Nous avons commencé l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel la semaine dernière en commissions, avant son passage dans l’hémicycle courant juin. La plupart des acteurs que nous avons auditionnés au préalable, nous ont fait partager leurs inquiétudes sur les éléments de réponse que propose cette réforme. C’est tout particulièrement le cas du service public de l’orientation, profondément bouleversé par les disposition de l’article 10. J’ai donc défendu un amendement visant à supprimer cet article en commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Les personnels de l’ONISEP et leurs représentants réunis en intersyndicale (SGEN-CFDT, SNES-FSU, SNPTES) nous ont ainsi alerté sur les conséquences de ce projet de loi pour les élèves, les familles ainsi que pour les publics non scolarisés. Les représentants ligériens de l’intersyndicale, que j’ai reçus à ma permanence parlementaire, m’ont présenté les dangers de l’article 10 de ce projet de loi qui, en transférant les missions des DRONISEP (délégations régionales de l’ONISEP) aux régions, porte atteinte aux missions de l’ONISEP et à son existence.
L’ONISEP (office national d’information sur les enseignements et les professions) est un opérateur public national sous la tutelle du Ministère de l’Education nationale et du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Organisé en réseau, il est implanté dans 17 délégations régionales, sur 28 sites académiques. Cette organisation en réseau permet à l’opérateur de collecter, de traiter les données sur les formations, les établissements, d’alimenter son système d’informations documentaire en vue de diffuser une information exhaustive, de qualité, actualisée en permanence pour différents publics (parents, élèves, étudiants, équipes éducatives) sur l’ensemble du territoire national.
Priver ainsi l’ONISEP de son réseau, séparer les DRONISEP des services de l’Education nationale, remet en cause l’existence même de l’opérateur, et pose la question de la possibilité pour les jeunes et leur famille d’accéder à une information neutre, exhaustive et fiable – soit le droit à l’information inscrit dans le code de l’Education.
L’information en direction des publics scolaires, en devenant une compétence de la région, pose la question de l’accès à une information nationale sur tout le territoire alors même que certaines régions n’avaient rien demandé. C’est tout le service public national de l’orientation et d’information sur les métiers et les formations dans l’Education nationale qui est menacé. Les jeunes et les familles les plus fragiles en supporteront directement les conséquences !
Par ailleurs, alors que la loi ne concerne en rien les CIO (centre d’information et d’orientation) puisque leurs activités et missions ne sont pas concernées par les compétences transférées, le ministère annonce la fermeture des CIO. Le ministère envisage de supprimer ce maillage territorial, qui offre un service public de proximité.
Mon intervention en commission :
Le Gouvernement avait initialement annoncé que la responsabilité de l’orientation serait confiée aux régions. Or l’article 10 montre que cette réforme n’est pas menée jusqu’à son terme puisque seule la gestion des DRONISEP est confiée aux régions. En revanche, les oubliés de la réforme sont les 3 800 psychologues de l’éducation nationale, placés sous la responsabilité hiérarchique des directeurs des 535 CIO, au sujet desquels existent de fortes inquiétudes. Je suis conscient du scepticisme ambiant que suscitent les psychologues de l’éducation nationale, autrefois appelés conseillers d’orientation-psychologues (COPSY).
Beaucoup regrettent le flou qui entoure leurs missions et affirment qu’une proportion non négligeable d’élèves, parfois jusqu’à la moitié, ne les consulte jamais. Ce n’est pourtant pas parce que leur ministère de tutelle ne les a jamais pris en considération qu’il faut les ignorer ou les écarter de la réforme de l’orientation. Le projet de loi aurait pu contenir un article visant à mobiliser et à moderniser ces services d’orientation en leur confiant tout leur rôle dans la mise en œuvre du service public de l’orientation, plutôt que de leur donner le sentiment qu’on leur ôte certaines de leurs missions.
En 2013, j’ai rédigé avec Jean-Frédéric Poisson un rapport de contrôle et d’évaluation qui portait sur la question de l’orientation. Nous y faisions le même diagnostic que Mme la rapporteure concernant le manque de visibilité du portail de l’information et de l’orientation pour les élèves. Nous préconisions le renforcement des moyens alloués aux psychologues de l’éducation nationale dans les lycées et les collèges, de sorte qu’ils n’aient jamais plus de mille élèves à suivre et que leur travail soit facilité.
Amendement de suppression de l’article 10 by Régis Juanico on Scribd
La réponse de la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles :
Personne ne remet en question l’équité et la qualité de l’information diffusée par la structure nationale qu’est l’ONISEP. Elle devra toujours conserver les moyens d’être alimentée par sa base. Il n’est aucunement question de tuer l’ONISEP, un établissement public que de nombreux pays nous envient pour la qualité des informations qu’il diffuse.
L’objectif est plutôt d’outiller les régions en matière d’information locale et afin qu’elles puissent exercer cette mission d’orientation. Les personnels auront le choix de rejoindre ou non la collectivité territoriale, et certains agents des DRONISEP conserveront leur mission de veille et de transmission d’informations à l’ONISEP.
Ensuite, il est prévu qu’une convention-cadre nationale soit déclinée dans toutes les régions académiques. Ainsi, l’État encadrera l’action des régions en matière d’orientation pour veiller à ce que des exigences communes soient respectées en toute équité d’une région à l’autre.
Concernant les CIO, nous voulons améliorer la qualité de l’accompagnement et la performance du parcours Avenir – en tant qu’ancienne cheffe d’établissement, je suis bien placée pour en parler –, encore trop aléatoires car elles dépendent de l’implication et du volontarisme des enseignants, du chef d’établissement, du professeur documentaliste ou du conseiller principal d’éducation et de leur capacité à nouer des partenariats et à mobiliser des entreprises ; j’y ajoute, à l’intention de M. Le Bohec, l’action des comités locaux école entreprises (CLEE). C’est l’information sur la recherche de partenariats avec les entreprises que la région pourra offrir aux établissements, dans le cadre de présentations de métiers par exemple. Il me semble donc très utile que la région ait la possibilité de mettre un pied dans les établissements scolaires pour dynamiser la connaissance qu’ils ont du monde économique.
En revanche, sur l’autre versant de l’orientation qu’est l’accompagnement, il se trouve des établissements qui ont décidé de payer des coaches extérieurs, ce qui est très inquiétant. Il faut que cette mission d’accompagnement soit mieux assurée. Si les psychologues de l’éducation nationale peuvent consacrer un peu plus de temps aux établissements, toute la communauté scolaire en sera très contente. Il ne s’agit évidemment pas de fermer les CIO. Cette mesure n’est d’ailleurs pas prévue dans le projet de loi. J’ai conscience qu’il faut prendre en charge certains publics particuliers comme les primo-arrivants. Il faut poursuivre la restructuration de la carte des CIO et accroître le temps de présence des psychologues de l’éducation nationale dans les établissements. Je suis consciente de ces questions sur lesquelles j’ai été alertée lors des auditions. En conséquence, j’émets un avis défavorable aux deux amendements.
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