La majorité En Marche a dit « niet », en commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, mercredi 10 février, à la création d’un fonds d’indemnisation des victimes du Covid-19… Elle s’apprête à faire de même jeudi prochain 18 février à l’occasion de l’examen de la proposition de loi que nous présentions avec Christian HUTIN en séance publique…
Les victimes s’en souviendront !
Cette proposition de loi vise à créer un fonds d’indemnisation pour les malades les plus graves, avec des séquelles temporaires ou définitives, des symptômes persistants ou les personnes décédées les plus graves de la Covid-19 (séquelles temporaires et définitives, symptômes persistants, ayant-droits des personnes décédées) était examinée en Commission Sociale.
Retrouvez la vidéo de l’examen de la proposition de loi sur le site de l’Assemblée nationale.
Le texte de la proposition de loi visant à créer un fonds d’indemnisation pour les victimes de la Covid-19 :
Le détail de mon intervention :
Madame la Présidente,
Mes chers collègues,
Je souhaiterais commencer cette intervention en vous livrant le témoignage de Pauline Oustric, jeune chercheuse en comportement alimentaire et présidente de l’association #Après J-20, rassemblant de nombreuses personnes atteintes de formes longues de la covid-19 et qui a accepté de nous parler de son expérience et des principaux symptômes de cette pathologie.
« Je ne peux plus vivre une journée normalement. […] On m’a diagnostiquée il y a quelques mois, une dysautonomie, une dérégulation du système nerveux. J’ai encore des problèmes pour digérer, des malaises post-effort, de la tachycardie au repos, ce qui est quand même préoccupant, à 27 ans. Ces symptômes durent depuis dix mois, car j’ai contracté la covid-19 fin mars, sans besoin d’hospitalisation. Je ne peux plus aujourd’hui vivre comme avant, où je travaille et fais des choses normales à la maison. C’est une autre vie. »
La vie de Pauline, comme celle de tant d’autres, a ainsi été chamboulée depuis qu’elle souffre d’une forme de Covid-long, pathologie reconnue en août par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) -qui y consacrait un séminaire hier- et caractérisée par des symptômes persistants de la covid-19 plusieurs semaines voire plusieurs mois après la contraction de la maladie.
Parmi les si nombreuses victimes de la Covid-19 : celles qui ont été hospitalisées, celles pour qui il a été nécessaire de recourir à des soins de réanimation et celles qui sont malheureusement décédées des suites de la maladie, s’ajoutent d’autres victimes, moins connues et pas toujours identifiées, pour lesquelles pourtant le quotidien a été pourtant bouleversé depuis l’infection au virus du covid-19.
Les séquelles de la Covid-19, polymorphes et marquées par différents degrés de gravité, relèvent de 3 catégories principales qu’il s’agit ici de rappeler.
De nombreux patients, dont l’état a nécessité des soins à l’hôpital et souvent en services de réanimation, sont d’abord atteints de séquelles importantes résultant des formes graves de la maladie et du mode de prise en charge particulièrement lourd associé.
Les personnes concernées souffrent le plus couramment de séquelles lourdes, notamment respiratoires et cardiaques comme les fibroses pulmonaires, d’insuffisances rénales aiguës, de troubles musculo-squelettiques très invalidants et d’atteintes au système nerveux central.
Un deuxième type de séquelles de la Covid-19 touche des personnes ayant contracté des formes relativement légères, sans besoin d’hospitalisation.
Ces personnes -le plus souvent des femmes et de nombreux jeunes- souffrent d’un covid-long, évoqué à l’instant, caractérisé par des symptômes lancinants et persistants, particulièrement invalidants au premier rang desquels figurent ce qui nous est décrit comme un un épuisement « terrassant » : un essoufflement rapide, une fatigue chronique et une désadaptation à l’effort, des troubles cognitifs, une anosmie et une agueusie.
De nombreux spécialistes évoquent enfin des séquelles psychiatriques de la Covid-19 particulièrement alarmantes chez de nombreux patients : anxiété, insomnie, dépression, syndrome post-traumatique et symptômes obsessionnels.
Le lien entre maladie infectieuse, inflammation et déclenchement de troubles psychiatriques a en effet été de longue date démontré. Selon le Professeur Marion Leboyer « les conséquences psychiatriques de la Covid-19 sont devant nous. »
S’il est encore tôt pour dire avec précision combien de personnes souffrent de ces séquelles pluriformes de la Covid-19, il est établi qu’elles concernent aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de victimes.
