Tribune dans le JDD : « Pour un déontologue du gouvernement »
Le 16 août 2019
À lire dans le Journal du Dimanche du 4 août, notre tribune appelant à la création de la fonction de «déontologue du gouvernement» avec René Dosière, président de l’Observatoire de l’éthique publique, Matthieu Caron, directeur, Jean-Francois Kerléo, directeur scientifique et mes collègues députées Lauriane Rossi et Christine Pirès-Beaune.
A la suite de la démission de François de Rugy, l’Observatoire de l’éthique publique (OEP), qui a déjà alerté sur le train de vie du gouvernement et le fait que le pouvoir exécutif ne pouvait continuer à fonctionner comme une boîte noire ; propose désormais la création d’un poste de déontologue du gouvernement.
Aussi, nous demandons au Premier ministre Edouard Philippe, de publier très rapidement un décret dans ce sens. Ce qui pourrait constituer un pas supplémentaire vers la transparence, complémentaire à la circulaire du 23 juillet 2019 relative à l’exemplarité des membres du gouvernement.
Voici la tribune de l’Observatoire de l’éthique publique :
« Depuis
les années 2000, la déontologie a fait son entrée au Parlement, au sein
de la magistrature, à la tête des grandes collectivités territoriales
et dans l’administration. Au niveau du pouvoir législatif, le Sénat a
créé un comité de déontologie en 2009 avant que l’Assemblée nationale ne
nomme son propre déontologue en 2011. Au niveau du pouvoir judiciaire,
les magistrats ont dû se doter d’un collège de déontologie depuis 2016,
imitant leurs collègues des juridictions financières (2006) et
administratives (2012). De même, à la suite de la loi du 20 avril 2016
et d’un décret du 10 avril 2017, le communes, les régions, les
départements, les administrations centrales et déconcentrées comme les
établissements publics ont-ils été appelés à désigner des référents
déontologues en leur sein.
Au niveau du pouvoir exécutif, la déontologie a plutôt progressé à pas comptés et par pas de côté
Au
niveau du pouvoir exécutif, la déontologie a plutôt progressé à pas
comptés et par pas de côté. Plusieurs circulaires du 18 mai 2007 et du 2
juillet 2010 ont imposé un certain nombre de règles aux membres du
gouvernement sans que les Français en aient connaissance car ces
circulaires n’ont pas systématiquement fait l’objet d’une publication.
La charte de déontologie des membres du gouvernement, adoptée le 17 mai
2012, n’a pas été reconduite en 2017. Pareillement, la charte de
déontologie des collaborateurs du président de la République, qui avait
été publiée sur le site de l’Elysée le 19 décembre 2014, n’y figure plus
depuis l’alternance. Seules demeurent au final les règles
déontologiques imposées par les lois du 11 octobre 2013, en particulier
l’obligation pour les membres du gouvernement de rendre publiques leur
déclaration d’intérêts et leur déclaration de patrimoine ou le devoir de
se déporter lorsqu’ils s’estiment en situation de conflits d’intérêts.
Ce
manque d’ambition pour la question déontologique peut fragiliser le
pouvoir exécutif, comme vient de le rappeler l’épisode de Rugy. Dans
cette histoire, s’il avait existé un déontologue du gouvernement, le
président de la République et le Premier ministre auraient pu demander à
celui-ci de diligenter une enquête interne et de rendre public un avis
impartial dans un délai très court sur un éventuel manquement à la
déontologie afin d’éviter le risque de surchauffe médiatique.
Dans une note intitulée « Rendre plus transparent le train de vie du gouvernement« , publiée le 17 juillet dernier, L’Observatoire de l’éthique publique a préconisé l’institutionnalisation d’une telle fonction de déontologue du gouvernement. Pourquoi? D’abord, par parallélisme des formes : si toutes les institutions de la République sont désormais pourvues d’un organe de déontologie, pourquoi le Gouvernement ferait-il figure d’exception? Ensuite, et surtout, par conviction qu’il faut renforcer les contrôles déontologiques externes sur l’ordre intérieur de nos institutions politiques. S’il n’y a pas lieu de douter de l’objectivité de l’enquête sur le logement de fonction de François de Rugy, le fait que celle-ci ait été réalisée par le Secrétariat général du Gouvernement (le SGG), lequel dépend hiérarchiquement du pouvoir exécutif, pose question. Ce type d’endo-contrôle manque de légitimité et cultive un sentiment d’endogamie politique ; il renforce inévitablement l’idée que la vie politique relève davantage de l’entre-soi que du don de soi.
