Semaine du 23 au 29 mai

Je suis intervenu à l’Assemblée nationale ce mardi 16 juillet, lors de la discussion générale sur le projet de loi de création de l’Agence nationale du sport et l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, afin d’expliquer pourquoi je voterai contre.
Ce projet de loi tend à sécuriser juridiquement la création de l’Agence nationale du sport (ANS), par un article introduit discrètement au détour d’une loi de ratification d’une ordonnance. En amenant le Parlement à doter cette agence d’une base légale totalement dérogatoire, le gouvernement consacre la fragilité juridique du dispositif.
Après, la disparition du Centre national pour le développement du sport (CNDS) et la diminution de 80% des contrats aidés, la création de l’ANS poursuit le processus de transformation du modèle sportif français, sans même qu’un débat public, pourtant fondamental, ait pu avoir lieu au Parlement à ce sujet.
Non seulement la création de l’ANS peut potentiellement mener au démantèlement du service public du sport au niveau national, ainsi qu’à une politique à plusieurs vitesses dans nos territoires, mais en plus, elle semble mener tout droit à la disparition du Ministère du sport, pourtant si important dans le maintien d’une homogénéité de nos politiques publiques dans les territoires.
Afin de ne pas déposséder soudainement le Ministère du sport de toutes ses prérogatives, le gouvernement a proposé de renforcer ses moyens de contrôle de l’ANS et de mieux organiser ses moyens d’intervention en faveur des politiques publiques décidées par le gouvernement. En d’autres termes, le gouvernement se voit dans la nécessité d’établir une convention d’objectifs entre l’ANS et l’Etat pour s’assurer que ses orientations en matière de politiques sportives, seront bien respectées.
Le gouvernement affirme que « tous les pays qui ont confié la mission d’amélioration de la performance de leurs athlètes à une organisation autonome (Royaume-Uni, Norvège Canada), ont vu leurs performances aux Jeux augmenter significativement, et, à l’inverse, toutes les nations qui conservent un système organiquement étatique, reculent dans les classements ». Cette affirmation est plus que contestable puisque, l’agence UK sport, qui est parmi les exemples les plus cités, est en réalité l’organisation la plus étatique au monde. Quant, à la France, qui a, jusqu’à présent, conservé son Ministère du sport, elle maintient son rang depuis 1996 avec, en moyenne, 40 médailles aux Jeux Olympiques.
Dans la continuité de mes prises de position constantes contre le démantèlement du modèle sportif français, je voterai contre ce projet de loi.
Le détail de mon intervention :
Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le président de commission, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues,
Nous aurions préféré examiner aujourd’hui un projet de loi sport et société, une deuxième loi olympique, une loi d’héritage pour les Jeux de Paris 2024 qui permette de mettre en œuvre des politiques publiques sur le sport-santé, le sport à l’école, le sport dans l’entreprise, le sport facteur d’inclusion des personnes en situation de handicap avec l’objectif partagé par tous ici, d’augmenter le nombre de pratiquants de trois millions, dans notre pays.
Nous regrettons un nouveau glissement dans le calendrier, j’espère que nous pourrons légiférer rapidement au premier trimestre 2020, comme vous l’avez annoncé, madame la ministre, afin qu’un certain nombre de dispositions, puissent produire des effets concrets, un héritage sportif, territorial et sociétal partout en France avant même les Jeux de 2024.
À défaut de loi spécifique qui nous aurait permis de débattre de l’organisation du sport, plus largement d’une vision et d’une ambition de la politique en faveur du sport, je n’aurai pas de remarques à faire sur les articles qui traitent de la ratification des ordonnances sur les voies olympiques.
J’ai de sérieuses réserves, en revanche, sur la création de l’Agence nationale du sport qui n’est pas une simple mesure technique : l’objectif assumé par le gouvernement est d’engager une véritable transformation du modèle sportif français – vous avez parlé de « tournant » – sans que ce débat public fondamental n’ait pu avoir lieu au Parlement.
Le texte proposé vise à sécuriser juridiquement par un article introduit subrepticement dans une loi de ratification d’une ordonnance, la création de l’Agence nationale du sport qui existe déjà depuis le 24 avril 2019.
Tout commence lors de la discussion du projet de loi de finances pour l’année 2019 et le dépôt d’un amendement gouvernemental attribuant les taxes affectées au Centre national pour le développement du sport à une nouvelle Agence nationale du sport, sans existence juridique. Nous vous avions alerté lors des débats budgétaires sur le risque pris, sans être vraiment entendus.
Malgré les mises en garde du Conseil d’Etat dès le mois d’avril sur la nécessité de légiférer, vous avez poursuivi dans l’improvisation en donnant, par un simple arrêté et deux décrets, le statut de groupement d’intérêt public à l’Agence nationale du sport. La fragilité juridique de ce dispositif vous oblige aujourd’hui à demander au Parlement de la doter d’une base légale, totalement dérogatoire.
Autrement dit, vous demandez au Parlement, par ce projet de loi, d’assurer l’existence juridique d’un organisme créé par un arrêté ministériel. La hiérarchie des normes en est renversée et le Parlement est sommé d’approuver une décision administrative constituée en fait accompli.
Sa compétence est ainsi liée, ce qui est contraire au principe démocratique de la séparation des pouvoirs. Un impératif, vous en conviendrez, fort peu respectueux des droits du Parlement.
