Je suis intervenu ce jeudi 7 décembre lors de l’examen en séance publique de la la Proposition de loi visant à instaurer une taxe sur les transferts de sportifs professionnels. J’ai proposé la création d’une contribution financière assise sur les participations financières des partenaires privés au Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 en faveur du CNDS, opérateur du sport pour tous sur les territoires.
Le groupe Nouvelle Gauche est favorable au principe d’une taxe sur les transferts de sportifs professionnels, tout comme au renforcement et à la création de nouveaux mécanismes de solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur. Au demeurant, la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui, même si elle part d’une bonne intention, se trompe de cible dans ses modalités d’application.
Nous croyons à la nécessité de mieux réguler et de redistribuer en partie les sommes des transferts devenues colossales, en particulier dans le football professionnel. Il faut savoir qu’à la fin de cette année les indemnités de transfert actuellement versées dans les clubs des cinq grands championnats européens vont sans doute dépasser le record de 2016 de 4,5 milliards d’euros. Depuis dix ans, le nombre de transferts -près de 15000- a été multiplié par cinq et les indemnités liées à ces transferts ont été multipliées par huit : ces transferts représentent 900 millions d’euros uniquement pour la France en 2017. Des sommes considérables circulent et de nombreux intermédiaires, entourage ou agents des joueurs, en profitent au passage.
Toutefois, autant nous plaidons en faveur de cette régulation, autant nous pensons qu’il faut en la matière agir à l’échelle européenne et internationale : nous ne croyons pas à une taxe qui serait instaurée dans un seul pays. À ce titre, une étude d’impact précise aurait été utile pour nous éclairer sur les conséquences de l’application d’une taxe sur les transferts de sportifs professionnels applicable… en France. Malheureusement, les études d’impact ne sont pas encore obligatoires pour les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de l’Assemblée, même si nous y travaillons pour l’avenir au sein du groupe de réflexion de notre Assemblée sur l’évaluation et le contrôle. J’aurais aussi été intéressé d’avoir l’avis du Conseil d’État sur le texte, en particulier sur sa conformité au droit européen et bien évidemment sur sa faisabilité technique, son impact économique et financier .
Le bon niveau de régulation et d’action est européen. L’UEFA a déjà adopté plusieurs mécanismes, en particulier, en 2010, avec le fair-play financier, que connaît bien notre collègue Marie-George Buffet, qui permet de mieux réguler les budgets et l’évolution de la masse salariale des grands clubs européens. La FIFA elle-même, en 2015, a décidé d’interdire la tierce propriété des footballeurs professionnels. Il existe en France pour les Ligues Professionnelles un système de contrôle rigoureux des clubs par les directions nationales du contrôle de gestion (DNCG), qu’il faudrait d’ailleurs pouvoir transposer à l’échelon européen. Enfin, depuis 2001, au niveau de la FIFA, une indemnité de formation et de solidarité est versée, à l’occasion des transferts internationaux de joueurs, aux clubs formateurs pour les joueurs qui y ont été formés entre leur douzième et leur vingt-troisième anniversaire. Sans doute faudrait-il d’ailleurs améliorer ce dispositif qui ne profite qu’à certains clubs, tout comme il faudrait progresser dans l’encadrement de la profession très lucrative d’agents sportifs et la protection du système de formation des jeunes joueurs, c’est un domaine où la France est leader et il ne faudrait pas pénaliser cet avantage, via une taxe telle que vous l’envisagez.
En tout état de cause, tous ces mécanismes de régulation vont dans la bonne direction, et je proposerai bien volontiers à Madame la Ministre que tous nos groupes ici présents se mobilisent ensemble pour faire avancer, en lien avec l’UEFA, le dossier de taxe sur les transferts de sportifs professionnels au Parlement Européen, à la commission européenne, où ce un sujet est en réflexion depuis… 2013, et où il a visiblement besoin d’un coup d’accélérateur politique.
