En première ligne dans la crise du coronavirus, les soignants se mobilisent ce mardi à l’occasion de 200 rassemblements partout en France -à Saint-Etienne rendez-vous devant l’hôpital Nord à 13h- pour réclamer, une fois de plus, de meilleures conditions de travail et des moyens pour l’hôpital.
Les soignants réclament notamment une “revalorisation générale des salaires”, un “plan de recrutement” et “l’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits”.
Le “Ségur de la santé” patine, la question des effectifs hospitaliers est pour l’instant la grande oubliée des concertations, alors que les soignants ne cessent de réclamer un “plan massif de recrutement”, centré notamment sur les infirmiers et sur les aides-soignants, afin de soulager des équipes médicales “débordées”.
Les personnels soignants soulignent qu’aucun chiffre n’a à ce stade été mis sur la table, notamment pour les hausses de salaires. “
Par ailleurs, la semaine dernière, infirmiers et kinésithérapeutes se sont dit surpris d’être “absents des concertations” lancées par l’exécutif et ont demandé “une intégration immédiate de sept représentants” à ces travaux.
Ma contribution à la concertation du Ségur de la santé en tant que député avec le concours de Corinne Acheriaux, Romain Guerry et du groupe de travail santé de Génération.s :
Une métamorphose est nécessaire pour rendre aux citoyens et aux professionnels le pouvoir de décider
L’hôpital public, ce mal-aimé devenu lieu emblématique de la lutte entre le vie et la mort, est au cœur de l’actualité depuis des semaines : mais cet hôpital n’est pas ce plateau technique inhumain que les gestionnaires voudraient parfois qu’il soit. Il est le lieu où l’on naît, où l’on accouche, où l’on guérit, où l’on meurt. Il est un lieu humain, vivant.
Il n’est pas opposé au système de Santé en dehors de lui. Il a besoin, depuis longtemps et urgemment, d’être réanimé à son tour sous peine de voir survenir des drames humains qui n’épargneront personne.
Novembre 2015, juin 2016 : la ministre des affaires sociales et de la santé charge Olivier Véran, député, de proposer une évolution des modalités de financement des établissements de santé afin de rendre ce financement plus proche des activités des professionnels de santé, plus adapté aux prises en charge des patients à l’heure des maladies chroniques, et moins centré sur les structures existantes.
Le rapport, publié début 2017, analyse les points forts et points faibles de la T2A (tarification à l’activité) implantée depuis 2004 comme principal mode de financement des établissements MCO.
Olivier Véran y écrit : « Il importe de réaffirmer que s’il est légitime de veiller à l’efficience dans l’utilisation des ressources allouées aux établissements de santé, il n’est pas question de considérer que les dépenses de soins ou les établissements de santé ont vocation à être rentables.
Les dépenses de santé ne sont pas et n’ont pas à être rentables, elles ne se justifient que parce qu’elles permettent de gagner des années de vie, de réduire des incapacités, de soulager des souffrances. ».
Il ajoute qu’il est nécessaire que « les parlementaires lorsqu’ils votent l’ONDAM soient informés des conséquences de leurs décisions non seulement en termes économiques et financiers mais aussi en termes de qualité? des soins ».
Devenu parlementaire de la majorité LREM, rien n’empêchera pourtant Olivier Véran de voter, « en conscience » donc, la non-revalorisation à hauteur des besoins de l’ONDAM dans le PLFSS de 2018, 2019 et 2020 : l’augmentation du coût des soins étant annuellement situé autour de 4 à 4,5%, l’amputation de moyens reste constante avec un vote à 2,2 %, 2,3% puis 2,5%, ce qui représente encore 4,05, 4,17 et 3,83 milliards d’euros d’économies.
Soit près de 12 milliards d’économies en 3 années, dont 1,2 milliard d’euros sur la masse salariale hospitalière.
En avril 2019, 4 services d’urgence des hôpitaux parisiens (La Pitié-Salpêtrière, Lariboisière, Tenon et Saint-Louis) amorcent un appel au secours qui ne cessera de grandir jusqu’à devenir national, éclaboussant aux yeux du grand public l’état d’agonie de l’ensemble des hôpitaux, des maternités, des EHPAD, de la psychiatrie.
Les professionnels de santé, conscients de l’immense danger encouru par les malades et par eux-mêmes, appellent au secours pendant des mois, en vain. Agnès Buzyn refuse d’entendre parler de « fermeture » : elle « réorganise », « adapte les missions », prévoit la création de 500 à 600 hôpitaux de proximité, qui en fait existent déjà et dont on va fermer certains plateaux techniques.
