Je me suis entretenu avec Sport stratégie sur l’actualité sportive fortement impactée par cette crise sanitaire sans précédent que nous traversons. Alors que le Président de la République a annoncé le confinement de la population lundi pour au moins quinze jours, le monde sportif est à l’arrêt, et ce n’est pas sans conséquence en cette année de Jeux olympiques et paralympiques. De nombreux clubs vont se retrouver dans des situations difficiles. L’unique boussole des décideurs doit être la santé des 10 000 sportifs, de leurs encadrants et des millions de spectateurs des quatre coins de la planète qui ont prévu de se rendre au Japon cet été.
Le détail de mon entretien :
Le monde du sport et le monde de l’économie plus généralement connaissent une crise sans précédent. A-t-on déjà été confronté à une telle situation en France ?
Nous assistons avec la pandémie du Covid-19 pour la première fois à un « black-out sportif » planétaire, qui intervient de surcroît, en pleine année Olympique et Paralympique. La totalité de l’écosystème sportif est impacté. Tous les entraînements collectifs et les compétitions locales, nationales et internationales sont aujourd’hui suspendus.
Le monde du sport n’a pas le choix et doit s’adapter : il s’agit de faire face collectivement à ce grand défi sanitaire inédit depuis plusieurs décennies. Comme pour l’ensemble de nos concitoyens, la priorité absolue doit être la préservation de l’intégrité physique et de la santé de tous les sportifs.
Que peut-on craindre pour l’écosystème sportif dans les prochains mois ?
C’est du jamais vu. Le monde du sport est à l’arrêt complet et une grande incertitude pèse sur la progression de la pandémie dans les prochaines semaines, notamment pour les continents Africains et Sud-Américains. Les établissements d’excellence relevant du Ministère des Sports comme les écoles, pôles et Centres de Ressources et d’Expertise de la Performance Sportive (CREPS) ont dû fermer leurs portes depuis le lundi 16 mars.
C’est le cas de l’INSEP qui prépare nombre de nos champions tricolores ou par exemple du Pôle France de Gymnastique féminine à Saint-Etienne, mais aussi des centres de formation des clubs professionnels. Les clubs professionnels sont évidemment touchés. Des possibilités de réaménagement des calendriers des matchs de championnats d’ici fin juin existent, en particulier pour le football en raison du report de l’Euro, mais les marges de manœuvre sont restreintes et il faut absolument tenir compte du nécessaire repos des sportifs professionnels entre deux saisons.
Ne peut-on pas craindre la disparition des petites structures, fragilisées par cet arrêt contraint pour raisons sanitaires ?
Dans le sport amateur ce sont 350 000 clubs, plus de 3 millions de bénévoles et 16 millions de licenciés qui sont concernés.
De nombreuses associations sportives vont souffrir du fait de l’annulation des matchs et des tournois de printemps comme les plateaux jeunes de football ou d’autres sports collectifs qui génèrent des recettes de buvette mais aussi des manifestations organisées à cette époque de l’année par les clubs comme des lotos synonymes de rentrées financières pour les clubs.
Pour les clubs professionnels, chaque match qui ne se joue pas représente une perte financière nette de plusieurs dizaines de milliers à plusieurs centaines de milliers d’euros…
Régis Juanico
L’événementiel est touché de plein fouet. A-t-on une idée du montant de la perte économique que cette situation va entraîner ?
Le secteur du sport en France représente 112 000 entreprises, 450 000 emplois et la dépense sportive s’élève à 40 milliards d’euros soit 2% du PIB. Pour les clubs professionnels, chaque match qui ne se joue pas représente une perte financière nette de plusieurs dizaines de milliers à plusieurs centaines de milliers d’euros… Ces clubs ont des partenaires, des sponsors et font travailler de nombreux prestataires. Les conséquences économiques peuvent être terribles.
La crise va aussi avoir un impact budgétaire significatif en ce qui concerne les taxes affectées au budget des sports : le montant des mises sur les paris sportifs – 7 milliards d’euros par an – va forcément ralentir, en raison de la raréfaction mais aussi de l’annulation de compétitions sportives ces prochaines semaines, comme l’Euro de football. De même, la « taxe Buffet » qui finance comme la taxe sur les paris sportifs le budget des sports et l’Agence Nationale du Sport sur les cessions de droits de retransmission des événements sportifs va subir une baisse si jamais le report des matchs ne s’avère pas possible.
La suspension en rafale des compétitions sportives met aussi en difficulté les diffuseurs, privés de la retransmission des matchs des différentes ligues professionnelles. Les dernières épreuves diffusées les 14 et 15 mars auront été le rallye automobile du Mexique – écourté pour cause de Coronavirus – remporté par Sébastien Ogier sur Canal+ et la 83e et dernière victoire de Martin Fourcade dans la poursuite de biathlon de Kontiolathi sur la chaîne L’Equipe…
Comment le Gouvernement peut-il soutenir le monde du sport ?
