La commission d’enquête « sur l’exil des forces vives de France » a été créée à l’initiative du groupe UMP qui a utilisé à cette occasion le « droit de tirage » qu’il détient de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale. J’en avais été désigné secrétaire lors de sa première réunion le 30 avril dernier. Le rapport concluant ses travaux, présenté par mon collègue du groupe SRC Yann Galut, a été adopté le 7 octobre dernier.
Le rapport est fondé sur la conviction que la question de l’expatriation de nos concitoyens doit être analysée avec mesure et sans esprit partisan et s’est attaché à dépasser la terminologie pour le moins stigmatisante utilisée dans l’intitulé de la commission d’enquête.
De ce point de vue, la polémique qu’a voulu créer le président de la commission d’enquête, Luc Chatel, n’était pas à la hauteur des enjeux. Durant le délai de cinq jours imposé par la loi avant que ce rapport ne puisse être rendu public, il a ainsi décidé d’entretenir la confusion en publiant sa contribution et ses propositions sur cette thématique. Il s’agit là d’une opération purement politicienne qui montre bien que cette commission voulue par l’UMP n’avait pour seul but que de critiquer le gouvernement plutôt que d’étudier objectivement la réalité de la situation.
En réalité, aux termes de six mois de travaux et trente-quatre auditions, le rapport de la commission aboutit à la conviction que la France est riche de ses hommes et de ses femmes, qu’ils résident sur son territoire ou ont choisi de mener leur parcours personnel ou professionnel hors de ses frontières.
Pourquoi la France serait-elle le seul pays à s’alarmer d’une situation qui laisse de marbre ses principaux partenaires qui pourtant disposent d’une diaspora autrement plus nombreuse ? Pourquoi faudrait-il, de manière absurde, qu’elle se désole de ce qui est, pour l’essentiel au-delà même du mouvement spontané de la mondialisation, le résultat de politiques volontaristes et librement choisies.
Pour autant le rapport ne nie pas que la France traverse depuis dix ans des difficultés très importantes, tant sur le plan économique que sur le plan social. Cette situation appelle la mise en œuvre de réformes et le rapport formule 25 propositions pour renforcer la compétitivité et l’attractivité de la France, sans qu’il s’agisse de lancer notre pays dans une course perdue d’avance au dumping fiscal et au détricotage de notre modèle social :
Proposition 1 : Améliorer le registre des Français établis hors de France en :
– communiquant davantage sur l’utilité pour les intéressés, et pour leur pays, de s’inscrire au registre mondial ;
– harmonisant les formulaires d’inscription et d’actualisation et standardiser l’enregistrement des données pour que tous les postes consulaires aient le même niveau d’information et le même traitement informatique ;
– étoffant les informations demandées, lors de l’enregistrement comme à son actualisation ou au renouvellement de l’inscription, en faisant préciser notamment les pays de naissance (principal critère de sélection retenu par les bases de données internationale), les niveaux d’études, les emplois occupés (profession et secteur d’activité) et la situation au regard de l’emploi ;
– réduisant les délais (par exemple de cinq à trois ans) pour le renouvellement des inscriptions et l’actualisation des informations individuelles, en utilisant en priorité la voie internet pour ces échanges ;
– prévoyant l’accessibilité des données globalisées du registre en créant une base qui rassemblerait les informations retraitées et serait consultable sur le site du ministère des Affaires étrangères.
Proposition n° 2 : Encourager le recoupement des recensements nationaux, en développant la coopération entre Etats.
Proposition n° 3 : Encourager la réalisation d’études qualitatives sur la situation et le profil socio-économique des Français à l’étranger, à partir du registre des Français établis hors de France.
Proposition n° 4 : Créer, sous l’égide de l’INSEE, un centre d’information, de recherche et de coopération sur l’émigration, qui pourrait prendre la forme d’un groupement d’intérêt scientifique (GIS).
Proposition n° 5 : Généraliser les visas pluriannuels à tous les étudiants étrangers.
Proposition n° 6 : Assouplir la condition de ressources aujourd’hui exigée pour la délivrance des visas étudiants.
Proposition n° 7 : Rationaliser l’organisation des agences en charge de la mobilité sortante et de la mobilité entrante des étudiants.
Proposition n° 8 : Encourager les universités et autres établissements d’enseignement supérieur à renforcer leurs stratégies en matière d’ouverture à l’international.
Proposition n° 9 : Améliorer les outils statistiques permettant à l’administration fiscale de mieux mesurer le phénomène du retour en France des redevables de l’ISF et de l’impôt sur le revenu.
Proposition n° 10 : Développer la « relation de confiance » entre l’administration fiscale et les contribuables, notamment pour les personnes physiques et amplifier le recours au rescrit fiscal.
Proposition n° 11 : Encourager les services administratifs à faire évoluer leurs relations avec les entreprises, notamment les plus petites, vers davantage de conseil.
Proposition n° 12 : Réussir la fusion programmée entre l’agence Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII).
Proposition n° 13 : Progresser vers une stabilisation de l’« horizon fiscal », en s’engageant à ne pas modifier certains paramètres fiscaux stratégiques sur une échelle pluriannuelle.
Proposition n° 14 : Limiter le recours à la rétroactivité de la loi fiscale.
Proposition n° 15 : Pérenniser la French Tech et conserver son ciblage vers les start-up.
Proposition n° 16 : Institutionnaliser et réunir à un rythme régulier le Conseil stratégique de l’attractivité et la Conférence des dirigeants français d’entreprises étrangères.
Proposition n° 17 : Œuvrer au niveau communautaire pour l’adoption de directives européennes plus contraignantes en matière d’imposition des sociétés.
Proposition n° 18 : Soutenir l’action menée par l’OCDE dans le cadre de la lutte contre les pratiques des entreprises multinationales, afin de mettre fin à l’érosion des bases d’imposition et au transfert artificiel de bénéfices vers certains pays ou territoires dans le but de se soustraire à l’impôt.
Proposition n°19 : Introduire une obligation pour les entreprises de déclarer au préalable à l’administration leur schéma d’optimisation fiscale, comme cela se pratique en Grande Bretagne et aux États-Unis.
Proposition n° 20 : Construire avec les principaux réseaux d’influence (notamment les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international, les associations d’expatriés et les réseaux d’anciens élèves des grandes écoles) une stratégie de sensibilisation de nos compatriotes à la défense des intérêts de la France.
Proposition n° 21 : Construire avec les principaux acteurs de l’accompagnement des expatriés français une base d’information partagée, et régulièrement actualisée, présentant et mettant en lien les dispositifs publics et les initiatives privées développés pour les aider dans leur installation et dans leur vie à l’étranger.
Proposition n° 22 : Préserver les capacités d’accueil du réseau des écoles françaises à l’étranger, la qualité de son enseignement et son accessibilité à toutes les familles françaises.
Proposition n° 23 : Réfléchir à la création d’un guichet unique (mais décliné sur l’ensemble du territoire) permettant aux Français quittant notre pays pour s’installer à l’étranger de régler l’ensemble des démarches administratives nécessaires (civiles, sociales, fiscales, etc.)
Proposition n° 24 : Organiser dans les postes consulaires un service plus structuré d’information et d’orientation sur les institutions et les procédures administratives locales.
Proposition n° 25 : Rationaliser et simplifier les diverses formalités exigées lors de la réinstallation de nos compatriotes et réfléchir à la mise en place d’un guichet unique pour les principales démarches administratives.
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