En novembre 2019, les moyens donnés aux hôpitaux d’Île-de-France ne suffisent pas à accueillir les tout-petits atteints de bronchiolite qui doivent être transférés vers des hôpitaux périphériques : transport délicat sur des nourrissons précaires, prouesse technique, familles explosant d’inquiétude, les pédiatres alertent encore…
Rien ne se passe et ce même après la démission de nombreux médecins chefs de services et de pôles, dernier acte des lanceurs d’alerte. Les professionnels savent qu’ils sont « au bout du bout » ainsi que le déclarera le Dr François Salachas en février 2020 à Emmanuel Macron, venu sur le terrain à La Pitié-Salpêtrière.
Survient alors la pandémie de COVID-19 : initialement peu inquiétante en raison de sa localisation lointaine en Chine, tout bascule le 27 février lorsqu’elle s’installe en Europe avec l’Italie du Nord.
Ce qui est demandé aux hôpitaux tient alors de l’exploit. Le personnel exsangue doit faire face et se plier aux injonctions ministérielles qui ne cesseront de changer pendant des semaines : marchant sans cesse sur un radeau dans une houle d’ordres et de contre-ordres permanents, il fera face.
Préparer des centres de prélèvements, dédier des circuits adulte-enfant-obstétrique, organiser les urgences, les SAMU, les soins continus, les réanimations, les services d’aval…
En quelques semaines il faut créer des « CH COVID » et transformer profondément tout le fonctionnement, changer complètement de paradigme, déprogrammer les blocs opératoires pour récupérer les salles de soins post-interventionnelles afin d’en faire des réanimations, redéployer le personnel, passer sur des plannings de 12 heures : les professionnels sont rudement mobilisés mais assurent dans une conscience et une éthique qui forcent le respect.
Le 16 mars, Emmanuel Macron aura cette terrible expression : « nous sommes en guerre ».
Qui dit guerre dit victimes et les soignants sont alors en 1e ligne en étant privés des équipements de protections élémentaires : les masques. Des milliers de soignants et de pompiers seront contaminés, trop ne s’en relèveront pas.
L’Etat a choisi ses blessés de guerre et ce sont ses professionnels de santé, qui iront durant des semaines assurer leur poste dans une précarité de moyens jamais vue et source d’un stress intense. Les surblouses manquent, les masques manquent, les médicaments manquent, les filtres de respirateur et les respirateurs manquent au point d’investir dans des appareils inutilisables pour de la réanimation continue…
La tension est partout, tout le temps, la mort rôde, le danger est immense, l’épuisement se conjugue à une colère sourde devant la brutalité de la situation.
Dans les EHPAD, les soignants voient leurs résidents lâcher la vie dans une solitude effroyable, les accompagnant de leur mieux alors même qu’ils n’ont que leur empathie pour seul moyen… Et que dire enfin du choc infligé aux étudiants et étudiantes en soins infirmiers et en médecine, appelés à la rescousse, trop jeunes et trop inexpérimentés pour assister à des fins de vie dans une solitude terrible.
Que dire des morts de médecins retraités venus aider aux Urgences qui se sont retrouvés dans des nuages de virus sans masque. De tous ces Soignants morts en particulier dans les EHPAD, de ces Médecins Généralistes décédés… L’hôpital et la médecine en ville se retrouvent intimement liés dans cette épidémie.
A l’émotion légitime succèdera rapidement le sentiment d’un traumatisme profond, violent, inhumain, durable.
Après les avoir traités avec le dernier des mépris des mois durant, vous ne pouvez plus nier la dimension irremplaçable des établissements publics de santé et, médiocre d’un bout à l’autre, qualifier de « héros » ceux qui n’ont toujours que demandé de pouvoir soigner dignement, et rien d’autre. Impardonnable.
Dans ce contexte insensé, la France est incapable de produire le nécessaire et alors que le déconfinement s’approche, le retard à la prise en charge des malades hors COVID explose et les hôpitaux reçoivent l’ordre de ne pas reprendre l’activité opératoire par manque de drogues d’anesthésie.
Qui peut alors nier la gravité de la situation et l’échec de la gouvernance à fil tendu d’un pays qui impose à ses soignants de choisir qui mérite d’être sauvé, et d’être soigné ?
L’avenir de cette pandémie est incertain et tous les scientifiques s’accordent à le dire. Une immunité collective risquée, une 2nde vague probable… Le temps sanitaire est suspendu et entraîne avec lui le péril immédiat, social, éducatif, économique, dans une organisation sociétale où le rapport à l’autre est gravement bousculé.
La bonne santé est précieuse et fragile. Lorsqu’elle vient à manquer, tout le reste devient superflu. Cette pandémie met en lumière une vérité trop souvent ignorée : on ne peut vivre seul en bonne santé.
La bonne santé est un projet collectif, c’est notre projet de société, ce doit être le projet de société de la France et de l’Union Européenne.
Les soignantes et soignants s’organisent déjà pour construire un nouveau système, rejoints désormais par la majorité de la population qui a applaudi à 20 heures ces derniers mois, consciente que ces conditions doivent changer, pour le bien de toutes et tous.