Dans ses avis successifs, le Conseil d’état a rappelé qu’il y avait de sérieuses interrogations sur la robustesse et la sécurité juridique du dispositif qui a été choisi.
Un dispositif relativement baroque et un peu hasardeux. Baroque au sens où l’on a choisi un groupement d’intérêt public, qui je le rappelle, est une structure juridique qui n’a pas vocation à être pérenne dans la forme initiale dessinée par le projet de loi.
Le Conseil d’Etat a ainsi estimé que « le choix du statut de GIP n’est adapté qu’à des collaborations dédiées à un projet ou à la phase de mise en place d’une agence » et qu’une modification des règles régissant le nouvel opérateur pourrait s’avérer nécessaire à l’issue du vote de la Loi.
Un GIP c’est aussi une structure où, en théorie, tous les partenaires doivent mettre en commun les moyens nécessaires à leurs activités. À ce stade, seul l’Etat participe au financement de l’Agence.
Le Conseil d’État vous a expressément demandé dans son avis de préciser comment l’État, le Gouvernement et votre ministère continueraient de mettre en œuvre les politiques publiques.
Afin de ne pas déposséder votre ministère de toutes ses capacités d’action, il vous a proposé de renforcer les moyens de contrôle de l’Agence par l’État et de mieux organiser ses moyens d’intervention en faveur des politiques publiques décidées par le Gouvernement.
Vous en êtes réduit aujourd’hui à prévoir une convention d’objectifs entre l’ANS et l’Etat pour bien vous assurer que les orientations des politiques publiques de l’État en matière sportive seront bien respectées. C’est le monde à l’envers.
Un « modèle un peu hasardeux » : celui de l’Agence. Il est indiqué dans la présentation du projet de loi que « tous les pays qui ont confié la mission d’amélioration de la performance de leurs athlètes à une organisation autonome (Royaume-Uni, Norvège, Canada), ont vu leurs performances aux Jeux augmenter significativement, et, à l’inverse, toutes les nations qui conservent un système organiquement étatique, reculent dans les classements ».
Cette affirmation, je le dis, est contestable. En tout cas, elle est très discutable et elle mériterait une étude d’impact approfondie et des comparaisons internationales beaucoup plus poussées pour l’étayer.
Premièrement nous ne reculons pas dans les classements sportifs internationaux, nous maintenons notre rang depuis 1996, autour de 40 médailles aux JO. Tous les ministres des sports successifs se sont félicités de ces résultats.
Deuxièmement l’organisation la plus souvent citée en exemple (l’agence UK sports) est l’organisation la plus étatique au monde. La réussite de ce modèle réside finalement plus dans le pragmatisme des anglais et la permanence des équipes en place.
La capacité de signer des conventions d’objectifs avec les fédérations en lieu et place du ministère des sports et le transfert de deux de ses compétences les plus importantes : le sport de haut niveau et le développement de l’accès à la pratique sportive à une agence bénéficiant d’une large autonomie, posent inévitablement la question de l’avenir du ministère des sports.
Vous avez vous même indiqué devant le rapporteur du texte au Sénat qu’il y aurait toujours un ministre des sports « au moins jusqu’aux jeux Olympiques de 2024 » créant l’incertitude au delà de cette date.
La création de l’Agence nationale du sport intervient dans un contexte d’effacement programmé du Ministère en charge des sports avec de nombreuses incertitudes:
Sachant que la compétence sport est aujourd’hui partagée sans qu’une clarification soit intervenue pour savoir qui fait quoi entre les collectivités territoriales et l’Etat, serez-vous en mesure, Madame la Ministre, de garantir que la déclinaison territoriale de l’ANS, un organisme caractérisé par une gouvernance complexe, là aussi partagée entre quatre collèges, ne conduise pas à une politique sportive à plusieurs vitesses en fonction des territoires ?
Les parlementaires qui n’ont pas été associés aux travaux sur la gouvernance du sport ne sont pas seulement là, Madame la Ministre, pour faire remonter les bonnes pratiques identifiées dans les territoires comme vous l’avez indiqué. Ils doivent exercer un contrôle étroit de l’ANS au titre de l’exécution budgétaire, l’essentiel des ressources financières de l’Agence nationale du sport provenant soit de crédits budgétaires du ministère – 130 millions d’euros cette année – soit de taxes affectées que nous votons chaque année – 140 millions pour 2019, seuls 1 million 500 000 euros étant issus de ressources propres.
Une dernière remarque sur la gestion expérimentale de la part territoriale de l’ex-CNDS par une trentaine de fédérations sportives volontaires dans le cadre des nouvelles procédures de l’ANS. Nous avons eu des remontées des bénévoles des comités départementaux ou des ligues régionales à qui ont été confié le travail d’instruction des dossiers de subvention réalisé auparavant par les services déconcentrés de l’État, avec à la clé une surcharge de travail de plusieurs dizaines d’heures. Est-ce vraiment l’objectif de donner davantage de travail administratif aux bénévoles sportifs déjà fortement mis à contribution par leurs activités ?
Madame la Ministre, vous comprendrez qu’avec l’ensemble de ces incertitudes qui dessinent clairement un dessaisissement et un désengagement de l’Etat des politiques publiques du sport et sans un contrôle du Parlement étroit, on y reviendra lors de la discussion des amendements, il est très difficile de voter en l’état un texte qui est, aujourd’hui, fait dans la précipitation et dans une certaine improvisation. Nous voterons contre.
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