Je suis intervenu, jeudi 14 mars, en séance plénière, pour dénoncer la mauvaise opération financière pour l’Etat que constitue la privatisation d’Aéroport de Paris, comme pour la Française des Jeux ou Engie.
Le détail de mon intervention. Monsieur le président,
Comme l’a très bien rappelé Boris Vallaud ce matin la privatisation des aéroports de Paris est une faute stratégique, un non-sens économique et une erreur historique.
Aéroport de Paris c’est un service public d’intérêt national, un monopole naturel, un bien commun, une frontière extérieure, un outil de souveraineté, un leader mondial, un fleuron du patrimoine national. Ce n’est pas simplement un gestionnaire d’aéroport, c’est un aménageur, un développeur et un exploitant.
L’entreprise est devenue, en 2018, le premier exploitant mondial d’aéroport. Elle accueillera près de 120 millions de visiteurs à l’horizon 2022 en France. Le cours de son action a cru de 160% en 5 ans. Son taux de 7% de profit lui permet de générer, pour l’Etat, 175 millions d’euros de dividendes, en constante progression. C’est une entreprise placée au cœur des intérêts stratégiques de la France, au centre de projets d’aménagement de la région francilienne. La société dispose de 6 680 hectares de terrain. C’est sans équivalent en Europe.
Nous sommes instruits de la privatisation des autoroutes qui fait perdre chaque année des milliards d’euros de dividendes aux français et à la nation. Nous sommes aussi instruits, par la cour des comptes, sur la privatisation de l’aéroport de Blagnac. Ne commettons pas les mêmes erreurs.
Vous proposez une concession de 70 ans. Mais 70 ans c’est long ! Il y a 70 ans, Il y avait au Gouvernement Queuille 1 Maurice Petsche comme ministre des finances et des affaires économiques. Imagine-t-on une concession décidée sous Queuille qui s’achèverait aujourd’hui ?
Alors, Monsieur le président, la privatisation des aéroports de Paris est une mauvaise opération financière pour l’Etat et une décision irréparable. Comme pour la Française des Jeux ou Engie, les dividendes versés à l’Etat actionnaire devraient être consacrés au financement du fonds d’innovation et de rupture mais ils iront avec vos décisions remplir les poches et les intérêts des investisseurs privés.
Nous demandons, au nom du groupe Socialistes et apparentés, au gouvernement, la réserve des articles pour demain afin que nous ayons le temps d’examiner les informations concernant le cahier des charges de l’aéroport de Paris.
De plus, jeudi 14 mars, mon collègue Boris Vallaud est intervenu au nom du groupe Socialistes et apparentés pour réaffirmer notre opposition à cette erreur stratégique et cette aberration économique.
Le détail de son intervention. Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Commission Spéciale,
Monsieur le Rapporteur, Chers collègues,Nous avons sur nos pupitres, trois boutons de vote. Nous pouvons approuver, refuser, ou nous abstenir, sur un amendement, un article, ou un texte.
Pour un texte mineur sur lequel nous n’avons vraiment pas d’avis, pour départager deux options qui nous paraissent également souhaitables ou regrettables, l’abstention est un choix qui peut s’entendre.
Mais qu’en est-il, pour des députés, représentants de la nation, qui forment ici le peuple assemblé, face à une décision qui engage des sujets aussi importants que l’aménagement de la Région Parisienne, le premier point d’entrée sur le territoire national, le support du développement de la compagnie nationale Air France ?
Aéroport de Paris accueillera 120 millions de personnes en 2022.
Aéroport de Paris est aménageur, exploitant et développeur en disposant de 6 680 ha de terrain. Une situation sans équivalent en Europe.
Aéroport de Paris est une entreprise placée au cœur des intérêts stratégiques de la région francilienne avec la ligne 17 du métro du Grand Paris, Cœur-d’Orly et ses 15 ha de quartier d’affaires avec sa plateforme multimodale.
Aéroport de Paris est au cœur des intérêts des départements du Val d’Oise, de la Seine-Saint-Denis, et de la Seine et Marne avec l’aéroport Charles de Gaulle, et des départements du Val-de-Marne et de l’Essonne avec Orly.
Aéroport de Paris est le premier pôle d’emplois de la région capitale, pour les franciliens mais aussi de très nombreux habitants de régions voisines qui y travaillent.
Aéroport de Paris est au cœur des intérêts de tout le territoire national en ayant entre ses mains la pérennité des dessertes depuis Paris des aéroports de province.
Comment ne pas avoir d’avis sur un tel projet de privatisation ?
Est-ce que le fait de confier à des intérêts privés de tels intérêts nationaux pourrait être compensé par une opération financière intéressante pour l’Etat ? Quand bien même cette opération financière serait mirifique, il ne serait pas possible de mettre ces sujets en comparaison sur les deux plateaux de la balance des intérêts communs des Françaises et des Français.
Mais qui plus est cette privatisation est une mauvaise opération financière pour les comptes publics. Le cours de l’action ADP a crû de 160% en cinq ans et elle verse 175 millions d’euros de dividendes à l’Etat. Du simple point de vue financier cet actif doit rester dans le patrimoine des Françaises et des Français.
