Le groupe SUEZ a déposé en Préfecture de la Loire un dossier de demande d’autorisation d’exploiter le site d’enfouissement des déchets de Borde Matin à Roche-la-Molière jusqu’en 2051.
Aussi, une enquête publique réglementaire est actuellement en cours et constitue l’objet de la présente contribution.
Dans le cadre global de la demande portée par SUEZ, l’institution de Servitudes d’Utilité Publique est requise pour assurer une bande d’isolement de 200 mètres autour des casiers de stockage des déchets. A cet égard, les propriétaires de parcelles concernés (180 parcelles détenues par 19 propriétaires) ont été sollicités en vue d’émettre un avis. Nous avons pu inviter certains d’entre eux à faire entendre leur voix.
Comme prévu par l’article R 515-31-2 du Code de l’environnement, le projet doit être communiqué aux Maires concernés (communes de Roche-la-Molière et du Chambon-Feugerolles en l’occurrence).
Le Préfet de la Loire a donc sollicité l’avis des Conseils municipaux des communes impactées par le projet. Nous avons écrit à l’ensemble desdits Conseils municipaux pour leur faire part de notre point de vue et inviter les Maires, au-delà de toute considération partisane ou politicienne, à partager notre position.
Notre position est constante sur ce dossier depuis des années : nous considérons que Roche-la-Molière et les Rouchon-ne-s ont suffisamment subi les nuisances liées à l’exploitation du site depuis 1972 : nuisances olfactives, trafic routier, pollution visuelle par grand vent, etc.
Nous sommes farouchement opposés aux demandes formulées par SUEZ, et ce pour plusieurs raisons.
L’exploitant demande en effet une rehausse de ses casiers de stockage ainsi qu’une extension géographique de ses installations, pour aboutir à une capacité totale de stockage du site qui passerait de 5 355 000 tonnes déjà autorisées à 11 404 060 tonnes, avec une capacité de 500 000 tonnes annuelles maximum (300 000 T/an en moyenne), jusqu’en 2051.
En doublant la capacité totale de stockage du site, dans une tendance baissière du volume de déchets enfouis annuellement, il est aisé de comprendre que le site pourra être exploité plus longtemps, en l’occurrence, pendant la durée d’une génération humaine supplémentaire (25 ans !). Car c’est bien de cela dont il s’agit : c’est de l’augmentation de la capacité de stockage totale du site, liée à la rehausse des casiers de stockage ainsi qu’à son extension géographique que découle l’importante durée de l’éventuelle prolongation d’autorisation d’exploitation, et non l’inverse.
Nous ne sommes pas des irresponsables, et ne demandons nullement la fermeture immédiate du site. Nous sommes simplement des élus soucieux de la défense de leur territoire et de ses habitants. Nous considérons que depuis plus de 40 ans, les Rouchon-ne-s ont pris toute leur part, et même plus que leur part, à la solidarité départementale nécessaire lorsque l’on parle de gestion des déchets.
Aussi, nous sommes contre toute augmentation de la capacité de stockage totale du site qui entraine mécaniquement une augmentation de sa durée d’exploitation. 5 355 000 tonnes déjà autorisées à Roche : ça suffit !
Il ne s’agit pas pour nous de « négocier » de quelque manière que ce soit les projets de SUEZ, notamment en demandant une réévaluation des contreparties financières dont bénéficient les communes impactées. Qui imaginerait que l’on puisse « brader » le cadre de vie et la santé des habitant-e-s de ces communes pour quelques (centimes d’)euros de plus par tonne de déchets transportée ?
Notre opposition se nourrit également de la demande de dérogation pour destruction ou détérioration d’habitats d’espèces protégées menée en parallèle de la demande de poursuite d’exploitation. Comment justifier une telle dérogation à l’heure où le Département de la Loire s’engage, aux côtés de plusieurs communes, dans la mise en place d’un périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN), d’autant plus que l’emprise foncière globale du site potentiellement étendu, incluant la bande d’isolement des 200 m, serait portée à plus de 78 Hectares !
Par ailleurs, alors que la demande portée par SUEZ évoque également des « activités nouvelles » dont le traitement des déchets à base de plâtre et le traitement de terres polluées, le rapport de l’inspection des installations classées se montre très critique sur plusieurs points du dossier, et notamment sur « la conception et la pérennité […] des dispositifs de collecte des lixiviats et biogaz, compte tenu des risques de tassement différentiels engendrés par la rehausse du stockage des déchets, mais également compte tenu de la présence de remblais sur la zone d’extension ».
Toutes ces raisons justifient notre opposition de fond à un tel projet, à laquelle s’ajoutent des remarques de forme quant aux modalités de conduite de l’enquête publique : en effet, et bien que nous saluons la possibilité de consulter le registre de l’enquête de façon dématérialisée, en ligne, il nous semblait opportun qu’un véritable débat public, informatif, pédagogique et contradictoire, eusse pu avoir lieu.
En matière de gestion des déchets, il convient avant tout d’en limiter la production, d’une part, et de développer les alternatives à l’enfouissement, d’autre part. Certes. Mais encore faut-il que ces alternatives soient crédibles, pertinentes et fassent l’objet d’une large concertation. Nous rappelons à ce titre notre opposition au récent projet du SYDEMER, abandonné depuis, visant à la création d’un « pôle de valorisation des déchets », basé entre autres sur le tri mécano-biologique, lequel ne respectait pas les orientations de la loi sur la Transition énergétique en matière de réduction des quantités de déchets enfouies.
En tout état de cause, la volonté de développement de solutions alternatives à l’enfouissement ne fait que renforcer notre conviction quant à la nécessité de nous opposer à toute augmentation de la capacité totale de stockage du site Borde Matin : en effet, et comme nous l’avons déjà écrit, toute augmentation du volume potentiel de stockage, corrélée à une diminution de la quantité de déchets enfouie annuellement, impliquera de fait un rallongement de la durée d’exploitation. Aujourd’hui, l’autorisation court jusqu’en 2026. Demain, peut-être jusqu’en 2051. Quand cela s’arrêtera-t-il ?
Régis JUANICO, Député de la Loire
Arlette BERNARD, Conseillère départementale
Pierrick COURBON, Conseiller départemental
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