Mardi 5 novembre, en séance de Questions d’Actualité au Gouvernement, j’ai interpellé le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, sur la privatisation de la Française de Jeux qui démarre le 7 novembre et jusqu’au 19 novembre.
Le Gouvernement s’était pourtant engagé, devant la représentation nationale à l’occasion de l’examen de la loi Pacte à ce que « la régulation précède la privatisation ». Or, l’Autorité nationale des jeux, autorité de régulation, ne verra le jour qu’au 1er janvier 2020, après la privatisation de la FdJ. C’est un manquement à la parole, contraire aux engagements du Gouvernement.
Pas un mot pour expliquer cette précipitation dans la réponse de la secrétaire d’Etat auprès du Ministre, parti en Chine. Pas de réponse non plus lorsque je l’ai interpellé sur le coût pour les finances publiques de la campagne de publicité audiovisuelle pour faire ces derniers jours la promotion de la privatisation de la Française des Jeux.
Le détail de nos échanges :
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Héritière de la loterie nationale créée en 1933, la Française des jeux – la FDJ –, entreprise publique depuis 1991, est le patrimoine de tous les Français. Fin novembre, après sa privatisation, elle ne sera plus que le patrimoine de quelque-uns : ses seuls actionnaires. Pourquoi une telle précipitation ?
Dans le domaine des jeux d’argent et de hasard, monsieur le ministre de l’économie, vous vous êtes engagé lors de l’examen de la loi PACTE à ce que la régulation précède la privatisation. Or l’Autorité nationale des jeux, chargée de réguler le secteur, ne sera créée que le 1er janvier 2020, après la privatisation de la FDJ. C’est un manquement à la parole publique contraire à vos engagements !
Le gouvernement précipite les opérations de privatisation de la FDJ pour une seule raison : il a besoin de faire entrer de l’argent frais – du cash – dans les caisses de l’État !
C’est un calcul à courte vue : en privatisant la FDJ, l’État se prive d’une recette régulière et certaine de 100 millions de dividendes par an ! Vous bradez les deniers publics et le patrimoine national.
Il s’agit d’une mauvaise opération financière pour l’État. Vous prétendez que les cessions d’actifs contribueront au désendettement ainsi qu’au financement d’un fonds d’innovation et de rupture technologique, mais ce fonds pouvait être alimenté grâce au versement des dividendes, sans privatiser les entreprises publiques ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
Avec les 380 millions que la FDJ versera d’ici à juin 2020 en contrepartie de l’octroi des droits exclusifs pour exploiter les jeux de loterie et les paris sportifs pendant une durée de vingt-cinq ans, l’État peut espérer récupérer environ 2 milliards de la privatisation : c’est une goutte d’eau dans l’immensité de la dette !
La Française des jeux, monsieur le ministre, n’est pas une entreprise comme les autres et le jeu n’est pas une marchandise comme les autres. Pourquoi vous entêtez-vous à vouloir la privatiser ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Je voudrais tout d’abord excuser Bruno Le Maire, qui se trouve actuellement en Chine pour porter la parole française, mais également européenne sur certains dossiers commerciaux et industriels, sujets plutôt essentiels en ce moment.
Sur la privatisation de la Française des jeux, je tiens à vous rassurer, comme je l’ai fait ici avec Cédric O la semaine dernière : vous le savez, nous avons élaboré un projet d’ordonnance sur l’autorité de régulation, comme Bruno Le Maire s’y était engagé. Présenté en conseil des ministres le 2 octobre, le projet de loi de ratification de l’ordonnance a été déposé ; la future présidente de l’Autorité nationale des jeux a été nommée et s’attelle actuellement à l’organisation de celle-ci. La régulation ne connaîtra aucune pause, puisqu’elle continuera sous sa forme actuelle jusqu’au 1er janvier. Tout va très bien se passer avec l’ANJ.
Les casinos, le PMU et les paris sportifs posent des problèmes d’addiction, mais ces activités privées sont régulées. Nous allons plutôt vers une meilleure régulation des jeux.
