Avec ma collègue députée de Seine-Saint-Denis, Marie-George BUFFET (groupe GDR), nous avons déposé une proposition de résolution appelant à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’exercices des Conseillers Techniques Sportifs (CTS), les conséquences qu’engendrerait leur transfert auprès des fédérations ainsi que sur les conditions de ce transfert. Cette proposition de résolution a été signée par 73 députés issus de l’ensemble des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale.
Cette initiative découle du dépôt par le gouvernement d’un amendement à l’article 28 du projet de loi sur la transformation de la fonction publique. Cet amendement prévoit le détachement d’office de fonctionnaires vers des organismes de droit privé, ouvrant ainsi la possibilité au ministère des Sports de détacher les CTS auprès des fédérations même sans leur accord. Cette disposition a suscité de nombreuses réactions dans le milieu sportif et vient déstabiliser l’organisation du sport français à un an des Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo et à cinq ans des Jeux de Paris.
La Ministre des Sport a annoncé que cette mesure même si elle était adoptée, ce qui a été le cas à une courte majorité, ne serait pas appliquée aux CTS. Cette décision n’est pas satisfaisante, l’amendement aurait dû être retiré afin de rentrer dans la phase de concertation annoncée par la Ministre de manière sereine.
Cette demande de commission d’enquête est intervenue au lendemain des déclarations de la Ministre, Roxana MARACINEANU, annonçant un énième rapport sur les CTS en octobre et la nomination de deux tiers de confiance afin de renouer le dialogue avec les CTS. Alors que huit mois ont déjà été perdus sans aucun dialogue et véritable concertation de la part du Ministère des Sports et que la quasi-totalité des acteurs du sport s’opposent au détachement des CTS aux fédérations, le Parlement se doit d’intervenir, pour faire la lumière sur ce dossier à travers le vote d’une résolution ouvrant la voie à la création d’une commission d’enquête.
Ainsi, il convient de dresser un bilan complet sur les conditions d’exercice des CTS, leur apport dans les performances de haut niveau des athlètes français et dans le développement du sport pour toutes et tous et d’identifier les conséquences engendrées par leur transfert auprès des fédérations sportives ainsi que les conditions de ce transfert.
Nous sommes déterminés à nous opposer à ce projet qui va gravement fragiliser le modèle sportif français.
Plus de 70 députés ont demandé ce mercredi la création d’une commission d’enquête concernant le sort des cadres techniques sportifs (CTS). Le Sénat pour sa part a créé une mission d’information. Lire la suite
73 députés ont demandé mercredi la création d’une commission d’enquête. Le Sénat a, de son côté, créé une mission d’information. Lire la suite
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Si l’article 28 sur le détachement d’office des fonctionnaires était adopté, il aurait de graves conséquences sur la fonction publique : il deviendrait l’instrument privilégié pour faire disparaître un certain nombre de corps de fonctionnaires. Vous ne serez pas surpris que je reprenne ici un exemple que j’ai déjà évoqué lors des questions au Gouvernement, la semaine dernière : la crise inédite que traverse le monde du sport depuis maintenant huit mois, du fait de la tentative pour faire évoluer le statut des conseillers techniques sportifs – CTS.
Les CTS sont des fonctionnaires du ministère des sports, des agents de l’État, et sont attachés à ce statut. Leurs missions vont de la détection, de l’accompagnement et de la formation dans nos clubs sportifs jusqu’à l’encadrement, l’accompagnement et l’entraînement des équipes de France vers la très haute performance et le plus haut sommet des podiums, notamment olympiques ou internationaux.
Ils sont donc aujourd’hui les piliers de la cohérence et de la continuité au cœur du modèle sportif français. Leur statut d’agent de l’État leur confère une neutralité, mais aussi la possibilité d’être les garants de l’intérêt général, en assurant notamment la cohérence des politiques publiques de l’État sur l’ensemble de nos territoires.
Ils ont pour spécificité d’être aussi placés auprès d’organismes de droit privé, comme les fédérations sportives, les ligues régionales sportives ou les comités départementaux, tout en étant rattachés au ministère des sports.
Il y a huit mois, après la parution – difficile – du rapport du comité Action publique 2022, qui demandait l’extinction du corps des conseillers techniques sportifs, a été publiée la lettre plafond du ministère des sports, pendant l’été. Bercy exigeait une réduction de 1 600 postes de fonctionnaires au ministère des sports, soit la moitié des effectifs. Tout le monde a compris très vite que c’était les conseillers techniques sportifs qui étaient visés. Cela a d’ailleurs entraîné la démission de Laura Flessel.