Beaucoup de clubs et d’entreprises vont être fragilisés sur le plan économique par la crise sanitaire. Les mécanismes de soutien financier à l’économie Française que nous allons voter avec un projet de loi de finances rectificatif et une loi d’urgence sanitaire cette semaine au Parlement s’appliqueront naturellement dans les mêmes conditions au secteur sportif : recours au chômage partiel indemnisé, fonds d’aides directes aux structures employeuses.
La filière sport est d’ailleurs représentée au sein de la cellule de continuité économique mise en place par le gouvernement. Il faudra également envisager un fonds de soutien aux clubs amateurs. La solidarité nationale sera au rendez-vous, je n’en doute pas.
Quid des Grands Événements Sportifs, du Tour de France, de Roland Garros ?
Tous les grands événements sportifs internationaux organisés dans les prochains mois sont susceptibles d’être annulés ou reportés. La décision la plus spectaculaire est le report d’un an de l’Euro de football qui devait avoir lieu dans douze pays européens en juin et juillet prochains. Les championnats d’Europe de Gymnastique Artistique féminine prévus à Paris fin avril, début mai ont été eux purement et simplement annulés.
Roland Garros vient aussi d’être reporté en septembre. On sait que ce tournoi a une importance vitale pour les ressources financières de la Fédération Française de Tennis et ses clubs. L’ATP a suspendu son circuit Pro pour six semaines. Les grandes classiques cyclistes de Paris-Roubaix, de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastonne-Liège qui devaient se courir en avril sont elles aussi reportées.
En imaginant que les JO soient maintenus, comment les athlètes vont-ils pouvoir se qualifier sans épreuve ?
Une grande incertitude pèse sur la préparation des athlètes dans le cadre des JOP de Tokyo. Des stages et des regroupements d’athlètes à l’étranger ont dû être annulés du fait des restrictions de déplacement. Cette préparation physique essentielle est aujourd’hui tronquée, alors que seulement 57% des athlètes sont d’ores et déjà qualifiés pour Tokyo.
Le Tournoi de Qualification Olympique de boxe à Londres a dû être interrompu, tout comme les régates qualificatives d’aviron. Les TQO de Handball sont pour le moment reportés au mois de juin.
L’unique boussole des décideurs doit être la santé des 10 000 sportifs, de leurs encadrants et des millions de spectateurs des quatre coins de la planète qui ont prévu de se rendre au Japon cet été
Régis Juanico
Est-il vraiment responsable de vouloir maintenir à tout prix les Jeux de Tokyo cet été ?
Quatre mois avant le plus grand événement sportif planétaire, je trouve incompréhensible les atermoiements du CIO à envisager l’hypothèse d’un report des Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo, sachant que l’hypothèse d’épreuves à huis clos -qui n’auraient aucun sens- aurait par contre été étudiée. Le parcours de la flamme olympique va démarrer le 26 mars à Fukushima et sera fermé au public. C’est surréaliste.
Comme je l’ai déjà dit au sujet des Mondiaux d’Athlétisme à Doha, les intérêts financiers et commerciaux ne doivent pas prendre le pas sur les valeurs du sport. L’unique boussole des décideurs doit être la santé des 10 000 sportifs, de leurs encadrants et des millions de spectateurs des quatre coins de la planète qui ont prévu de se rendre au Japon cet été. La décision définitive ne doit pas tarder et j’espère que c’est l’avis de l’OMS qui sera déterminant, mais il me parait irresponsable d’exclure à priori un report de plusieurs semaines, de quelques mois, voire d’une année des Jeux de Tokyo.
En votre qualité d’élu, quels conseils donneriez-vous aujourd’hui à nos lecteurs ?
Les complexes sportifs, les stades, les piscines sont naturellement fermées. En période de confinement, les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, une heure d’activité physique par jour pour les enfants et adolescents et 30 minutes pour les adultes se justifient d’autant plus.
Il est aujourd’hui possible de poursuivre une activité physique et sportive régulière. Soit à la maison, de nombreux programmes et application peuvent vous aider pour organiser des exercices, soit à titre individuel en courant ou marchant dans l’environnement immédiat de votre lieu de vie dans le respect des consignes sanitaires.
Régis Juanico est Député de la Loire, Rapporteur pour avis des crédits du sport 2020 à l’Assemblée Nationale, Membre du Conseil d’Administration de l’Agence Nationale du Sport… Lire la suite
La seule boussole qui doit animer la décision du CIO, c’est la santé. Est-ce qu’on prend le risque de relancer l’épidémie au Japon en faisant venir des millions de spectateurs des 4 continents ? C’est ça la question qu’il faut se poser dès maintenant.
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