Si votre proposition de loi était adoptée, il faut savoir que les deux transferts les plus importants de l’année, celui de Neymar, depuis le FC Barcelone, et celui de Mbappé depuis l’AS Monaco, deux transferts d’un montant de plus de 100 millions d’euros chacun, n’auraient pas été concernés par le dispositif puisque les deux clubs ne sont pas soumis à notre législation fiscale – ce que je regrette pour l’AS Monaco, qui évolue pourtant dans notre championnat national…
En 2013, avec M. Guenhaël Huet, alors député Les Républicains, nous avons mené une mission d’information commune sur la politique de soutien au sport professionnel et les solidarités avec le sport amateur. Conclusion : pour un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros, il y a aujourd’hui moins de 10 % de retour financier du sport professionnel vers le sport amateur, qu’il s’agisse de ce que versent les ligues aux fédérations et la taxe Buffet – 130 millions –, de ce que donnent les clubs professionnels à leurs associations supports – 70 millions – ou du prélèvement sur les paris sportifs – un peu plus de 30 millions. Je crois possible d’aller au delà de 10% de solidarité entre le monde professionnel et amateur en renforçant d’abord ces ressources existantes (le reversement de la Ligue de Football Professionnel à la Fédération Française de Football devrait, par exemple, augmenter mécaniquement si le montant des droits télés augmente en 2020, car il s’agit d’un pourcentage de 2,5% de ces droits télés)
Nous sommes tout à fait favorables à ce qu’on renforce les mécanismes de solidarité financière entre sport professionnel et sport amateur, et à ce qu’on flèche les ressources vers le CNDS, opérateur de l’Etat en faveur du Sport pour tous, sur les territoires. Cela dit, avant de flécher une taxe hypothétique vers le CNDS, il faudrait déjà faire en sorte de préserver les ressources actuelles de cet établissement et donc le niveau des taxes affectées dont la grande majorité sont issues des prélèvements des jeux de tirage et de grattage de la Française des Jeux.
Je rappelle en effet que le Gouvernement -avec les soutien de certains députés ayant signé cette proposition de loi- a fait voter une économie nette de 64 millions d’euros sur les ressources du. CNDS dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. Les taxes affectées qui se trouvent ainsi rabotées ou supprimées sont, d’une part, le prélèvement exceptionnel de 0,3 % dont le prolongement a été voté l’an dernier – à l’unanimité je le rappelle –, qui assurait 25 millions d’euros chaque année jusqu’en 2024 au fonds « Héritage Paris 2024 », destiné aux petits équipements sportifs des collectivités ou à l’accompagnement des projets des clubs amateurs en lien avec les Jeux Olympiques et Paralympiques, d’autre part, la taxe Buffet, dont le plafond est abaissé de 40 millions d’euros à 25 millions d’euros. Ce prélèvement sur la cession de droits télévisés d’événements sportifs se déroulant en France est le symbole même de la redistribution entre le sport professionnel et le sport amateur – j’avais même essayé il y a trois ans, d’élargir son assiette en la faisant porter également sur les détenteurs de droit à l’étranger, mais malheureusement, cet article voté par la Représentation Nationale a été censurés par le Conseil constitutionnel, ce qui a privé le CNDS de 15 millions d’euros supplémentaires.
Enfin, je souligne que le prélèvement sur les paris sportifs a également été raboté de 10 millions d’euros, alors qu’il avait été augmenté du même montant l’an dernier, là aussi pour abonder le fonds Héritage JOP2024 en faveur du sport amateur alors qu’il porte sur une ressource très dynamique – plus 45 % pour les mises en 2016 après plus 30% en 2015 – et qu’il me paraît logique que le prélèvement effectué sur les paris sportifs revienne au développement du Sport pour tous.
Bref, il ne suffit pas de parler du CNDS, il faut également préserver et consolider ses crédits ! Je veux terminer en faisant une proposition dans ce sens pour l’avenir: pourquoi ne pas consacrer un pourcentage à définir sur les contributions financières des partenaires privés au Comité d’Organisation des Jeux, le COJO -un milliards d’euros étant attendus- à l’Héritage sportif et territorial des JOP 2024 au profit de la structure dédiée, à mon sens, le CNDS.
Malgré des intentions louables, le groupe Nouvelle Gauche ne votera pas la proposition de loi.
PARIS, 7 déc 2017 (AFP) – L’Assemblée nationale a rejeté jeudi une proposition de loi UDI-Agir prévoyant une taxe de 5% sur les gros transferts dans le foot pour financer le sport amateur, au motif qu’une telle régulation devrait plutôt être décidée à un niveau européen pour ne pas affaiblir les clubs français.
