Interpol, organisme international a notamment pour missions la recherche de la justice et la contribution à la paix mondiale.
Ahmed Naser Al-Raisi inspecteur général du ministère de l’Intérieur élu à la tête d’Interpol jeudi 25 novembre pour quatre ans avec 69% des voix est au cœur d’accusations de torture commises par l’appareil de sécurité de l’État aux Émirats Arabes Unis dont il assure en personne la supervision.
Parmi les victimes de ces actes inqualifiables : Ali Issa Ahmad, victime de sévices lors de sa détention pour le port d’un maillot du Qatar lors d’un match de football, ou encore l’universitaire Matthew Hedges, détenu 7 mois dans l’Émirat et qui a aussi subi des atteintes à son intégrité physique et à sa dignité.
Rappelons aussi que l’ONG Gulf Center for Human Rights a déposé plainte auprès de la justice française contre Ahmed Naser Al-Raisi pour les motifs « d’actes d’inhumanité et de torture » en raison de l’emprisonnement du militant des droits de l’Homme Ahmed Mansour.
Les accusations sont sérieuses et documentées. Les statuts de d’Interpol impliquent de « s’opposer aux arrestations et détentions arbitraires et de condamner la torture »…
Il est scandaleux qu’une personne liée à des actes d’une telle gravité se retrouve à la tête d’une institution au rôle primordial, . dont les Emirats sont le deuxième contributeur… financier (50 millions d’euros en 2017).
Peut-on comme les Emirats Arabes Unis tout acheter, y compris les valeurs universelles au mépris des Droits de l’Homme, au motif de pouvoir dépenser sans compter ?
En juillet dernier, avec Hubert Julien-Laferrière et 35 collègues parlementaires, nous avions adresser à Emmanuel Macron un courrier afin que notre pays s’oppose et propose une alternative à la candidature du responsable du calvaire d’Ahmed Mansour à la tête de l’institution Interpol basée à Lyon.
Dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions phare de la gouvernance mondiale qui fragilise la démocratie, il est en effet particulièrement malvenu que cet homme contre qui planent de très lourdes accusations prenne la direction d’une organisation internationale dont la mission est de défendre l’Etat de droit et le respect des libertés fondamentales.
L’avocat William Bourdon, mandaté par l’ONG Gulf Center for Human Watch, a d’ailleurs déposé une plainte auprès des juridictions parisiennes contre le général Al Raisi pour des accusations de torture infligées à Ahmed Mansour.
Un autre cas emblématique est celui de Matthew Hedges : en 2018, ce doctorant avait été arrêté à l’aéroport de Dubaï, suspecté par la pétromonarchie d’espionnage au profit de la Grande-Bretagne.
Placé à l’isolement, interrogé quinze heures par jour, torturé, il avait été contraint de signer une déclaration en arabe, langue qu’il ne parlait ni ne lisait. Condamné à la prison à vie, il a été gracié après l’intervention diplomatique de Londres.
Les violations des droits de l’Homme dans les prisons des sept émirats sont largement documentées, depuis des années.
« Al Raisi a été accusé à plusieurs reprises d’avoir directement supervisé ou d’être responsable de détentions illégales et arbitraires, de torture, de persécution de critiques pacifiques, disparition d’avocats, de journalistes et d’activistes », relève l’avocate américaine Michelle Estung, spécialisée des contentieux liés à l’action d’Interpol.
« Parmi les méthodes utilisées par les fonctionnaires de police, figurent la privation de sommeil, le refus de traitement médical, les menaces verbales, les agressions sexuelles, l’arrachage des ongles, la torture à mort, les coups violents portés avec les mains ou des cannes, en particulier sur le visage, la tête et les yeux, les chocs électriques, la pendaison par les mains, l’arrachage des cheveux, le placement du détenu dans un cercueil pendant de nombreuses heures, la menace d’utiliser la chaise électrique, la privation de sommeil et les interrogatoires à des heures tardives, l’abandon des détenus au soleil pendant de longues périodes », détaillaient il y a quelques jours le Gulf Center for Human Rights (GCHR), la Ligue Française des droits de l’Homme et la Fédération internationale pour les droits humains dans une lettre ouverte.
