Avec ma collègue Députée Marie-Georges BUFFET, nous avons dénoncé la mise sous tutelle au sein de l’éducation nationale du Ministère des Sports dans une Tribune parue ce dimanche dans Le Monde.
Le Texte de la tribune :
A quatre ans desJeux olympiques et paralympiques de Paris, la relégation d’un ministère des sports de plein exercice à un ministère délégué sous l’autorité du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse n’est pas un bon signal politique.
La mise sous tutelle au sein de l’éducation nationale est révélatrice de la place – mineure – du sport dans notre pays.
Le budget de la culture dépasse les 10 milliards d’euros et celui de l’éducation nationale les 73 milliards d’euros, pensions comprises, avec plus d’un million de fonctionnaires. Les moyens financiers alloués au sport, 750 millions d’euros de crédits budgétaires, taxes affectées et masse salariale, soit 0,3 % du budget de la nation – une « goutte d’eau » –, ont encore diminué ces trois dernières années de 50 millions d’euros.
Le sport amateur, soit 90 % des associations sportives qui ne sont pas employeuses, est le seul secteur d’activité majeur, avec ses 3 millions de bénévoles engagés dans 350 000 clubs, à ne pas bénéficier de plan de relance spécifique après la crise sanitaire, hormis un fonds de solidarité territoriale au sein de l’Agence nationale du sport de seulement 15 millions d’euros, financé par redéploiement.
Cette absence de soutien à la « dépense sportive » traduit une sous-estimation des effets de la crise sanitaire sur l’écosystème sportif par le gouvernement, alors que tous les élus de terrain peuvent constater que des milliers de structures associatives sont aujourd’hui menacées à la rentrée, craignant à la fois une perte de leurs licenciés et pour la pérennité de leurs activités, après une longue coupure de presque six mois !
Alors que l’essentiel des ressources financières est concentré aujourd’hui dans les mains de l’Agence nationale du sport, avec un budget de près de 300 millions d’euros, le ministère des sports ne représente plus que 120 millions d’euros, en étant recentré sur les fonctions régaliennes de contrôle, d’expertise, d’évaluation, de formation, de sécurité, d’intégrité et de protection de la santé des sportifs, et de relations internationales.
En ce qui concerne les effectifs, l’administration des sports ne compte plus que 120 agents au niveau central, 1 500 conseillers techniques et sportifs (CTS) et environ 1 500 agents dans les services déconcentrés de l’Etat. Ces agents de l’Etat ont fait preuve d’une capacité d’adaptation pendant la crise sanitaire qui fait honneur au service public. Cette crise a démontré la nécessité d’un Etat fort dans le domaine du sport. L’absorption de l’administration des sports par celle de l’éducation nationale a déjà été bien engagée depuis trois ans.
A partir du 1er janvier 2021, les agents des directions départementales et régionales seront intégrés par les services de l’éducation nationale au sein des directions régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (Drajes), avec pour mission principale les « politiques jeunesse » et la mise en place du… service national universel (SNU) !
L’administration des sports va non seulement perdre en agilité à déployer des politiques publiques partout sur le territoire, mais elle verra sa spécificité sportive progressivement diluée, alors que de nouvelles missions doivent être confiées aux agents de l’Etat, par exemple, la généralisation du contrôle d’honorabilité des bénévoles dans les clubs sportifs…
Loin de l’objectif fixé par le candidat Emmanuel Macron de 3 millions de pratiquants supplémentaires d’ici à 2022, alors qu’une grande loi « sport et société » n’est toujours pas votée, ce déclassement du ministère des sports signe une forme d’abdication à obtenir de Bercy plus de crédits pour le sport dans notre pays.
En 2019, nous disions que la création d’une Agence nationale du sport aux pouvoirs élargis (sport de haut niveau, développement des pratiques, signature des conventions d’objectifs avec les fédérations sportives) posait inévitablement la question de l’avenir du ministère des sports. Les activités physiques et sportives (éducation physique et sportive [EPS], sport scolaire, activités périscolaires…) à l’école n’ont d’ailleurs jamais été une priorité du ministre Jean-Michel Blanquer depuis trois ans. Pourtant, des objectifs ambitieux auraient pu être fixés, comme l’obtention de l’attestation de savoir nager pour 100 % d’une classe d’âge entrant en 6e, tout comme le « savoir rouler », désormais inscrit dans la loi d’orientation des mobilités…
Certes, plus de 2 000 établissements scolaires ont été labellisés Génération 2024, un plan « aisance aquatique » dès 4 ans a bien été lancé, mais le bilan reste faible : une augmentation du nombre de sections sportives scolaires loin des 1 000 créations d’ici aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP) annoncées en 2018, une expérimentation des emplois du temps aménagés « cours le matin, sport l’après-midi » encore marginale, avec 10 000 élèves sur 12 millions, et un résultat très modeste du dispositif 2S2C (sport, santé, culture, civisme) sur le terrain, avec 2,5 % des élèves du 1er degré concernés…
Les politiques publiques sportives ne se résument pas à la question éducative, elles concernent le « sport santé bien-être », la politique de la ville et des quartiers, mais aussi la ruralité, avec les sports de nature, le sport en entreprise et dans l’administration publique, l’inclusion des publics les plus éloignés de la pratique sportive, le « sport handicap »… Cette politique publique sportive est fondamentalement interministérielle et devrait en toute logique être impulsée, financée et coordonnée au sein des programmes copilotés par le ministère des sports et l’Agence nationale du sport et pas seulement par l’éducation nationale.
Marie-George Buffet est députée PCF de Seine-Saint-Denis, ancienne ministre des sports (1997-2002)
Régis Juanico est député Génération.s de la Loire, coresponsable du groupe de travail sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 à l’Assemblée nationale.
Outre la faiblesse des moyens financiers ou encore l’absence de plan de soutien au sport amateur, Marie-George Buffet, ex-ministre des sports, et Régis Juanico dénoncent Lire la suite
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