J’ai co-signé une tribune parue le lundi 30 mai dans le Monde avec le sénateur Jean-Jacques Lozach pour alerter sur la différence entre le Pass culture et le Coupon Sport.
Retrouvez ci-dessous le contenu de la tribune :
L’annonce de la généralisation d’un Pass’Culture de 300€ à disposition pour les 800 000 jeunes de 18 ans sans conditions de ressources dès le 21 mai et son extension au collégien dès la 4ème jusqu’en terminale -pour 200€- en janvier… 2022 est une bonne nouvelle, avec les ajustements opérés suite à l’évaluation du dispositif dans les quatorze expérimentations départementales depuis deux ans.
Son coût financier sera d’environ 300 millions d’euros en 2022. Places de cinéma, concerts, spectacles, expositions mais aussi livres, jeux vidéo ou même abonnements de presse en ligne, le spectre de l’offre est très large.
Ce soutien aux artistes et dans l’accompagnement à l’accès à la culture nous parait un bon investissement de la Nation et de sa jeunesse au moment où les acteurs culturels ont besoin de toutes les aides possibles pour la reprise de leurs activités.
Mais alors comment justifier « qu’en même temps », un effort similaire de soutien financier et politique ne soit pas consenti pour le… sport, comment justifier une telle différence de traitement ?
Le « coupon-sport », dispositif financier d’aide à la reprise d’une licence et/ ou d’une cotisation en club, abusivement appelé « Pass’sport » d’un montant de 50 euros -contre 300 euros sur deux ans pour le Pass’Culture- ne s’adresse qu’aux 6-18 ans, il ne sera pas universel, mais bien soumis à conditions de ressources : il faudra que les familles bénéficient de l’Allocation de Rentrée Scolaire (ARS), soit un total de 5,4 millions de jeunes potentiellement éligibles.
C’est toujours mieux que le dispositif initialement envisagé pour les 6-16 ans avec un quotient familial de 600€ qui aurait exclu un grand nombre de familles modestes.
Mais le problème est il y a bien deux poids deux mesures entre les sommes consacrées au Pass’Culture et au coupon-sport.
L’enveloppe budgétaire annoncée en novembre dernier par le chef de l’Etat -et toujours pas votée par le Parlement- est de seulement 100 millions d’euros et n’a jamais évoluée malgré nos demandes répétées, soit un maximum de 2 millions de jeunes bénéficiaires réellement concernés.
Bercy anticipe en fait un « échec » du dispositif en avançant un taux de recours faible au « Pass’sport » de l’ordre de 30 à 35% avec une consommation des crédits à minima, d’où ce côté « usine à gaz » qui peut s’avérer dissuasif.
Deux poids, deux mesures également dans les modalités pratiques : d’un côté une application smartphone géolocalisée, à priori simple d’utilisation, pour le Pass’Culture et de l’autre côté un coupon-sport sous forme de courrier papier adressé par la CAF aux familles concernées à partir du 13 juillet, ce qui est très tard par rapport au calendrier de reprise des licences en club avec des pré-inscription qui ont souvent lieu avant l’été…
Le 13 mai 2019, nous lancions publiquement l’idée d’un Pass Sport, inspiré du Pass’Culture, un dispositif axé sur les 14-20 ans et bâti pour encourager l’accès au sport des publics défavorisés, lutter plus efficacement contre le décrochage sportif et parer à la sédentarité croissante de nos jeunes.
Nous développions alors la notion de « pandémie » de la sédentarité.
Cet outil, construit sur une aide financière ambitieuse sur la base d’un crédit de 300 euros par jeune pour un budget initial de 400 millions d’euros apporterait à la fois une aide à la prise de licence, à l’achat de matériel et viserait également à dynamiser le développement de la pratique sportive.
Dans cette optique, le Pass’Sport serait conçu comme un outil de santé publique et hissé dans le cadre de la préparation aux JOP de 2024, en véritable objectif national alors que nos clubs ont connu cette année une baisse de 30% de leurs licenciés, soit 4 millions de pratiquants de moins…
Cette ambition, le Président de la République l’a rabotée en retenant une acception minimaliste du Pass’Sport susceptible de créer de fortes frustrations.
Le dispositif envisagé est clairement sous-dimensionné.
Le public des étudiants de 18-20 ans qui après plus d’un an de crise sanitaire se trouvent pourtant dans une situation de grande fragilité sur le plan physique, de forte précarité financière, de détresse psychique et mentale est complètement ignoré.
De plus, les associations sportives du sport scolaire (UNSS, USEP, UGSEL) qui ont elles perdu 40% de leurs adhérents cette année ne seront pas concernées.
Par ailleurs, le Pass’sport sera versé aux clubs qui se seront déclarés volontaires et qui auront accordé une réduction de 50 euros sur le coût annuel (licence et/ou adhésion) aux jeunes concernés par le dispositif. Les clubs vont donc devoir faire en partie l’avance de trésorerie…
Enfin, le partenariat envisagé avec les collectivités territoriales volontaires constitue un véritable enjeu pour la réussite du dispositif.
Nous souhaitons être rapidement rassurés sur la volonté et la capacité du Gouvernement à prendre ses responsabilités et à assumer l’ambition affichée par une procédure lisible et facilement accessible. Il est encore temps de rectifier le tir et de se donner les moyens d’un Pass’sport ambitieux !
Régis Juanico, député Génération.s de la Loire
Jean-Jacques Lozach, sénateur PS de la Creuse
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