C’est comme cela que les choses se sont passées. L’actuelle ministre des sports, Roxana Maracineanu, a d’ailleurs qualifié la lettre plafond de « brutale ».
Mais, depuis huit mois, elle s’évertue à l’appliquer, et sans concertation, puisqu’elle a annoncé il y a quelques semaines l’interruption du concours de recrutement des conseillers techniques sportifs. L’extinction a donc commencé, puisque, sans remplacement des départs à la retraite, le corps des CTS perdra 25 % de ses effectifs d’ici cinq ans, et 50 % de ses effectifs d’ici dix ans.
Pire, il y a quelques jours, juste avant la réunion de la commission des lois sur ce projet de loi, une note blanche a fuité du ministère : elle prévoit le détachement des CTS auprès des fédérations sur la base du volontariat jusqu’en 2025, puis, à partir de 2025, leur détachement d’office. Tiens donc… Quelques jours plus tard, comme par hasard, l’article 28 était amendé par le Gouvernement : l’alinéa 11 prévoit désormais qu’en dehors des cas où ils sont mis à disposition, les fonctionnaires, lorsqu’ils exercent leur mission auprès d’une personne morale de droit privé – comme les CTS auprès des fédérations – peuvent être détachés d’office auprès de cette personne droit privé.
Cet enchaînement de faits n’est pas une pure coïncidence. L’exemple des CTS montre ce qui pourrait arriver à beaucoup d’autres corps de fonctionnaires du fait de cet article 28 qui le permettra.
Cette réforme, soutenue par la seule ministre, rallie aujourd’hui contre elle toutes les oppositions : 1 400 CTS sur 1 600 viennent d’écrire au chef de l’État, et la quasi-totalité des fédérations sportives viennent aussi d’en appeler à son arbitrage. Les sportifs de haut niveau ont été 400 à se mobiliser dès octobre 2018, dont les plus grands noms du sport français. Ils viennent chaque jour témoigner de leur solidarité envers leur encadrement, notamment en portant des brassards rouges, que ce soit à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, dans nos pôles France et nos pôles espoirs ou dans les directions régionales de la jeunesse et des sports.
Cette mobilisation sans précédent montre aujourd’hui une opposition très ferme à ce que serait cette perspective du détachement d’office des fonctionnaires auprès d’organismes privés. Je pense donc que cet article est extrêmement dangereux, et que nous devons absolument nous mobiliser ce soir pour empêcher son adoption.
Nous avons bien compris – et c’est d’ailleurs notre crainte – que le détachement d’office des fonctionnaires ne s’appliquait pas seulement aux conseillers techniques sportifs. Comme cela a été dit hier soir, et à l’instant encore par Mme Buffet, nous craignons que le détachement d’office ne devienne un outil d’extinction massive de certains corps de fonctionnaires orienté par votre boussole idéologique qu’est Action publique 2022.
La méthode employée pour les conseillers techniques sportifs nous donne à craindre fortement que ce phénomène ne se généralise à de nombreux autres corps de fonctionnaires. Permettez-moi un rappel chronologique. En juillet dernier, le rapport Action publique 2022 préconisait l’extinction du corps des conseillers techniques sportifs. Un mois plus tard, la lettre plafond de Bercy prévoyait la réduction de 1 600 postes de fonctionnaires au ministère des sports, soit la moitié des effectifs. Il y a quelques semaines, une note blanche du ministère des sports préconisait le détachement des CTS, sur la base du volontariat, d’ici à 2025, puis d’office après cette date.
J’ai connu huit ou neuf ministres des sports depuis dix ans, et Mme Buffet en a connu beaucoup plus que moi : la ministre actuelle peut prendre tous les engagements qu’elle veut, sa parole n’engagera qu’elle-même et le gouvernement actuel.
Pire, sans attendre la concertation dont on nous a parlé tout à l’heure, qui sera, je l’espère, enfin engagée, le ministère des sports a annoncé la fin des recrutements par concours des conseillers techniques sportifs dès 2019. Une politique d’extinction du corps est bel et bien déjà engagée, avec la réduction de 25 % des postes d’ici à cinq ans, si les départs à la retraite ne sont pas remplacés, et de 50 % d’ici à dix ans. La démonstration est faite : l’article 28 servira d’outil pour l’extinction du corps de CTS mais de beaucoup d’autres corps également.