Notre courrier au président de la République du 5 juillet 2021 :
« Monsieur le président de la République,
Au mois de février dernier, nous vous avions interpellé sur les conditions dramatiques dans lesquelles M. Ahmed Mansour, infatigable militant des libertés, était emprisonné pour le seul motif d’avoir exercé ses droits fondamentaux d’opinion et d’expression.
À l’époque, l’ONG Human Rights Watch venait de publier un rapport alarmant sur la persécution de cet intellectuel laïque et libéral, lauréat en 2015 du prestigieux Prix Martin ENNALS considéré comme le Nobel des droits de l’homme.
Embastillé depuis mars 2017 dans une prison d’Abou Dhabi, il est le symbole de la lutte pour la défense des libertés publiques dans son pays et plus largement dans le monde arabe.
Après plusieurs grèves de la faim, son état physique et mental s’est gravement détérioré. Dans un contexte sanitaire où la crise de la Covid 19 a accentué son isolement, sa situation est désormais jugée très préoccupante.
Le calvaire de celui qui est considéré comme le prisonnier d’opinion le plus célèbre des Émirats arabes unis suscite désormais une vague d’indignation mondiale.
Dès octobre 2018, le Parlement européen avait exigé sa libération immédiate. Il y a quelques mois, nous étions 57 parlementaires de toutes tendances politiques confondues à vous écrire pour que vous puissiez, dans le sillage de vos engagements en faveur de l’opposant Alexeï Navalny en Russie ou de la féministe Loujayne al- Hathloul en Arabie Saoudite, plaider son cas auprès de votre homologue émirien.
Ces dernières semaines, plusieurs ONG ont une nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme pour que ses souffrances ne soient plus reléguées aux oubliettes. Malgré toutes ces mobilisations, sa situation semble figée, le régime d’Abou Dhabi s’enfermant dans une spirale autoritaire que peine à cacher un marketing publicitaire trompeur.
C’est fort de ce triste constat que nous souhaitons attirer votre attention sur la probabilité de voir l’une des plus grandes institutions internationales tomber sous l’influence d’un homme dont le lourd passif devrait l’éloigner d’une telle responsabilité.
En effet l’agence Interpol, qui a son siège en France et dont le rôle, plus que jamais essentiel, est de coordonner les efforts des polices du globe pour garantir un monde plus sûr, est en passe d’élire le candidat Ahmed Nasser Al-Raisi à sa tête.
Or, ce dignitaire qui fait partie de la haute hiérarchie sécuritaire des Emirats arabes unis n’est pas étranger aux supplices que subissent les militants épris de justice et de liberté sur le sol émirien.
En tant qu’Inspecteur général du ministère de l’Intérieur dont il occupe le poste depuis 2015, il est en effet directement responsable des agissements des services de police qui sévissent dans son pays dans la plus grande impunité.
À ce titre, plusieurs rapports internationaux accréditent l’idée selon laquelle son rôle a été central dans la détention arbitraire et les abus subis par nombre de militants des droits humains.
C’est d’ailleurs sur la base de ce statut et de sa place éminente dans les rouages de l’arsenal répressif de l’Etat émirien qu’une plainte a été déposée contre lui auprès des juridictions parisiennes compétentes.
Sur le principe de la compétence universelle, ce recours devant les tribunaux vise à traduire en justice un homme pour le crime de torture infligé à Ahmed Mansour dont le cauchemar dure depuis plus de cinq ans.
Parlementaires, nous estimons qu’Interpol, dont la vocation est de contribuer à garantir les droits expressément stipulés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ne devrait pas être dirigée par un major-général sur lequel planent de telles accusations.
Dans un contexte général de défiance des institutions mondiales, cette prestigieuse institution doit être dirigée par des responsables dont la probité ne souffre d’aucune critique.
C’est pourquoi, M. le président de la République, nous comptons sur vous pour que la France s’oppose à la candidature du général Ahmed Nasser Al Raisi et participe de la recherche d’une alternative sérieuse prompte à donner à Interpol la capacité de poursuivre son action à travers le monde.
Nous vous prions de croire, M. le président de la République, en l’assurance de nos sentiments les plus respectueux. »
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“c’est celui qui paie l’orchestre qui choisit la musique”, non ?
et si les pays dits civilisés augmentaient leurs contributions ?