucoup d’argent, des grands événements internationaux. Ils multiplient les événements sur leur territoire et c’est aussi un moyen pour eux, sur le plan diplomatique d’utiliser ce qu’on appelle le « soft power », c’est pour moi une diplomatie du carnet de chèques, mais qui permet effectivement de se racheter une conduite. Et de redorer une image qui est ternie du point de vue des Droits de l’Homme pour ces pays-là. Mais est-ce qu’on doit l’accepter ? Je crois que c’est aujourd’hui une vraie question. Parce que ces Etats-là, que ce soit sur le droit du travail au Qatar mais que ce soit les Droits de l’Homme en Arabie Saoudite, on a encore un exemple ces derniers jours. Le droit des femmes, des homosexuels n’est pas aujourd’hui respecté. Est-ce que ces Etats, finalement sont compatibles du point de vue de leur régime avec les valeurs universelles du Sport. Et donc, c’est une question que je pose notamment aux instances sportives internationales, même si A.S.O., qu’elle est détentrice des droits et propriétaire du Rallye Dakar est une organisation privée et lucrative. Donc qui échappe finalement un petit peu à toute régulation. Mais j’espère qu’elle s’est posée les questions sur l’attribution à l’Arabie Saoudite du Rallye Dakar […]
Bien-sûr qu’il y a un rapport avec le Sport ! Le Sport, aujourd’hui c’est des valeurs qui sont véhiculées partout dans le monde, de tolérance, de fraternité, d’égalité entre les femmes et les hommes. Même s’il y a des progrès qui ont réalisés en Arabie Saoudite très récents, d’ailleurs. Les femmes ont le droit de conduire maintenant, elles ont le droit de voyager sans être accompagnées systématiquement et obligatoirement d’un homme. Même si on voit bien qu’il y a une politique, finalement d’ouverture au divertissement. Dont font partie les divertissements sportifs. L’Arabie Saoudite, récemment, il y a eu des matches de football, il y a eu des matches de boxe, des manches internationales en formule électrique. Il y a aussi un certain nombre de compétitions de golf qui sont organisées. Bien évidemment, il y a une forme d’ouverture, mais qui cache assez mal un régime qui est très dur du point de vue des Droits de l’Homme, avec des actes de torture, des détentions provisoires et des militants des Droits de l’Homme et des libertés civiles qui sont aujourd’hui menacés et sont systématiquement emprisonnés de façon arbitraire. Donc ça, voilà, c’est la réalité de ces régimes-là. Ces valeurs-là sont complètement incompatibles avec ce que véhicule le Sport et en particulier l’égalité entre les femmes et les hommes […]
De façon plus large bien évidemment, on est de nombreux parlementaires à le dénoncer. Il y a effectivement le fait que l’Arabie Saoudite est un des principaux clients de la France en terme d’armement. On pose des questions dans l’implication de la France dans l’armement de l’Arabie Saoudite dans la condition militaire qui est menée depuis 2015 au Yémen et qui a fait des milliers de morts civils et puis des millions de réfugiés aussi. Ce qui cause énormément de problèmes dans la région. Il y a cet aspect-là. Je ne me place pas d’un point de vue géopolitique, je n’ai pas à juger de ce qui se passe dans la région. Par contre, d’un point de vue logistique, les compétitions internationales doivent se conformer aujourd’hui à un cahier des charges très précis pour avoir des événements sportifs internationaux qui sont organisés dans des conditions soutenables, durables avec des critères environnementaux, sociaux et aussi des critères de droit, de respect de droits humains, notamment sur le droit du travail.
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Je suis d’accord sur cette réaction mais je rajouterai qu’au moment où les automobilistes de notre pays sont de plus en plus taxées (essence péage etc) au moment où on nous culpabilise de plus en plus quant on utilise notre voiture, où que nous partons en voyage en avion, Au moment où on veut taxer les SUV ( y compris les 3008 ou autre KADJAR) ne consommant que 7 litres / 100 km on laisse se dérouler ce type de compétitions qui défigurent la nature qui imposent de nombreux déplacements en avion, des survols en hélicoptère de la course, des transports en avion d’une quantité incroyable de matériel de motos de voitures de camions…avec des consommations exorbitantes, ne sommes nous pas entrés dans une société où l’argent justifie tout y compris les agressions à la planète. Je rêve de dromadaires dans le désert pas d’engins motorisés. Merci REGIS pour ta réaction.
Avec nos excuses Annick et moi ne pourrons pas être présents à ton bilan de mandat