Nous avons une approche active et stratégique de l’actionnariat : nous choisissons de privatiser la Française des jeux et de la proposer à l’ensemble des Français, afin de financer l’innovation de rupture. Voilà ce qui permettra de créer la croissance de demain.
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Madame la secrétaire d’État, puisque vous étiez en séance publique avec nous jeudi dernier, pouvez-vous nous indiquer le coût pour les finances publiques de la campagne de publicité audiovisuelle destinée à promouvoir la privatisation de la Française des jeux ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Vous connaissez comme moi les processus d’entrée en bourse, qui sont accompagnés par l’entreprise elle-même. Ces dépenses permettent d’améliorer la valorisation de l’entreprise, ce qui est une bonne chose pour les Français et pour notre patrimoine.
La privatisation de la Française des jeux est-elle justifiable économiquement ?
J’ai participé, mardi 4 novembre, à une interview-débat sur LeFigaro.fr, face à Jean-Marc Daniel, économiste libéral, à ce sujet.
Le détail de mes interventions :
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” Régis Juanico, qu’est-ce que vous répondez à Jean- Marc Daniel : est-ce que c’est une bonne affaire la privatisation de la Française des Jeux ? ”
Régis Juanico : -” On verra si c’est une bonne affaire. Je pense que c’est plutôt une entreprise qui est en bonne santé financière et économique, vous l’avez dit dans votre reportage. C’est donc une opération qui n’a pas beaucoup de risques. Par contre, là où je suis en désaccord, c’est sur le côté précipité de l’opération. Bruno Le Maire dit “je veux rendre aux Français, la Française des Jeux”. La Loterie nationale a été créée en 1933 et depuis, la Française des Jeux est devenue une entreprise publique en 1991. La Française des Jeux, elle appartenait à tous les Français. C’est donc le patrimoine de tous les Français. Avec l’opération de privatisation, on va en faire une entreprise réservée à quelques Français, c’est-à-dire ceux qui vont devenir actionnaires de la Française des Jeux. De plus, je pense que c’est une mauvaise opération financière pour l’Etat. Ce que dit Jean-Marc Daniel est très intéressant, comme nous avons bloqué avec la procédure référendaire, la privatisation d’Aéroports de Paris, le Gouvernement ne peut pas lancer les opérations de privatisation.
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” C’est une des autres privatisations engagées par l’Etat.”
Régis Juanico : -” Oui, tout à fait. Le Gouvernement a besoin de faire entrer de l’argent frais et du cash. Avec la privatisation de la Française des Jeux, on évoque 1 milliard à 1,5 milliard d’euros. Il y aura aussi un chèque versé par la Française des Jeux de 380 millions d’euros pour l’octroi du monopole pendant 25 ans. Donc autour de 2 milliards d’euros. Et on nous dit qu’un milliard ira au fond d’innovation et de ruptures technologiques et un milliard ira au désendettement, ce qui représente des sommes très faibles.
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” Mais il y aura aussi 3,5 milliards de rentrées fiscales qui vont rester chaque année.”
Régis Juanico : -” Oui, sauf à ce qu’on bouge les taxes affectées ensuite et que les nouveaux actionnaires fassent pression sur les gouvernements successifs et les majorités parlementaires successives pour baisser cette pression fiscale… ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” Pour l’instant on n’y est pas, il n’en est pas question.”
Régis Juanico : -” Ce que je veux dire, c’est que c’est une mauvaise opération financière pour l’Etat. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, il y avait 100 millions de dividendes pour l’Etat chaque année. C’était un revenu sûr, certain, régulier. On va donc se priver d’une rentrée régulière, qui aurait été rentabilisée en quinze ans, si on prend le chiffre d’un 1,5 milliard à peu près. On aurait pu très bien alimenter le fonds d’innovation technologiques et de ruptures avec ces dividendes versés à l’Etat chaque année. Moi je n’y vois pas d’inconvénient. Par contre, sur le désendettement, on est à 0,02% de la dette. Je ne vois en quoi ça va changer quoi que ce soit. Aujourd’hui on a des taux d’emprunts négatifs, donc ce n’est pas la peine de désendetter en privatisant la Française des Jeux.”
