Je suis intervenu, jeudi 28 janvier, à l’occasion du meeting numérique de Génération·S consacré à la jeunesse.
Le détail de mon intervention :
Claire Lejeune disait à juste titre tout à l’heure « Aujourd’hui la jeunesse, elle n’a jamais eu un rapport aussi incertain à l’avenir ». C’est la triste réalité et en même ce n’est pas un constat nouveau.
C’est vrai que depuis maintenant un an, depuis le début de la pandémie et de la crise sanitaire, les conditions d’entrée dans la vie adulte que nous réservons aux jeunes, sont insupportables et se sont dégradées.
Mais, c’est vrai aussi que c’est une situation qui dure et pour remuer un certain nombre de souvenirs d’anciens combattants, si on remonte à peu près, un peu moins de 30 ans en arrière : Frédéric Hocquard était secrétaire national du Mouvement des Jeunes Socialistes à l’époque, Sophie Taillé était une cadre brillante de l’UNEF-ID et déjà à l’époque on parlait d’allocation autonomie !
Et dans ces mouvements de jeunesse, avec Benoît Hamon en 1994, nous avions écrit une contribution au Congrès du Parti Socialiste, à Liévin qui s’appelait : « A quoi peut prétendre la jeunesse en 1995 ? » et cette contribution de Nouvelle Gauche, à l’époque, parlait du « droit à l’avenir » pour les jeunes.
C’est un sujet que bien des années plus tard, j’ai essayé de creuser quand j’étais parlementaire en 2013 dans un rapport d’évaluation des politiques publiques consacré à la mobilité sociale des jeunes, avec un de mes collègues, Jean-Frédéric Poisson.
Et dans ce rapport on disait une chose très claire, à savoir que nous avons dans notre pays, un atout considérable : c’est la jeunesse !
Aujourd’hui, les moins de 25 ans représentent 25% de la population française, cette force démographique est une richesse considérable ! Et Frédéric Hocquard avait raison de dire tout à l’heure, sur le plan culturel, ce que ça peut représenter.
Le problème est dans la mobilité sociale. Elle est quasi inexistante, il y a une forte reproduction sociale, cela veut dire qu’aujourd’hui, quand vous êtes fils d’ouvrier, vous avez 50% de chance de devenir vous-même ouvrier ; quand vous êtes fils de cadre, vous avez 50% là d’être cadre.
Le sort que nous réservons à notre jeunesse dans notre pays, c’est un pur scandale ! Ce qui est de nouveau mis en évidence en 2021, mais qui l’était déjà depuis le début des années 90 et même un petit peu avant, c’est le modèle de transition vers l’âge adulte qui est un parcours du combattant, indigne, que nous imposons à notre jeunesse.
Il faut attendre entre 5 et 10 ans en moyenne, aujourd’hui, quel que soit votre diplôme, pour obtenir un emploi stable. Ces 5 à 10 ans de parcours du combattant, c’est une suite de stages, de petits boulots, de contrats précaires, de contrats courts qui se succèdent et ça, c’est intolérable quand on aspire à se projeter dans la vie !
Alors bien-sûr, l’accès à l’autonomie, ce n’est pas simplement la question de l’accès à l’emploi durable, il y a la question de l’accès à la santé, on a des chiffres extrêmement inquiétants sur le renoncement aux soins notamment des étudiants, qui est au-dessus de 40% ces derniers mois.
Mais c’est aussi l’accès au logement, c’est un problème qui pèse énormément aujourd’hui sur les ressources financières des jeunes, puisque les dépenses pour se loger des jeunes représentent le double du reste de la population.
Et puis, l’accès à l’autonomie, c’est aussi, on l’a évoqué ce soir, le droit d’accéder à un environnement préservé. C’est toute la question climatique et toute la question écologique.
Depuis maintenant près de 40 ans, nous avons un marché du travail qui fait peser sur la jeunesse, qui est considérée comme une variable d’ajustement structurelle, la flexibilité, la précarité.
C’est pourquoi la réponse du Gouvernement est très clairement insuffisante ; parce que c’est une réponse classique : on fait des aides ponctuelles, on fait des primes ponctuelles pour les embauches de jeunes, mais ça ne résout pas le problème structurel qui est ce parcours du combattant qu’on impose à cette jeunesse
Les chiffres sont accablants : on a un taux de chômage extrêmement important, de plus de 20% chez les jeunes de moins de 25 ans mais quand vous regardez dans le détail et là aussi, 3 ans après la fin des études, le taux de chômage des non-diplômés est de plus de 50%, c’est un scandale.
Le taux de pauvreté des jeunes dans notre pays, est là aussi le double du reste de la population. C’est-à-dire que les moins de 30 ans représentent 35% de la population mais représentent 50% aujourd’hui des pauvres. Il y a 3 millions de pauvres, aussi chez les enfants.
Je voulais terminer là-dessus puisqu’on a eu l’occasion ces 6 derniers mois avec Marie-George Buffet à l’Assemblée Nationale de conduire des travaux d’une commission d’enquete qui ont été extrêmement intéressants, sur les effets de la Covid 19 sur la jeunesse, pas simplement les étudiants, mais aussi les enfants et les adolescents.
Et qu’est-ce qu’on a pu constater ?
D’abord et je commencerai par-là, une dégradation de l’état physique dû à la sédentarité : c’est-à-dire à la fois dû à la diminution de l’activité physique, mais aussi à la surexposition au temps d’écrans liée à des troubles associés comme les troubles du sommeil et de l’alimentation, mais qui aujourd’hui se traduisent par une prise de poids importante.