Le gouvernement prétend vouloir financer l’innovation avec cette vente, mais de fait ces dividendes iront demain dans les poches des actionnaires privés et le placement du capital récupérer ne rapportera pas plus.
Les Françaises et les Français auront perdu la maîtrise de l’avenir d’ADP sans gagner un centime pour investir davantage dans les innovations de rupture.
Et ce n’est pas en se payant de mots que l’on changera l’équation financière de cette opération qui brade l’intérêt général à des intérêts privés.
Le Gouvernement nous dit qu’il ne privatise pas la frontière.
Effectivement il ne nous serait pas venu à l’esprit de proclamer qu’il privatise la douane ou la police de l’air et des frontières. Mais qui peut contester qu’Aéroport de Paris se trouve dépositaire du premier point d’entrée sur le territoire national ?
Le Gouvernement nous dit qu’il ne s’agit pas d’une privatisation mais une simple concession de l’activité commerciale pour 70 ans.
Entendons-nous bien, les 6 680 ha de terrain sont bien cédés également ? La gestion non seulement des boutiques, comme le disent certains ministres, mais de l’activité aéroportuaire, des tarifs pratiqués à l’égard des compagnies, de l’attribution de créneaux, sont bien cédés également ? Comme quoi derrière ce mot de « concession commerciale » nous retrouvons bien tous les enjeux stratégiques évoqués précédemment.
En effet, le Gouvernement prétend que l’Etat conserverait ses prérogatives régaliennes de contrôle de l’activité. Mais la Cour des comptes elle-même alerte sur le risque d’asymétrie d’information susceptible de limiter les capacités de contrôle ».
Le Gouvernement prétend qu’il n’y a pas de risque de hausse des redevances. Mais celles-ci sont homologuées en fonction des coûts, qui eux ne sont pas maîtrisés. Et si de plus le futur concessionnaire se trouvait être lui-même acteur aujourd’hui d’une société sous-traitante, il pourrait le moment venu augmenter les tarifs de cette société sous-traitante et décider lui-même de l’augmentation des coûts.
Et quant à dire qu’il ne s’agit pas d’une privatisation, le gouvernement devrait aller jusqu’au bout et bien expliquer que s’agissant de l’intérêt purement financier, ce projet est finalement pire qu’une privatisation, puisque les actionnaires actuels vont devoir être indemnisés, comme les actionnaires futurs pour la rétrocession dont nul ne sait en plus quels coûts elle pourra représenter dans 70 ans. De deux choses l’une, soit cette opération sera financièrement catastrophique pour l’Etat, soit c’est une concession perpétuelle qui ne dit pas son nom.
Le gouvernement proclame qu’ADP n’est pas un monopole du fait de la concurrence d’autres aéroports internationaux. Mais il se trouve qu’il n’existe quasiment pas de grands aéroports internationaux qui ne soient propriétés d’une collectivité publique et que même les Etats-Unis se sont toujours refusés à franchir ce pas.
Par ailleurs quand bien même ADP intervient dans un contexte concurrentiel cela n’implique aucunement qu’il lui faille être privatisé.
Au contraire, nous devons d’autant plus protéger ces intérêts nationaux qu’ils ont à évoluer dans ce contexte concurrentiel.
Enfin, à l’échelle de notre pays, les plateformes aéroportuaires franciliens sont un monopole de fait avec 62% du trafic passager, 82% du fret, ou encore 85% des liaisons avec l’Amérique du Nord.
ADP tombe sous le coup du point 9 du préambule de la constitution de 1946 du fait de son importance stratégique et du volume de trafic qui en font un service public d’intérêt national.
Comment ne pas choisir ce qui s’est déjà passé devrait nous servir de leçon ?
Nous devrions être instruits de la calamiteuse privatisation des autoroutes qui font perdre des milliards d’euros à l’Etat.
Le gouvernement se prévaut d’une amélioration des conditions de privatisation par rapport à ce qui s’est passé pour les autoroutes. Mais alors que le cahier des charges des concessionnaires d’autoroutes avait laissé la porte ouverte à des renégociations de la part du concessionnaire en cours de concession, cette même faille est présente dans le texte.
Nous devrions être instruits de la calamiteuse privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Projet déjà voulu et organisé par Emmanuel Macron et imposé au parlement par une procédure de 49.3. Même si ce texte rogne des prérogatives du Parlement et donc des Françaises et des Français en ce qu’il prévoit que le cahier des charges, qui dans le cadre de la loi de 2005 est fixé par la loi, sera désormais fixé par décret, donc hors du débat parlementaire et à l’abris du contrôle des citoyens.
Je veux saluer ici le choix du gouvernement et du ministre de ne pas faire planer sur nos débats cette menace. Mais il faut alors aux parlementaires ne pas d’eux-mêmes abdiquer leur droit de vote sur un tel sujet. Nul ne peut aujourd’hui, ici, s’abstenir.