[…]Charlotte Barillon-Dennebouy : -” Régis Juanico, sur cet argument-là de dire, c’est une entreprise de jeux, c’est un peu particulier effectivement de considérer que l’Etat devrait avoir la mainmise, sur ce secteur très particulier. Cela ne vous pose pas un problème, vous ? ”
Régis Juanico : -” Non, parce que le jeu n’est pas une marchandise comme les autres et donc la Française des Jeux n’est pas un secteur d’activités comme les autres. Vis- à-vis de cela, mieux vaut donc une double régulation, qui est exercée jusqu’à maintenant par le Ministère du Budget. Il y a aussi une forte régulation et un contrôle étroit, notamment du jeu excessif et du jeu pathologique, en interne, à la Française des Jeux. Ceci dit, nous avons introduit dans la Loi Pacte, des verrous très importants. Nous avons créé une Autorité Nationale du Jeu qui va voir le jour le 1er janvier et qui va exercer une surveillance et un contrôle étroits de l’Etat justement sur la Française des Jeux. Et puis il va y avoir un certain nombre de verrous internes.”
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” Il n’y a pas un désengagement total de l’Etat… ”
Régis Juanico : -” …Non. Le PDG continue à être nommé par l’Etat, ainsi que les directeurs. Un commissaire du Gouvernement va siéger auprès de la Française des Jeux. Et puis les franchissements de seuil de 10% vont être là aussi soumis à l’agrément du Gouvernement. Donc l’Etat ne se désengage pas complètement. Il y aura encore 20%, même si je regrette qu’on soit passé en dessous de 50% parce que je pense que c’était des dividendes qui étaient assurés pour l’Etat chaque année. C’est un placement sûr…
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” … Par rapport à 72%, l’Etat passe à 20% … ”
Régis Juanico : -” … Oui exactement, il va céder 52% de son capital et on aurait pu garder effectivement 100 millions de dividendes sûrs et certains qui tombaient chaque année. Mais par contre, le jeu en lui-même, là il faut être extrêmement vigilant puisque bien évidemment, il y a 25 millions de joueurs, vous l’avez dit, de clients de la Française des Jeux.16 milliards de mises aujourd’hui chaque année. Ça augmente de manière significative, donc ça veut dire un peu plus de 600 euros en moyenne par joueurs. Donc, nous avons de plus en plus, aujourd’hui des mises de plus en plus importantes. De plus en plus les joueurs. Autant les joueurs excessifs, aujourd’hui, plafonnent, on est à
0,5% de la population. Autant les joueurs à risque modéré, ceux-là, ils ont augmenté fortement ces dernières années. Il faut donc surveiller ce million de personnes aujourd’hui qui joue un petit peu leur budget, on va dire, dans le jeu et pour cela, il faut un contrôle étroit…
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” … Mais il existera, après, ce contrôle étroit. En quoi, on va dire, le risque d’addiction des joueurs au jeu serait accru avec la privatisation ? ”
Régis Juanico : -” … Alors, le Gouvernement a été assez habile de ce point de vue-là en disant « on va confier à un actionnariat populaire ». Moins à des investisseurs institutionnels qui pourraient prendre le contrôle et qui eux seraient vraiment motivés par le retour sur investissement et sur le retour sur dividendes. Mais le risque, c’est de voir des actionnaires effectivement, dans la Française des Jeux de plus en plus d’avoir une politique commerciale agressive effectivement. C’est-à-dire avoir les jeux les plus addictifs pour effectivement avoir des revenus et des retours sur investissements… ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : – ”… Mais ça n’est pas déjà le cas ? On a une politique de la françaises des Jeux de communication qui est assez importante. Des jeux qui sont disponibles et accessibles très facilement dans les bureaux de tabac. Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’il y ait un frein à l’accès aux jeux. ”