L’alinéa 11 de l’article 28 élargit les possibilités de détachement d’office, car il prévoit que « en dehors des cas où ils sont mis à disposition, les fonctionnaires, lorsqu’ils exercent leurs missions auprès d’une personne morale de droit privé, peuvent être détachés d’office […] auprès de cette personne morale de droit privé. »
Cela a été dit, l’article 28 ne concerne pas seulement les CTS ; il intéresse aussi les autres fonctionnaires. L’alinéa 11, en revanche, vise explicitement les conseillers techniques sportifs, qui sont aujourd’hui les seuls fonctionnaires dont les missions s’exercent auprès d’organismes privés. Ils sont, en effet, placés auprès des fédérations sportives, des ligues dans les régions et des comités sportifs dans les départements.
Ainsi, sous prétexte d’élargir les possibilités pour d’autres catégories de fonctionnaires, ce sont bien les conseillers techniques sportifs qui sont visés. Nous sommes nombreux à penser que la suppression de cet alinéa, objet de mon amendement, permettrait de retrouver la sérénité qui a beaucoup manqué ces huit derniers mois, la décision de supprimer 1 600 postes de fonctionnaires au ministère des sports étant connue depuis le mois de septembre. La ministre a affirmé, un peu plus tôt, vouloir engager une grande concertation : après avoir perdu huit mois, il était temps, en effet, d’engager le dialogue ! Je note au passage, sans vouloir polémiquer, que faire appel à des tiers de confiance quand on est ministre d’un gouvernement et que l’on mène une négociation avec les fonctionnaires de son ministère, cela n’est pas banal !
Il faut donc retrouver de la sérénité. La suppression de cet alinéa permettrait de rassurer la profession des conseillers techniques sportifs, qui est aujourd’hui vent debout contre cette réforme. Les CTS sont extrêmement déstabilisés, de même que les athlètes, à la veille des grands événements sportifs internationaux que nous avons rappelés tout à l’heure, car cette réforme a été extrêmement mal préparée, notamment en ce qui concerne la compensation financière pour les fédérations ou la recherche de solutions alternatives pour la formation des entraîneurs des équipes de France.
Huit mois après le début de cette crise, des conseillers techniques sportifs songent aujourd’hui à partir à l’étranger pour renforcer des équipes qui seront en concurrence avec les équipes de France lors des prochaines grandes compétitions internationales : c’est la conséquence de la déstabilisation qu’ils vivent depuis huit mois. Nous demandons donc la suppression de l’alinéa 11 de l’article 28.
Les députés Marie-George Buffet et Régis Juanico vont déposer une proposition de résolution demandant la création d’une « commission d’enquête parlementaire » sur les conseillers techniques sportifs. Lire la suite
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Informations précises et pertinentes pour le sport en général qui est de plus en plus en danger. merci pour ces différentes interventions dans l’espoir d’un aboutissement rapide.
Aussi, la commission d’enquête parlementaire interviendra quand?, Dans ce marasme, comme souligné, à quelques encablures d’échéances importantes, la nomination de “tiers de confiance” désignés par la Ministre (Un CTS Y.Cucherat – et un HT fonctionnaire Resplandy-Bernard) n’est-elle pas faite pour gagner du temps (rapport en octobre, ceci semble long….), et dans ce cas que deviendrait le rapport de la commission d’enquête parlementaire?
Merci pour cette défense du sport et le maintien des fonctionnaires très utiles et indispensables non seulement pour les résultats, mais aussi pour le maintien de la cohésion sociale.
Il ne faut pas oublier non plus le rapport de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports “mission relative aux conseillers techniques sportifs” dont les conclussions ne sont pas dans le sens souhaité par .madame Maracineanu.
Que dire de l’indépendance de Y. Cucherat, CTS, certes mais adjoint LREM au maire de Lyon!
que cette commission d’enquête parlementaire voit le jour et puisse travailler sereinement sur cette question.
Il semble y avoir une réelle volonté de “casser” un système qui permet à tous les sports d’exister et d’être à la portée de tous.
Sans doute quelques grandes fédérations pourraient-elles prendre à leur compte les charges liées aux CTS, mais le plus grand nombre d’entre elles ne le pourront pas.
Dans le système actuel, les CTS peuvent passer d’une fédération à une autre; cela ne serait plus possible et l’aide technique et pédagogique serait ainsi concentré sur quelques disciplines.