J’ai répondu à cette question, jeudi 13 septembre, lors d’une réunion de la Commission spéciale chargée d’examiner la loi PACTE, en défendant un amendement de suppression de la privatisation de la Française des Jeux.
La Française des Jeux n’est pas une entreprise comme les autres. Les jeux sont par ailleurs potentiellement source d’addiction.
Les dangers de la privatisation sont multiples.
Le détail de mon intervention :
Pourquoi la privatisation de la Française des Jeux pose un problème ?
Tout simplement parce que la Française des Jeux n’est pas une entreprise comme les autres. D’abord, elle a 26 millions de clients, et le jeu n’est pas une marchandise comme les autres.
Le jeu est potentiellement dangereux. Et donc, les jeux d’argents et de hasard nécessitent une régulation puissante, cohérente en termes de santé publique, en termes d’ordre public, de lutte contre la fraude, de lutte contre le blanchiment, mais aussi de protection contre les risques de dépendance de nos concitoyens.
56% des français jouent, de plus en plus, avec des mises qui sont de plus en plus importantes. La Française des Jeux, c’est 15 milliards de mises sur les 45, au total, des jeux d’argents et de hasard. Et si le nombre de joueurs excessifs ces dernières années est relativement stable, autour de 250 000 ou 300 000 joueurs, le nombre de joueurs à risque modéré a augmenté très fortement ces dernières années, et il se situe autour d’un million de joueurs aujourd’hui.
L’observateur des jeux le dit, les jeux de loteries contribuent très significativement à l’ensemble du jeu problématique (cela concerne aussi très directement la Française des Jeux) pour un coût social exorbitant, à savoir plusieurs milliards d’euros, entre le chômage, le divorce, la santé, le surendettement, la dépression, parfois le suicide. Cela représente en effet des coût sociaux extrêmement importants.
Le jeu est donc problématique aujourd’hui, et notamment le jeu des mineurs qui est un problème particulier (qui fait que 1 jeune sur 3 entre 15 et 17 ans joue et fait des paris sportifs). Ce qui nécessite qu’il y ait une politique publique des jeux responsable, et c’est pourquoi nous défendons cette amendement de suppression de la privatisation de la Française des Jeux, car nous avons à la Française des Jeux, aujourd’hui, une auto-limitation dans la politique interne, un rôle de régulateur.
Par exemple, citons le jeu « Rapido » en 2014. Le PDG, Monsieur Christophe Blanchard Lignac avait tiré la sonnette d’alarme dans la mesure où il s’agissait d’un jeu trop addictif, et a, de ce fait, retiré ce jeu de la commercialisation.
Ainsi , quelle sera l’attitude des actionnaires privés quand ils seront dans le capital de la Française des Jeux ? Es- ce qu’ils seront tentés de maximiser leur dividende, en s’aventurant donc dans une politique commerciale agressive ?
Pour les jeux les plus lucratifs, les plus addictifs, à mon sens, c’est la puissance publique, l’État, qui doit conserver ses positions au sein de la Française des Jeux.
Par conséquent, au-delà de ce qu’à dit Daniel Fasquelle sur le financement du sport (auquel nous reviendrons), je pense que nous avons besoin d’avoir cette participation qui soit encore majoritaire de l’État au sein du capital de la Françaises des Jeux, ce qui permettrait finalement une « double régulation ».
Ma seconde intervention en commission :
Le problème n’est pas dans la privatisation, ni dans l’avenir du rendement fiscal, qui restera extrêmement important, avec plus de 3 milliards d’euros chaque année pour la FDJ, et plus de 5 milliards au total pour l’ensemble des taxes sur les jeux d’argent et de hasard. Il n’est pas non plus dans le monopole, même si Daniel Fasquelle a posé des questions, liées à l’Europe et à sa jurisprudence, qu’il faudra bien traiter.
La grande question est de savoir quel sera le comportement du futur actionnaire privé de référence. Et je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre : que ce soient les associations d’anciens combattants, historiquement présents au capital, les débitants de bureaux de tabac et de presse, présents depuis peu, ou les salariés, ils n’ont pas forcément tous la capacité d’être actionnaires au capital de la FDJ. Il faudra donc régler la situation.
Quel sera son comportement en matière de jeu responsable ? Selon moi, c’est le problème qu’il faut poser. Jusqu’à aujourd’hui, la participation majoritaire de l’État dans le capital de la FDJ servait de corde de rappel, de garde-fou. Une autolimitation venait renforcer la réglementation et la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard.
Ensuite, on a parlé d’un rendement de 90 millions d’euros de dividendes par an. Je trouve que ce n’est pas si mal, d’autant que ce montant augmente assez fortement chaque année. Celui qui rachètera la FDJ – valorisée par le marché entre un milliard et un milliard et demi d’euros – rentabilisera rapidement son investissement, en dix ou quinze ans. N’est-on pas en train de brader un patrimoine national qui rapporte tout de même tous les ans un dividende important ?
Enfin, on est en droit de s’inquiéter pour le sport. Les taxes affectées ont été portées, par voie d’amendement – en « secouant » un peu le gouvernement de l’époque – à un maximum historique en 2017 : 270 millions d’euros. Or la FDJ est aujourd’hui le premier contributeur au financement du sport pour tous. L’an dernier, Gérald Darmanin, avec la majorité, a fait en sorte de diviser par deux ces taxes affectées. On peut donc se demander si les taxes affectées au financement du sport auront une pérennité. Je pose la question très directement au ministre qui est devant moi.
La réponse de la rapporteure, Marie Lebec, et du ministre Bruno Lemaire :
Régis Juanico.C’est une entreprise en très bonne santé financière qui compte près de 26 millions de clients. Son chiffre d’affaires est en croissance constante avec 15 milliards d’euros de mises en 2017, le tiers des mises totales. Les Français jouent de plus en plus et des sommes de plus en plus importantes. Mais c’est sa raison sociale qui la distingue. Le jeu n’est pas une marchandise…
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