Régis Juanico : -” C’est très régulé. Souvenez-vous de l’épisode Rapido, jeu très addictif, qui avait été commercialisé et à l’époque le PDG de la Française des Jeux Christophe Blanchard-Dignac avait dit au bout de quelques mois « nous retirons ce jeu parce qu’il est beaucoup trop addictif ». Donc, il y avait un contrôle étroit en interne à la Française des Jeux et puis il y a aussi que les jeux sont soumis à autorisation préalable. Ce sera le rôle de l’Autorité Nationale du Jeu… ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : – ” … Absolument, cette nouvelle autorité, on peut penser qu’elle surveillera de la même façon, que l’Etat avait surveillé la diffusion de Rapido, on imagine que pour l’avenir, ce sera la même chose. …”
Régis Juanico : -” … D’autant plus que nous avons obtenu que ce soit une autorité administrative indépendante. Donc voilà, ce sera une forte régulation. ”
[…]Charlotte Barillon-Dennebouy : -” Qu’est-ce que vous répondez, Régis Juanico, sur le fait qu’une entreprise doit pouvoir se développer, en toute liberté, sans frein ? C’est le cas de la Française des Jeux, qui a besoin d’innover. Mais peut-être qu’elle n’innove pas suffisamment ? Elle veut, je crois, se développer à l’étranger beaucoup plus. Elle est deuxième loterie en Europe et quatrième sur le plan mondial. Elle veut augmenter sa notoriété, sa place.
Régis Juanico : -” Oui, d’ailleurs elle vend ses services et ses compétences aux loteries étrangères, donc on a un savoir-faire très important. Il faut savoir aussi que cela a été une entreprise extrêmement bien gérée. Alors, 25 ans de monopole derrière elle, au niveau d’un certain nombre de jeux sur droits exclusifs, c’est vrai, donc elle est très peu endettée. Elle a une trésorerie excédentaire de près d’un milliard d’euros. Et puis tous ses projets d’investissements, aujourd’hui, notamment dans le digital -parce qu’effectivement, il faut aussi moderniser l’offre de jeux- aujourd’hui, ils sont auto-financés à 50%. Donc, c’est une entreprise en très bonne santé financière et qui croit de façon très, très régulière. Il n’y a pas trop d’inquiétudes pour ceux qui vont investir ou devenir actionnaires. Après, la question, c’est comment on continue à réguler, effectivement cette offre de jeu ? Il y a un élément qui est très important, c’est ce qu’on appelle le taux de retours aux joueurs, ça va être fixé par décret. Il faut savoir qu’on est là, sur des taux de retours aux joueurs… ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” … Qu’est-ce vous appelez les retours aux joueurs ? ”
Régis Juanico : -‘eh bien, ce sont en fait les gains qui reviennent aux joueurs… ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” … Il est très élevé. … ”
Régis Juanico : -” Aujourd’hui, sur 100 euros, il y en a 75 qui reviennent aux joueurs. C’est assez peu élevé. … ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” …Je crois que sur les 16 milliards de mise, il y près de 12,5 milliards qui reviennent aux joueurs…”
Régis Juanico : -” Voilà. … ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : -” …Chaque année. … ”
Régis Juanico : -” …Dans les casinos, par exemple, dans les machines à sous, le baccara, la roulette, c’est 95% ou 98% de taux de retours aux joueurs. Donc ce sont des jeux très addictifs. Ça, c’est un élément très important et là-dessus, dans le décret, on a obtenu qu’il y a un taux de retour aux joueurs moyen de 75%. Ce qui est une bonne chose. Mais ensuite, bien évidemment, rien n’empêchera les actionnaires dans le futur, peut-être de se désinvestir d’un certain nombre de politiques de la Française des Jeux. Vous savez qu’il y a le loto du patrimoine par exemple qui a été lancé, même si c’est le Parlement qui l’a voté, il y a deux ans. C’est important aussi. Il y a le financement du sport aujourd’hui, la Française des Jeux, en dehors des taxes affectées, eh bien, donne 20 millions d’euros, notamment au sport professionnel, à l’équipe cycliste. Que feront les futurs actionnaires par rapport à cela ? … ”
Charlotte Barillon-Dennebouy : -”…Mais, on en revient à la ressource que représente la FDJ sur le plan des taxations fiscales et sociales qui sont de 3,5 milliards par an et qui vont continuer normalement. ”
Régis Juanico : -” Mais qui peuvent être modifiées par n’importe quelle majorité parlementaire, je le rappelle. ”
[…]Charlotte Barillon-Dennebouy : – ” Donc le curseur, il pourrait bouger, l’avenir ? ”
Régis Juanico : -” La taxe fiscale, elle dépend du Parlement. Chaque année, avec le Projet de Loi de Finances.”