Aussi,
pour garantir pleinement son indépendance, nous suggérons qu’un
déontologue du gouvernement soit nommé pour cinq ans, sur proposition du
Premier ministre, par les commissions des lois constitutionnelles des
chambres, à la majorité positive des trois cinquièmes des suffrages
exprimés. Cette fonction de déontologue aurait vocation à être exercée
par un universitaire, un magistrat ou par une personnalité issue de la
société civile, réputé pour sa compétence et son intégrité.
Cette
fonction de déontologue aurait vocation à être exercée par un
universitaire, un magistrat ou par une personnalité issue de la société
civile
Reste à définir quelles seraient les
prérogatives de ce déontologue du gouvernement. Pour commencer, le
Premier ministre pourrait lui demander de rédiger conjointement avec le
SGG un code de déontologie des membres du gouvernement et des cabinets
ministériels. Ce code, dont le déontologue serait le gardien,
regrouperait toutes les règles colligées jusqu’à présent dans les
diverses circulaires non publiées relatives à l’exemplarité
gouvernementale ainsi que toutes les nouvelles règles déontologiques
jugées nécessaires. Sous réserve des compétences de la HATVP, le
déontologue pourrait également être sollicité pour avis par le Président
de la République ou le Premier ministre sur toute question d’ordre
déontologique concernant les membres du gouvernement et des cabinets. Du
reste, ces derniers pourraient eux-mêmes le consulter en cas de
difficulté. Le déontologue aurait par ailleurs vocation à contrôler
l’utilisation de l’ensemble des dotations de train de vie (frais de
représentation, de déplacement et d’hébergement), à commencer par la
dotation de frais de représentation des membres du gouvernement qui peut
s’élever jusqu’à 150 000 euros par an. Le déontologue se verrait
attribuer d’autres missions telles que l’ordonnancement des travaux dans
les logements de fonction ou le recueil des déclarations de cadeaux,
d’invitations ou de voyages des acteurs gouvernementaux. Mais surtout,
il lui appartiendrait de rendre un rapport annuel comprenant des
propositions d’amélioration de la déontologie gouvernementale.
Signataires : René Dosière, président de l’Observatoire de l’éthique publique ; Laurianne Rossi et Johanne Saison, vice-présidentes de l’Observatoire de l’éthique publique ; Matthieu Caron, directeur général de l’Observatoire de l’éthique Publique ; Jean-François Kerléo, directeur scientifique de l’Observatoire de l’éthique publique ; Mathias Amilhat, université de Toulouse ; Emmanuel Aubin, université de Poitiers ; Géraldine Bannier, députée ; Christine Pires-Beaune, députée ; François Benchendikh, Sciences Po Lille ; Sébastien Benetullière, université de Lyon-III ; Olivier Costa, Sciences Po Bordeaux ; Charles de Courson, député ; Karima Delli, députée européenne ; Stella Dupont, députée ; Vincent Dussart, université de Toulouse ; Jean-Michel Eymeri-Douzans, Sciences Po Toulouse ; Arezki Ferdjoukh, chargé des relations institutionnelles de l’Observatoire de l’éthique publique ; Elsa Forey, université de Dijon ; Abel François, université de Lille ; Aurore Granero, université de Bourgogne ; Béatrice Guillemont, université de Toulouse ; Régis Juanico, député ; Remi Lefebvre, université de Lille ; Elina Lemaire, université de Bourgogne ; Jean-Marie Massonnat, trésorier de l’Observatoire de l’éthique publique ; Pierre Morel-A-L’Huissier, député ; Éric Phélippeau, université de Paris-Nanterre ; Romain Rambaud, université de Grenoble ; Antoine Som, secrétaire général de l’Observatoire de l’éthique publique ; Lucie Sponchiado, université Paris Est-Créteil ; Thibault Tellier, Sciences Po Rennes ; Pauline Türk, université Nice Sophia Antipolis ; Cécile Untermaier, députée ; Élise Untermaier-Kerleo, université Lyon-III ; Antoine Vauchez, université Paris-I Panthéon-Sorbonne ; Jean-Luc Warsmann, député ; Franck Waserman, université du Littoral Côte d’Opale ; Sofia Wickberg, Sciences Po Paris ; Fabien Gouttefarde, député ; Nicolas Kaciaf, Sciences Po Lille.
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Démission de François de Rugy : des parlementaires demandent la création d’un déontologue du gouvernement
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