Ce mardi 10 avril paraît dans Le Monde (voir plus bas), ma tribune sur les dangers de la privatisation de la Française des Jeux (FdJ). Elle fait suite à mon interpellation du ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire (voir ci-après), lors d’une séance de questions sur le programme de privatisations du gouvernement, le 4 avril dernier.
Il apparaît hasardeux de vouloir modifier à la va-vite, sans véritable réflexion, ni concertation, le capital de la FdJ. Car la FdJ n’est pas une entreprise comme les autres, le jeu n’est pas une marchandise comme les autres !
En effet, la FdJ vend un produit, le jeu d’argent, lui-même dangereux. Elle représente près de la moitié des dépenses des Français en matière de jeux d’argent et plus de la moitié des taxes que l’Etat prélève sur ces jeux.
En outre, la FdJ est le premier contributeur du sport pour tous dans notre pays : un effort à hauteur de 80% des ressources financières du Centre National de Développement du Sport (CNDS), via les prélèvements sur ses jeux de loterie, de grattage et de paris sportif.
Christophe Blanchard-Dignac, ancien Président de la FDJ, estimait lui-même qu’il était parfois difficile d’arbitrer entre les résultats de l’entreprise et la responsabilité sociale de l’entreprise.
Que pèsera la défense du jeu responsable par les dirigeants de la FdJ face à la tentation des actionnaires de maximiser leurs dividendes ?
La prévention et le respect de l’interdiction du jeu des mineurs, la lutte contre les addictions, la lutte contre le blanchiment d’argent sale, le financement du sport pour tous : toutes ces missions d’intérêt public de la FdJ ne doivent pas être bradées !
Régis JUANICO
Député Nouvelle Gauche de la Loire.
Co-président du groupe de travail sur les Jeux Olympiques et Paralympiques
Co-rapporteur pour l’évaluation de la régulation des Jeux d’Argent et de Hasard à l’Assemblée Nationale
Ma Tribune dans Le Monde :
Je suis intervenu, mercredi 4 avril 2018, en séance publique, lors des Questions sur le programme de privatisations du Gouvernement, pour poser une question au Ministre de l’Economie Bruno le Maire, sur la privatisation de la Française des Jeux.
Le texte de ma question :
“Monsieur le Ministre,
Ici même, le 21 février dernier, j’alertai le Ministre des Comptes publics Gérald Darmanin sur les risques d’une privatisation de la Française des Jeux.
Ce secteur d’activité nécessite une régulation puissante et cohérente pour des raisons de santé publique, d’ordre public, de lutte contre la fraude et de protection de nos concitoyens contre les risques de dépendance.
La FdJ n’est pas une entreprise comme les autres, le jeu n’est pas une marchandise comme les autres.
Selon l’Observatoire des Jeux, les jeux de la FdJ -ce qui est logique au regard de son poids majeur dans ce secteur- génèrent 60% du problème de jeu problématique en France. On peut estimer à 900 millions d’euros les seuls coûts directs sur le budget de l’Etat et à 8 Milliards 700 Millions d’euros l’ensemble des coûts économiques et sociaux.
Christophe Blanchard-Dignac, ancien Président de la FDJ, estimait qu’il était parfois difficile d’arbitrer entre les résultats de l’entreprise et la responsabilité sociale de l’entreprise. C’est cette responsabilité qui l’avait conduit à supprimer le jeu Rapido, considéré comme trop addictif, en 2014.
Qu’en sera-t-il avec un actionnariat privé ? Que pèsera la défense du jeu responsable par les dirigeants de la FdJ face à la tentation des actionnaires de maximiser leurs dividendes ?
L’autre inquiétude, Monsieur le Ministre, porte sur le financement du sport.
La FdJ est le 1er contributeur du sport pour tous dans notre pays : un effort à hauteur de 80% des ressources financières du Centre National de Développement du Sport, l’an dernier, via les prélèvements sur ses jeux de loterie, de grattage et de paris sportif.
Mais, ces taxes affectées ont été ramenées pour la seule FdJ de 210 millions d’euros en 2017 à 93 millions d’euros en 2018. Faut-il voir dans ce « coup de rabot » de moitié, sans précédent de la part de Bercy, une première étape du désengagement de la FdJ dans le financement du sport ?
Qu’en sera-t-il, monsieur le Ministre, de ces missions d’intérêt général pour un actionnaire privé ?
La prévention et le respect de l’interdiction du jeu des mineurs, la lutte contre les addictions, la lutte contre le blanchiment d’argent sale : toutes ces missions d’intérêt public de la FdJ ne doivent pas être bradées !”
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Réponse de Bruno Le Maire, Ministre :
Les jeux resteront un monopole. Il n’est pas question de revenir sur le principe du monopole. L’idée d’ouvrir ce secteur à une concurrence illimitée parce que nous privatiserions la Française des jeux n’est pas dans la logique de la cession à laquelle le Gouvernement veut procéder.
Il s’agit d’éviter un développement excessif des jeux en France. Qu’il s’agisse des jeux de grattage, du loto ou du pari sportif, tous resteront de l’ordre du monopole. Et une régulation s’appliquera. Je souhaite, et j’en ai discuté longuement avec Gérald Darmanin, qui a autorité sur la Française des jeux, qu’une autorité de régulation soit mise en place, parce qu’il y a un risque d’addiction, que je ne mésestime pas.
Elle appliquera ses contrôles à l’ensemble de ces jeux pour éviter le développement des addictions. Et ces contrôles s’inscrivent dans la même perspective que précédemment : il s’agit d’avoir une régulation forte, cohérente et, s’agissant de la Française des jeux, réinventée, afin de garantir le maintien du contrôle de l’État même lorsqu’il cède ses actifs.
Par conséquent, soyez rassuré, puisque je vous annonce que nous allons mettre en place cette autorité de régulation qui permettra de s’assurer qu’il n’y a pas de développement d’addictions au jeu dans le cadre de cette opération.”
Le député PS Régis Juanico a mis en garde contre “les dangers d’une privatisation” de la Française des jeux, en particulier pour les joueurs soumis au risque d’addiction, dans une tribune publiée dans Le Monde daté de mercredi. “La FDJ vend un produit dangereux. C’est pourquoi il apparaît hasardeux de vouloir modifier sans véritable réflexion ni concertation le capital de la FDJ, un acteur qui représente près de la moitié des dépenses des Français en matière de jeux d’argent et plus de la moitié des taxes que l’État prélève sur ces jeux”, écrit l’élu de la Loire.
A quelques jours du vendredi 13, grand jour de loto en France, le député socialiste de la Loire Régis Juanico a écrit une tribune dans Le Monde pour alerter sur les risques de la privatisation de la Française des Jeux.
Lors de la présentation de ses résultats pour 2017, la Française des Jeux a affiché des bénéfices à nouveau en hausse et vanté un modèle basé sur une forte régulation de l’Etat.
Confirmée récemment par le Gouvernement, la future privatisation de la Française des Jeux (FDJ) n’est pas sans risque selon le député socialiste de la Loire Régis Juanico, qui a publié une tribune dans Le Monde sur le sujet.
C’est un paradoxe étatique aux vieux accents jésuites. En France, les jeux d’argent et de hasard «sont soumis à une interdiction générale de principe». Ils sont interdits en raison des risques qu’ils comportent. D’abord pour l’ordre public (en favorisant la fraude voire des activités criminelles). Ensuite pour l’ordre social et la protection de la santé (compte tenu des risques d’addiction et de surendettement). Lire la suite …
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