A l’occasion des auditions de la commission d’enquête sur les effets de la crise du COVID-19 sur la jeunesse, le 8 octobre, j’ai pu interrogé les représentants des associations ATD Quart Monde et du Secours Catholique sur l’engagement des bénévoles et l’état de leurs associations en tant de crise sanitaire, après avoir démontré le rôle majeur des associations de solidarité en temps de crise.
Le détail de mon intervention :
Madame la Présidente, je veux d’abord remercier à travers vous, leurs représentants, les bénévoles et les salariés des associations de solidarité, qui ont tenu bon pendant la crise sanitaire, qui continuent un travail formidable.
A la Commission des Affaires culturelles, quand nous avons essayé d’évaluer en temps réel, l’impact de la crise sanitaire sur la vie associative, nous avons tenu à recevoir en premier les représentants des associations de solidarité, parce que pour le coup, c’était parmi les rares associations qui n’étaient pas à l’arrêt.
Et ça a été compliqué parce qu’effectivement, vous l’avez souligné tout à l’heure, les bénévoles senior ont dû être mis quelque part à l’écart, bien évidemment, pour des raisons de santé publique et qu’heureusement aussi, vous avez pu compter sur un volant de remplaçants, bénévoles, en particulier les actifs qui avaient été mis en chômage partiel, qui étaient en télétravail, qui disposaient de plus de temps.
Des volontaires du Service civique, peut-être, vous nous direz exactement ce qu’il en est, parce que tous n’ont pas pu réaliser des missions en présentiel. Il faut être clair, mais il y avait des adaptations de leur mission.
Et donc, ma première question, elle est là-dessus, elle prolonge les réflexions que vous avez faites tout à l’heure. Certains bénévoles senior sont encore en réserve, on va dire. Est-ce que vous avez pu constater un regain d’engagement, finalement ? Alors, ponctuel ou pas, parce qu’à la limite, ça peut être aujourd’hui des actifs, les plus jeunes d’ailleurs, qui, une fois qu’ils ont mis un pied dans les associations de solidarité se disent « je vais peut-être prolonger mon engagement ».
Est-ce que vous constatez la même chose chez les plus jeunes au niveau du Service civique et du coup, une effet renouvellement, de vos bureaux et notamment des bénévoles responsables, ce qui est extrêmement important ? Je pense aussi qu’il y a un effet fatigue et aussi épuisement de ceux qui travaillent à vos côtés.
Deuxièmement, on évoque beaucoup ces derniers jours les chiffres, du fait que la crise sanitaire ferait basculer 1 million de Françaises et de Français dans la pauvreté, on parle de revenus en baisse de 30%, pour les ménages modestes : est-ce que ce sont des chiffres qui sont vérifiés dans aujourd’hui, la fréquentation en hausse partout des associations de solidarité, dont vous avez la responsabilité ?
Comme on a eu un petit peu ces témoignages au niveau du Secours Populaire par exemple à Saint-Etienne, en particulier sur le fait qu’il y ait eu 50% de nouveaux publics qui arrivaient et qui franchissaient pour la première fois la porte des associations.
Et puis, je terminerai sur le Plan de relance : on nous dit qu’il y aurait moins de 1% des 100 milliards débloqués aujourd’hui qui seraient dédiés aux plus précaires. Voilà, est-ce que vous confirmez ce chiffre-là et au-delà de ce que vous avez dit tout à l’heure sur la question de l’aide exceptionnelle sur l’Aide alimentaire, quelles sont vos demandes précises, de financements supplémentaires ?
Les réponses de Marie-Aleth Grard d’ATD Quart Monde
« Vous parlez d’un million en plus, de personnes touchées par cette crise, qui vivraient dans la pauvreté ou dans la grande pauvreté. Nous ne savons pas les chiffres.
Ce que je peux vous dire, c’est qu’effectivement, on sent que ça augmente terriblement. Si depuis quelques années on sent que la précarité augmente, là ce que l’on sent c’est que la grande précarité augmente, ce qui est assez différent. Ce qui accentue encore les choses malheureusement et je crains durablement.
Et permettez-moi un petit mouvement d’humeur, parce que ce Gouvernement a quand même supprimé l’ONPES [Observatoire National de la Pauvreté et l’Exclusion Sociale] et alors on dit qu’on n’a pas de chiffres, des choses comme ça, mais dans tous les observatoires qui ont été supprimés par ce Gouvernement, l’ONPES est un des observatoires qui a été supprimé et qui permettait d’observer la pauvreté et l’exclusion sociale dans notre pays.
Alors certes, rattaché au milieu du CNLE [Conseil National des politiques de Lutte contre la pauvreté et l’Exclusion sociale], mais pas du tout avec les mêmes moyens et quand on n’a pu les moyens, eh bien on fait pas ! Et ça, c’est vraiment… c’est très dommageable ! C’est très dommageable de ne plus avoir de chiffres exacts et de ne plus savoir avec qui on travaille…etc.
Nous, nous avons reçu ces temps-ci de la Secrétaire d’Etat à l’Exclusion, Madame Jeantet, un courrier nous demandant les chiffres des personnes avec lesquelles nous sommes, non mais franchement ! Est-ce que vous croyez, nous ne faisons pas de distributions, je le redis bien, est-ce que vous croyez que nous allons nous mettre à chiffrer le nombre de personnes pour pouvoir… parce qu’il n’y a plus d’observatoire ?! Non, ça, alors là, il n’en est pas question pour nous ! »
« Le Plan de relance : eh bien, écoutez, je vais finir par passer qui râle tout le temps ! Ce qui n’est pas du tout mon tempérament, moi qui suis plutôt quelqu’un d’optimiste, mais le Plan de relance c’est une occasion ratée, comme nous l’avons dit au Premier-Ministre, il y a quelques jours, nous, responsables d’associations qui sommes là.
Nous l’avons dit sincèrement, 0,8% pour les pauvres de notre pays dans ce Plan de relance, quelle occasion ratée de montrer que nous volons vraiment une société qui n’oublie personne !
Et nous voulons vraiment une société, oui d’accord il faut soutenir les entreprises, nous l’entendons bien ce souci économique, mais si on laisse 10 millions de citoyens sur le bord de la route, là c’est vraiment très très ennuyeux !
Et nous sommes très très inquiets ! Le Premier-Ministre nous a promis des annonces pour le 17 octobre, franchement, nous nous attendons plutôt à des miettes qu’à des annonces, donc voilà, je ne suis pas non plus là très optimiste. »
Réponse d’Aurélie Mercier du Secours Catholique
« Oui, nous avons vu arriver des nouveaux bénévoles pendant la crise et qui continuent effectivement leur engagement après le confinement. Ça va nous demander aussi à nous de revoir nos activités parce qu’effectivement, une jeune qui travaille ou un actif et même un peu moins jeune, ne pourra pas tenir une permanence d’accueil-café, de convivialité, jeudi à 14 heures, …
Donc voilà, ça va nous demander de réadapter nos activités, ce qui a priori n’est pas un obstacle mais voilà, il va falloir qu’on se mette autour de la table et y travailler. Le Service civique, effectivement, peut être une piste.
Il ne faudrait pas qu’il en devienne une obligation et aussi une sorte de contrepartie, s’il ne touche qu’une certaine catégorie de jeunes, [mais] qui permette de vivre la mixité aussi, c’est important et c’est comme cela qu’on fait également société.
Ce qui nous paraît important, aussi, concernant ces jeunes, c’est qu’aujourd’hui nous les associations, mais plus largement dans notre société, on a une responsabilité à leur donner l’envie, la capacité à de nouveau se projeter et de nouveau à rêver. »
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