Face à de tels enjeux, face à des décisions qui vont emporter tant de conséquences, des décisions irrémédiables, le doute est toujours possible, mais pas l’irrésolution.
Chers collègues de la majorité,
Pour celles et ceux qui s’appèteraient à suivre le gouvernement malgré leurs doutes, je me permets de vous inviter à ne pas jouer l’avenir de notre pays comme on ferait un pari Pascalien. Et pour celles et ceux qui s’apprêtent, nombreux peut-être, à s’abstenir ou à ne pas venir voter du tout face à trop de doutes, c’est aux préceptes de la morale par provision de Descartes que je me permets de vous référer. Intellectuellement il est toujours possible, voir souvent utile, de douter. Mais pour la conduite des affaires humaines, que nous le voulions ou non, ne pas décider c’est déjà une décision. Aujourd’hui, s’abstenir, concrètement, c’est laisser faire. S’abstenir, c’est voter pour.
Chers collègue, je suis personnellement, vous l’aurez bien compris, avec tous mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, convaincu qu’il faut s’opposer à cette privatisation.
Mais je suis également convaincu que celles et ceux qui doutent très légitimement, doivent traduire leur doute, aujourd’hui, dans ces circonstances, sur un tel sujet, par un vote contre cette privatisation, sauf à faire le choix de participer à son adoption sans oser le dire ou l’assumer.
Le Parlement ne fait pas que parlementer, il lui revient de décider du sort des projets de loi du Gouvernement. Décidez !
Avec la sénatrice Génération·S Sophie Taillé-Polian, nous avons signé une tribune de 250 élu(e)s dans Le Parisien, contre la privatisation d’Aéroport de Paris (ADP). Toute cette semaine, je suis mobilisé pour m’opposer à cette erreur économique et stratégique la semaine prochaine dans l’hémicycle lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi PACTE !
Le texte de la tribune. Monsieur le Président, nous, députés, sénateurs, élus régionaux, départementaux, maires et conseillers municipaux vous demandons solennellement de renoncer à privatiser les Aéroports de Paris.
Aucun des arguments produits depuis des semaines par votre gouvernement n’aura été suffisamment fort pour nous convaincre du bien fondé de cette privatisation. Elle est un non sens économique autant qu’une erreur stratégique, vous devez y renoncer.
Aéroport de Paris (ADP), est en plein développement, premier exploitant mondial d’aéroports, l’entreprise accueillera près de 120 millions de visiteurs à l’horizon 2022 en France, le cours de son action a crû 160% en cinq ans, son taux de 7 % de profit lui permet de générer pour l’Etat 175 millions de dividendes, en constante progression. Des dividendes qui pourraient être consacrés au financement de l’innovation mais qui iront dans les poches d’investisseurs privés.
Le montage financier que votre gouvernement envisage, lui-même, confine à l’absurde : l’Etat indemnisera les actionnaires minoritaires en début de concession pour plusieurs centaines de millions d’euros et devra racheter les actifs d’ADP en fin de concession pour plusieurs milliards ! Tout indique, malgré vos dénégations, que la concession envisagée pour 70 ans sera en vérité perpétuelle, sous peine d’une opération financière catastrophique pour les contribuables Français.
ADP pourtant n’est pas une entreprise comme les autres. C’est un service public d’intérêt national, un monopole naturel, une frontière extérieure stratégique, un outil de souveraineté, un fleuron du patrimoine national, un leader mondial.
ADP est aménageur, exploitant et développeur ; cette société dispose de 6680 ha de terrains, sans équivalent en Europe. C’est une entreprise placée au cœur des intérêts stratégiques de la France, au centre des projets d’aménagement de la région francilienne, CDG Express, la ligne 17 du métro du Grand Paris, Coeur d’Orly et ses 15 hectares de quartier d’affaires avec sa plate-forme multimodale.
Demain, la régulation a minima du service public aéroportuaire, ne permettra plus à l’Etat de jouer son rôle et de peser sur la stratégie de l’entreprise, qui pourrait bien, dès lors, se tourner vers des investissements plus rémunérateurs dans le commerce ou dans l’immobilier, réduire son implication dans les projets d’intérêt général et se tourner vers l’international… et que dire du risque d’atteindre aux intérêts stratégiques d’Air France dont Roissy est le hub européen ? Ou encore de la pérennité des dessertes depuis Paris des aéroports de province ? À Londres, privatisé, l’aéroport d’Heathrow a sacrifié les liaisons locales…
Ces arguments sont d’autant mieux connus que nous étions instruits de la privatisation des autoroutes et de ses conséquences pour notre pays : des milliards perdus pour les contribuables français, augmentations tarifaires, sous-investissement.
Les enjeux sont considérables.
Voilà pourquoi, il n’est quasiment pas de grands aéroports internationaux qui ne soient propriétés d’une collectivité publique.
Voilà pourquoi, Monsieur le Président, vous ne pouvez engager l’intérêt supérieur de la nation dans ce projet aventureux.
Voilà pourquoi, il vous faut renoncer à la privatisation des Aéroports de Paris.
Si vous deviez encore hésiter, soumettez alors la question au grand débat national.
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