Ces conséquences néfastes en terme de santé publique, vont peser sur plusieurs générations successives de jeunes et pas seulement les étudiants dans les prochaines années.
François Carré, un cardiologue célèbre qui nous alerte depuis longtemps sur la perte de la capacité physique des jeunes générations nous dit que pendant le premier confinement, on a eu dans les tests pour les élèves de CE2, 20% de pertes de capacité physique qui sont associés à 40% de pertes de fonction cognitive.
Cela veut dire concrètement que les jeunes générations perdent de l’espérance de vie, aujourd’hui dans notre pays, c’est dramatique
Cela veut dire aussi que la diminution d’activité physique liée à la crise sanitaire se traduit par des moins bons résultats scolaires que nous allons payer collectivement aussi dans les prochaines années.
Ce que nous avons, aussi dans cette commission d’enquête, ce sont tous les troubles psychologiques et tous les troubles liés à la santé mentale.
Plus de 60% des étudiants ont été en situation de solitude et d’isolement pendant les confinements, 70% des étudiants ont donné des signes de détresse psychologique.
Et vous le savez, il y a des tentatives de suicide qui se multiplient, pas simplement ces dernières semaines, souvenez-vous en novembre 2019, Anas qui était un jeune étudiant stéphanois s’était immolé devant le CROUS de Lyon pour protester devant la précarité et la condition étudiante, sur la paupérisation des étudiants.
Et face à cela, qu’est-ce qu’on a ? On a très peu de moyens en termes de psychologues pour le suivi des étudiants. Aujourd’hui c’est un psychologue pour 30.000 étudiants, alors que pour la norme internationale est de un pour 1500 et qu’est-ce qu’on a en face ?
On a une Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal qui, je ne sais pas si vous l’avez regardé hier soir en audition devant les Députés de la Commission des Affaires culturelles et face à nos questions, a été lamentable, nulle !
Et qui a stigmatisé les étudiants en les accusant à demi-mots, d’être des sources de contamination du virus parce qu’ils « ne respecteraient pas les gestes barrière ou la distance physique », mais voilà ce qu’on a aujourd’hui en termes de réponses du Gouvernement.
Et alors, l’autre réponse, là c’est encore mieux ! C’est Madame la Ministre de l’Engagement et de la Vie associative, Madame Sarah El Haïry qui dit « Inscrivez-vous pour le Service National Universel ! ».
Il y a eu cette dégradation de l’état physique des plus jeunes, la dégradation de l’état psychologique et bien évidemment, une perte de ressources financières, puisque nous le savons, 50% des étudiants travaillent, c’est des petits boulots en général, pour financer leurs études.
40% d’entre eux ont perdu leurs contrats de travail pendant les confinements. Et donc, on a eu aujourd’hui, toute une génération d’étudiants qui faute de ressources financières, ont basculé dans la grande précarité.
Et donc, oui là il y a des réponses d’urgence à apporter ! Sophie Taillé-Polian y est revenue tout à l’heure. Ce que vous proposez, dans votre plateforme commune des organisations de jeunesse : bien évidemment l’ouverture du RSA au moins de 25 ans, c’est le minimum vital.
Quand j’entends le Gouvernement et Elizabeth Borne, les parlementaires d’En Marche, nous dire que le RSA c’est de l’assistanat, c’est méconnaître comment aujourd’hui nos Conseils départementaux, partout sur le territoire, accompagnent vers l’emploi, vers l’insertion sociale et professionnelle les bénéficiaires du RSA.
Il faut que les jeunes aient ce filet minimum et qu’on puisse aussi les accompagner avec des dispositifs particuliers, notamment la Garantie jeunes, qui est un succès mais qui ne suffit pas !
C’est un dispositif qui s’adresse à un public bien particulier, celui qui est le plus éloigné de l’emploi, ni scolarisé, ni en formation, ni en emploi. Mais ça ne peut pas être l’ensemble des situations de précarité et de pauvreté.
Et donc, je termine par- là : RSA jeunes, dotation universelle à 18 ans, ce qui est complètement différent du prêt de 10.000€ qui fait qu’on aggraverait quelque part le parcours du combattant que j’évoquais tout à l’heure, à 18 ans.
Avec des prêts à rembourser, on endetterait les jeunes pour leurs premières années dans la vie adulte, ce qui est complètement aberrant : ça c’est la solution d’En Marche. Dotation universelle de 5000€ à 18 ans, c’est un projet dont on va débattre bientôt à l’Assemblée Nationale et puis bien évidemment notre solution à Générations qui est d’expérimenter le Revenu Universel d’Existence dans la jeunesse.
Ce qu’avait proposé Benoît Hamon, dès l’élection présidentielle, mais qui me paraît tout à fait opportun, y compris parce qu’ils commencent à venir sur ces positions-là, chez les Républicains, ce qui est très bien. Plus on est de fous, plus on rit !
Et puis surtout, un certain nombre d’économistes qui sont étiquetés aujourd’hui comme étant proches d’Emmanuel Macron, commencent à susurrer à l’oreille du pouvoir, que ce serait une solution à la rentrée 2021, que de faire un Revenu d’existence universel… mais chez eux, ça serait temporaire !
Pour nous ça serait… pour le mettre en place de façon définitive, expérimenté bien évidemment mais à vocation à être généralisé derrière à l’ensemble de la population. »
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