1. La bonne santé, c’est une politique visant au premier de nos principes : la dignité des personnes humaines.
Même en période de pandémie, le soin doit garder son humanité : même en temps de pandémie, interdire toute visite relève de la maltraitance et constitue un facteur potentiel d’aggravation de la situation de santé des personnes hospitalisées comme de leur famille ; restreindre à une personne autorisée et formée est une alternative qui permet la sécurité et maintient le lien en luttant contre l’isolement, facteur de santé mentale. Ainsi, lors des décès l’intimité doit pouvoir avoir lieu entre la personne pleurée et les proches endeuillés, en octroyant les moyens nécessaires à leur protection.
Plus largement, comme le réclament les personnels de la santé depuis des années, les EHPAD, et les hôpitaux doivent rendre aux malades et aux soignants leur dignité, en permettant aux premiers un accès universel à des soins d’égale qualité, et aux seconds de retrouver le sentiment d’agir conformément à la déontologie de leurs métiers.
Enfin, les gouvernants et communicants doivent maintenir de la transparence et de la constance dans leurs propos médiatisés.
2. La bonne santé, c’est une politique écologique. Canicules, nouvelles maladies infectieuses (virus, bactéries) mais aussi les pollutions industrielles (pesticides, perturbateurs endocriniens, particules fines) sont des fléaux pour notre santé. Il faut agir vite pour :
– Réduire drastiquement les diverses pollutions notamment les émissions de particules fines. Une grande loi de santé environnementale est nécessaire avant la fin du quinquennat.
– Accélérer la lutte contre le réchauffement climatique en France et en Europe.
– Durcir les sanctions contre les braconniers et ceux qui détruisent les habitats naturels à l’origine des terribles virus que nous subissons.
3. La bonne santé, c’est une politique de prévention. Maladies infectieuses et maladies chroniques vont de pair. Les 2/3 des patients italiens en soins intensifs avaient au moins un facteur de risque (hypertension artérielle, diabète…). Un plan de prévention doit prévoir :
– La pratique du sport-santé en remboursant sa prise en charge par la Sécurité sociale.
– Réduire les addictions au tabac et à l’alcool, principale cause de décès en France et agir contre l’alimentation dégradée, cause de très nombreuses pathologies.
– Une éducation à la santé dès le plus jeune âge, et tout au long de la vie (travail)
– Les collectivités locales, les écoles, les associations doivent être d’emblée étroitement associées à l’information, la prévention et la formation sanitaire citoyenne.
4. La bonne santé, c’est une politique sociale. Les inégalités sociales expliquent la mauvaise santé de pans entiers de la population. Une politique de redistribution économique, sociale, éducative et de logement est donc aussi une urgence sanitaire. La lutte contre les inégalités d’accès aux soins doit être une priorité gouvernementale, chacun méritant d’être pris en charge sans distinction.
5. La bonne santé, c’est une politique de soins. Notre système de santé, jadis en pointe, a été miné par les politiques d’austérité et une bureaucratie délirante. Une loi de programmation sanitaire quinquennale doit permettre de le rebâtir en mettant fin à la logique productiviste à flux constamment tendu qui gouverne le financement hospitalier et rend précaire la mission de soins par :
– La hausse durable des budgets des hôpitaux et EHPAD, ainsi que l’augmentation des rémunérations de tous les personnels soignants, en ville comme en établissements.
– La fin des fermetures de lits et d’établissements au profit d’une politique concertée d’aménagement des territoires en santé et une réorganisation des liens entre médecine de ville et hôpital, placée sous le signe de l’intelligence collective.
Plus ponctuellement, il est indispensable qu’un partenariat organisé et solide entre les CH publics dédiés au contexte épidémique et les établissements privés qui peuvent accueillir les équipes opératoires permette à toute personne non concernée par l’épidémie de ne pas être pénalisée dans son parcours de soin en étant opérée sans retard indécent.
6. La bonne santé,c’est une politique de recherche. La France a la chance de disposer d’une recherche de niveau mondial, mais faute de moyens publics suffisants, notre pays régresse dangereusement. La revalorisation des budgets et rémunération des chercheurs est indispensable.
7. La bonne santé, c’est une politique industrielle. Les Français-es réalisent que notre pays, longtemps en pointe, ne sait plus produire certains médicaments essentiels et qu’il manque de choses aussi basiques que des masques. La relocalisation d’une filière médicale complète est un impératif de souveraineté sanitaire.
Dans un temps de déconfinement incertain, Génération.s appelle la gauche sociale et écologique à se montrer unie, mobilisée et attentive au pacte citoyen, à exiger sans nuance le « plus jamais ça » et imposer fermement à nos dirigeants la garantie de la sécurité en cas de récidive de cette pandémie ou d’une autre puisqu’il est désormais acquis que l’impensable s’est produit et que, si chaque perte humaine est évidemment un drame, seul l’impeccable comportement des « 1ers de tranchée », tous corps de métiers confondus, a permis d’en limiter le nombre.
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