[…]Charlotte Barillon-Dennebouy : -” Revenons un peu, sur les risques liés à cette privatisation, pour les gens qui sont comme vous, hostiles à cette privatisation, vous mettez en plus des risques d’addiction au jeu, les risques de fraude et de blanchiment d’argent. Des investisseurs étrangers vont s’approprier aussi une partie du capital de la Française des Jeux. Est-ce que vous pensez que le risque est accru de ces investissements qu’ils soient étrangers ou pas ? ”
Régis Juanico : -” Non. Alors, franchement là-dessus, les verrous qui ont été mis dans la loi sont suffisants pour nous prémunir d’une prédation internationale qui ferait qu’aujourd’hui, les mises ou en tout cas, les fonds et les sommes qui sont investis dans la Française des Jeux servent à blanchir de l’argent. Là, on a des services qui sont très compétents en France pour regarder ce qui se passe. On a eu des exemples dans le passé, effectivement, de bureaux de tabac ou de presse où il y avait des opérations de blanchiment d’argent, mais tout cela a été quand même bien traité par les services spécialisés de police et par Tracfin aussi, pour les opérations de blanchiment et par ailleurs par les services des courses et des jeux du Ministère de l’Intérieur. Là-dessus, nous avons des services plutôt compétents. Alors le risque que je voyais plutôt, moi, c’est la question de l’addiction. L’interdiction de jeu aux mineurs en particulier. Vous savez que dans le passé, nous, nous avions dans notre rapport avec Jacques Myard, mis en garde sur la question de mineurs, Il [y avait] un tiers des mineurs qui jouent aux paris sportifs entre 15 et 17 ans et il y a eu une réaction de la part de la Française des Jeux en interne. Il y a des contrôles qui se font sur la question de la majorité. [Il y avait] un taux de conformité qui était bas, à 30% sur la loi par rapport à la majorité des joueurs dans les bureaux de tabac. Et on est remonté à 60% aujourd’hui, c’est-à-dire qu’il y a eu une réaction vigoureuse et volontariste au sein de la Française des Jeux. Ça sert aussi à ça l’Etat de pouvoir contrôler un certain nombre d’éléments importants comme l’interdiction de jeu aux mineurs. ”
[…]Charlotte Barillon-Dennebouy : […] – Si on va […] dans la question sociale, est-ce qu’il faut parier sur des risques de licenciements à l’avenir sur la Française des Jeux, qui est certes bien gérée, mais est-ce que privatisation ne veut pas dire optimisation des coûts ? Au-delà du raisonnable, des licenciements sont à prévoir, vous les craignez, les licenciements, Régis Juanico ?” C’est une question qui vous a été posée déjà ?
Juanico : -” Pas du tout. Ce que je sais, c’est que les salariés vont être intéressés dans la privatisation, puisque leur part dans l’actionnariat va passer de 5% à 10%. Il y a aujourd’hui une politique sociale au sein de la Française des Jeux qui est extrêmement intéressante. En tout cas, pour les salariés de la Française des Jeux. Je ne crois pas du tout à une modification du format pour le moment. Enfin, il faut être vigilant.”
La Française des Jeux représente chaque année environ 135 millions d’euros de dividendes pour ses actionnaires, dont 90 millions d’euros pour l’État. Celui-ci pourra sans doute récupérer plus d’un milliard d’euros en vendant ses parts lors des opérations de privatisation mais c’est un « one-shot » et il se prive ensuite d’une recette régulière et certaine.
N’est-il pas, a priori, dangereux de privatiser ce secteur – risques d’addictions, blanchiments, fraudes ?