Ces victimes, se sont d’abord nos soignants, qui ont fait et font toujours l’admiration de tous par leur courage et leur mobilisation sans faille dans la lutte contre l’épidémie.
Mais ce sont aussi tous ces travailleurs de première ligne qui ont assuré la continuité de la nation au péril de leur santé et parfois de leur vie, tout au long de la crise sanitaire.
Ce sont enfin toutes ces personnes, que nous appelons victimes environnementales ou collatérales, qui ont été contaminées par leurs proches, qui avaient eux-mêmes souvent contracté la maladie dans l’exercice de leur profession.
Ces personnes, nous les avons applaudies tous les soirs pendant de longues semaines, pour témoigner notre reconnaissance. La nation toute entière a reconnu leur courage et leur dévouement, nous leur avons promis notre gratitude et notre soutien.
Et pourtant, ces engagements n’ont pas été tenus par le gouvernement. Le dispositif de réparation des préjudices subis par les victimes de la Covid-19 prévu par le décret du 14 septembre 2020 est très loin d’être à la hauteur des enjeux. Particulièrement insuffisant, il fait l’objet d’un rejet unanime de la part des associations de victimes et de l’ensemble des organisations syndicales salariées.
Pour les soignants, d’abord, contrairement à ce qui avait été annoncé à de multiples reprises par le Gouvernement, y compris dans cette assemblée, la reconnaissance de la Covid-19 au titre de la maladie professionnelle n’est ni automatique, ni systématique.
Pour recevoir une indemnisation, les soignants et assimilés doivent en effet être atteints d’affections respiratoires aigües et avoir eu recours à une oxygénothérapie, critères particulièrement restrictifs et peu pertinents, dans la mesure où comme on l’a vu, les séquelles cardiaques, neurologiques ou cérébrales de la covid-19 touchent de nombreux patients atteints au départ de formes peu graves de la maladie.
Pour les autres travailleurs et les personnes dont la pathologie ne correspond pas aux critères très strictes à l’instant énoncés, la reconnaissance de la Covid-19 en maladie professionnelle relève d’un véritable parcours du combattant.
Début février, les organisations syndicales faisaient état de seulement 200 reconnaissances au titre du nouveau tableau 100 des maladies professionnelles et de la procédure complémentaire…
Ces victimes sont en effet tenues de prouver l’existence d’un lien direct et essentiel entre leur travail et la contamination par le virus, lien particulièrement difficile à établir dans le cadre d’une épidémie comme celle que nous connaissons.
L’existence d’un système « à deux vitesses », fait par ailleurs l’objet d’une vive incompréhension de la part des victimes. Il témoigne d’une forme de mépris face à l’engagement de nombreux travailleurs : ces aides à domiciles, hôtesses de caisse, agents des forces de l’ordre et de sécurité, pompiers, enseignants, agents de propreté, commerçants et tant d’autres eux aussi monté au front en pleine crise sanitaire.
Alors qu’ils souffrent souvent des mêmes séquelles, comment expliquer en effet, qu’ils ne soient pas placés sur un pied d’égalité avec les soignants et assimilés ?
Centré uniquement autour de la reconnaissance en maladie professionnelle, le dispositif d’indemnisation existant laisse en outre de nombreuses victimes de côté : qu’il s’agisse des travailleurs indépendants dont une très faible minorité seulement est assurée contre le risque AT-MP ou des victimes environnementales si nombreuses, qui ont été contaminées hors du cadre professionnel.
Il laisse de côté les bénévoles, venus prêter main forte dans les associations de solidarité, les retraités -90% des personnes décédées ont plus de 65 ans-, les résidents en EPHAD qui ont payé le plus fort tribu à la crise (30 000 décès sur les 80 000 à ce jour) et les proches des personnes décédées.
L’indemnisation proposée aujourd’hui est enfin largement insuffisante : uniquement forfaitaire, elle ne prend pas en compte les nombreux préjudices, physiques, économiques et moraux dont souffrent les victimes.
Mes chers collègues, nous devons agir face à la détresse de ces nombreuses personnes qui nous appellent au delà des discours à passer aux actes. La réparation des nombreux préjudices subis par ces victimes est un devoir, et ce, à plusieurs titres.