Le rapporteur Michel Zumkeller a justifié sa proposition par le contraste entre les “difficultés croissantes” du sport amateur et l’explosion du montant des transferts avec 916 millions d’euros en 2017 en France, dont le record de 222 millions dépensés par le PSG pour la venue de la star brésilienne Neymar.
“On côtoie tous des Assemblées générales de petits clubs dont les bénévoles nous parlent des contraintes mises par les fédérations et qui se démènent pour trouver 3 ou 4.000 euros”, a expliqué ce député UDI du Territoire-de-Belfort.
La taxe s’appliquerait au club acheteur, forcément français, et à partir d’un certain montant de transfert. Les sommes récoltées alimenteraient le Centre national pour le développement du sport (CNDS) avec obligation de répartition aux clubs sportifs amateurs.
Si tous les groupes ont dit partager cette problématique, seul François Ruffin (LFI) l’a soutenue sans réserves.
Le député Insoumis a arboré le maillot vert d’un petit club amateur de la Somme dans l’hémicycle, ce qui lui a valu d’être sanctionné par le président François de Rugy (LREM), d’un quart d’indemnité mensuelle en moins. Il a narré la vie des bénévoles “qui lavent, plient et rangent les maillots pour pas un rond” et vanté “le don de soi dans une société où tout se marchande”.
“La proposition a le mérite d’ouvrir le débat”, a salué l’ancienne ministre communiste des Sports Marie-George Buffet, à l’origine d’une taxe de 5% sur le montant des cessions des droits de diffusion, reversée au sport amateur (39 millions d’euros cette année). “Mais elle ne sera efficace qu’à un niveau européen. Nous pouvons pousser l’UE à aller plus loin”, a-t-elle jugé.
Même argumentation du socialiste Regis Juanico déplorant que la proposition ne contienne “ni d’étude d’impact économique, ni d’avis juridique sur sa conformité au droit européen”.
“Au final, on aura une baisse de la compétitivité des clubs professionnels et une baisse des recettes pour les clubs amateur”, a argumenté Fabien di Philippo (LR).
Pour la ministre des Sports Laura Flessel, le “véritable terrain de jeu” se situe “au niveau européen”, où “un fossé continue à séparer les clubs français des meilleurs acteurs du marché en Europe”. “Et c’est un enjeu capital car les clubs sont d’importants pourvoyeurs d’attractivité territoriale et d’emploi”, a-t-elle plaidé.
Elle a indiqué avoir proposé à la présidence de l’UE une réunion à Paris au premier trimestre 2018 pour “concevoir une relance européenne dans le sport, autour des États membres volontaires”, sans plus de précisions.
L’orateur LREM Cédric Roussel a, lui, fait référence à la rencontre mardi à l’Elysée entre Emmanuel Macron et le président de la FIFA Gianni Infantino.
Le chef de l’Etat a “proposé à la Fifa que la France concoure à l’organisation d’un temps de réflexion avec les différents pays européens sur les réformes de la législation européenne qu’il serait nécessaire d’engager pour accompagner cette démarche régulatrice”, avait dit M. Infantino dans un commuiqué.
“Ne prenez pas ce rejet pour une défaite, on vous propose de jouer la Champion’s League”, a lancé M. Roussel à M. Zumkeller.
“Dans notre conception de l’Europe, il faut bien qu’un pays commence. Sinon, on y sera encore dans quatre, cinq ou dix ans”, lui a répliqué le rapporteur.
La proposition de loi avait déjà suscité l’opposition des clubs professionnels.
Interrogé par l’AFP, Bruno Belgodère, directeur des affaires économiques du syndicat de clubs Première Ligue (qui regroupe les principaux clubs de Ligue 1), avait argumenté que “chaque année notre contribution pour le sport amateur est de 100 millions, soit 5% de notre chiffre d’affaires”.
“On voudrait être considéré comme une activité comme une autre. Quand les clubs achètent des joueurs, on peut aussi considérer que c’est de l’investissement”, avait-t-il plaidé.
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.
Laisser un commentaire