La FdJ n’est pas une entreprise comme les autres, le jeu n’est pas une marchandise comme les autres.
En matière d’addiction, le nombre de joueurs excessifs reste stable depuis cinq ans (0.5% de la population), mais le nombre de joueurs à risque modéré a été multiplié par 2.5 sur la même période : le problème touche un million de personnes.
Les pratiques de jeux d’argent des mineurs -soit un jeune de 15 à 17 ans sur trois en 2014- sont essentiellement concentrés sur les jeux offerts par la FdJ. Selon les travaux de l’Observatoire des jeux, la progression de 1% du chiffre d’affaires de la FdJ génère à minima 1000 joueurs pathologiques et 6500 joueurs à risque de plus et en conséquence un coût social très important : chômage, divorce, dégradation de l’état de santé, surendettement, dépression, suicide…
Que pèsera la défense du jeu responsable par les dirigeants de la FdJ privatisée face à la tentation de certains actionnaires de maximiser leurs dividendes ?
Peut-on arrêter le processus engagé par le gouvernement et revenir sur la privatisation ?
Bruno Le Maire vient d’annoncer que des actions de la FDJ pourront être souscrites entre le 7 et le 20 novembre 2019 par des particuliers et des investisseurs institutionnels à l’occasion de son introduction en bourse.
Or, le Ministre s’était engagé devant le Parlement à l’occasion de l’examen du texte de loi Pacte à ce que « la régulation précède la privatisation » en ce qui concerne la Française des Jeux.
Autrement dit, la mise en place de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) que nous avons appelé de nos vœux et soutenu aurait du intervenir avant les opérations de cessions sur le marché des actifs aujourd’hui détenus par l’Etat, soit 52% du capital.
Si la création d’une telle Autorité nationale des jeux, quasi-unique à l’exclusion des casinos et indépendante, est bien prévue dans le projet d’ordonnance adopté par le conseil des ministres le 2 octobre, cette autorité de régulation ne verra le jour au mieux qu’au 1er janvier 2020, après la privatisation de la FdJ.
Il faut dénoncer ce manquement à la parole, contraire aux engagements pris par le ministre devant le représentation nationale !
Dans un entretien dans le Progrès et les journaux du groupe Ebra, avec Francis Brochet, j’avais pu réagir sur la privatisation de la Française des Jeux rendue possible par l’approbation de la loi PACTE.
Voici le détail de l’entretien :
Rendre les Français actionnaires de la Française des Jeux, est-ce une bonne idée ?
C’est habile ! Le gouvernement joue sur du velours en choisissant l’actionnariat populaire, par rapport au risque de départ, qui était qu’un ou deux investisseurs du secteur des jeux mettent la main sur la Française des Jeux. D’autant que c’est un placement très sûr : l’entreprise est très bien gérée, elle a une trésorerie supérieure de 950 millions d’euros à ses dettes. Ce sera une bonne opération pour les nouveaux actionnaires.
Opération habile, mais vous êtes contre cette privatisation…
Nous sommes contre les privatisations décidées dans le cadre de la loi Pacte, pour une raison simple : c’est une mauvaise opération pour l’État. On nous dit que c’est pour financer un fonds d’innovation, mais on pouvait alimenter ce fonds en versant les dividendes, sans privatiser les entreprises. La Française des Jeux représente chaque année environ 135 millions d’euros de dividendes pour ses actionnaires, dont 90 millions d’euros pour l’État. Celui-ci peut récupérer peut-être un milliard d’euros en vendant ses parts, mais c’est un « one-shot » (une opération à un seul coup ; NDLR), et il se prive ensuite d’une recette régulière.
La privatisation peut-elle favoriser des dérives ?
Le jeu est une activité potentiellement dangereuse, qui exige une régulation très forte. Nous avons obtenu la création d’une autorité nationale des jeux, unifiée et indépendante. Mais le risque existe que les investisseurs privés privilégient les critères de rentabilité, et développent des offres commerciales plus addictives. Nous devrons rester extrêmement vigilants.
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