La responsabilité de l’Etat dans la situation de ces victimes est d’abord indéniable. Qu’il s’agisse de la question des masques, des lourdeurs dans le déploiement d’une véritable stratégie de dépistage ou du retard important dans la prise de mesures protectrices à l’égard de nos ainés dans les EHPAD, la réponse à la crise sanitaire par les pouvoirs publics s’est caractérisée par ses nombreux errements et n’est pas étrangère à la propagation rapide et massive de l’épidémie.
Notre but n’est pourtant pas ici d’établir une liste exhaustive de l’ensemble des manquements constatés dans la gestion de la crise sanitaire, les commissions d’enquête parlementaire s’en sont chargées et ce travail est loin d’être achevé.
Au-delà de la recherche des responsabilités, la mise en place d’un système ambitieux d’indemnisation des victimes de la Covid-19 relève avant tout de la solidarité nationale.
Il s’agit d’abord de reconnaître l’engagement de tous ceux qui ont pris de nombreux risques pour assurer la prise en charge des malades et assurer la continuité de la nation.
Il s’agit aussi de prendre en compte la souffrance insupportable vécue par ces victimes, nombreuses à dépendre aujourd’hui de leurs proches pour l’ensemble des gestes du quotidien.
Au-delà de la douleur physique, s’ajoute souvent pour ces personnes, une difficulté à faire reconnaître leur pathologie, dont les formes demeurent encore peu connues.
La fatigue physique et intellectuelle intense, caractéristique de cette pathologie, les empêche bien souvent de poursuivre leur travail et constitue pour un grand nombre d’entre elles un risque majeur de désinsertion professionnelle, voire de désocialisation.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons avec Christian HUTIN et les membres du groupe Socialistes et Apparentés, la création d’un fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19, outil aux objectifs ambitieux et aux nombreux bénéfices.
Prenant en compte les laissés pour compte du dispositif existant, ce fonds a pour vocation d’offrir une réparation des préjudices subis par toutes les victimes présentant des séquelles temporaires ou définitives de la Covid-19, qu’il s’agisse des personnes touchées par des séquelles lourdes résultant de formes graves de la maladie, mais aussi de toutes celles atteintes des symptômes persistants caractéristiques du Covid-long.
La réparation que nous envisageons s’adresse aussi aux ayant-droits des personnes qui sont malheureusement décédées des suites de la maladie. Nous ne les avons pas oubliées. Nous proposons la mise en place d’une réparation intégrale, visant à permettre à la victime de vivre dans des conditions aussi proches que possibles de la situation préalable à la maladie.
Le fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19 s’inspire du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), dont le modèle est aujourd’hui largement éprouvé. La création d’un tel fonds présente de nombreux avantages :
La mise en place d’un tel fonds permettrait de limiter considérablement le risque de contentieux, qui ajoute inquiétude et incertitudes à des victimes déjà fortement éprouvées par leur maladie. Le dispositif du fonds est par ailleurs particulièrement protecteur. Dès lors que la victime fait état d’un dommage pris en compte par le fonds, elle peut obtenir une indemnisation, sans qu’il soit nécessaire pour elle de prouver une faute.
L’intérêt de la mise en place d’un fonds d’indemnisation réside aussi dans la rapidité et la simplicité de la procédure d’indemnisation. Le fonds assure en effet une indemnisation à titre principal, sans que la victime n’est à faire valoir son droit d’indemnisation par une action en responsabilité individuelle. Le fonds est par ailleurs tenu de présenter une proposition de réparation dans les 6 mois suivant la réception de la demande.
Le mode de financement du fonds que nous proposons nous parait enfin particulièrement équilibré : principalement fondé sur une contribution de l’Etat et de la branche AT-MP, il fait participer les employeurs et l’Etat, qui agissent au nom de leurs responsabilités respectives et de la solidarité nationale.
Voilà mes chers collègues, les principales modalités du fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19 que nous appelons de nos vœux. Le principe de la création de ce fonds d’indemnisation recueille le soutien et suscite une grande attente de la part des organisations syndicales salariées et des associations de victimes que nous avons entendues. Il est soutenu également par l’Académie Nationale de Médecine.
Ne restons pas dans les incantations et agissons vite pour ces victimes qui comptent plus que jamais sur notre soutien et notre mobilisation.
Je vous remercie.
Mon intervention sur Activ radio, le 18 février 2021 :
Mon intervention sur Radio scoop, diffusée le 18 février 2021 :
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