J’étais l’invité de France Bleu Matin, ce mardi 13 janvier 2015, interviewé par téléphone depuis l’Assemblée nationale où se tenait ce jour-là une séance spéciale consacrée aux attentats des 7 et 8 janvier derniers.
Julien Corbière : D’abord votre réaction à la Une de Charlie Hebdo, tiré demain à trois millions d’exemplaires, on y voit Mahomet avec une pancarte “Je suis Charlie” et ce titre : “Tout est pardonné”. Ça dit l’essentiel pour vous ?
Régis Juanico : Oui. Charlie Hebdo doit rester Charlie Hebdo. Après le formidable rassemblement de 4 millions de Français dimanche dans la rue, avec beaucoup de force, de dignité et de courage, de sang-froid aussi,eh bien Charlie Hebdo doit rester Charlie Hebdo et la liberté d’expression doit l’emporter.
Cette Une résume bien pour vous la situation et cette nécessité d’unité nationale ?
Oui, tout à fait. Nous avons une immense responsabilité et un devoir, notamment les élus, c’est d’être à la hauteur de ce formidable rassemblement de dimanche et de faire vivre l’esprit du 11 janvier.
Il fallait mettre Mahomet en Une de Charlie Hebdo ?
Charlie Hebdo, c’est ça, c’est la liberté d’expression absolue. Il faut comprendre que, dans notre pays, c’est valeur essentielle et que nous la défendrons jusqu’au bout.
Est-ce qu’il faut plus de militaires, plus de policiers, comme l’annonce le Gouvernement, pour protéger les Français, protéger les Ligériens, protéger les Stéphanois ?
Je dois dire d’abord que c’est une journée, aujourd’hui, de recueillement, d’émotion et d’hommage. La représentation nationale, à 15h, rendra hommage aux victimes des attentats. Les premières décisions seront annoncées par Manuel Valls cet après-midi. Il y a aussi un vote très important cet après-midi, c’est le hasard de l’ordre du jour qui veut cela, mais le Parlement doit autoriser la poursuite des opérations militaires françaises en Irak.
Pour revenir à la sécurité, il va y avoir 10 000 militaires en plus. Est-ce que vous vous sentez rassuré ?
Oui, c’est un déploiement exceptionnel, c’est du jamais vu. C’est dix fois plus de présence policière et militaire que ce qui est prévu aujourd’hui par le dispositif Vigie Pirate. Ce sont donc des décisions qui sont à la hauteur de la situation : dans les gares, dans les musées, dans les bâtiments publics, dans les écoles, dans les lieux de culte, dans les écoles confessionnelles… Je veux souligner qu’il ne s’agit pas que des écoles confessionnelles juives, mais aussi les lieux de cultes musulmans : vous savez qu’il y a des mosquées qui ont été attaquées ces derniers jours. La République doit protéger tous ses citoyens.
Est-ce qu’il faut un Patriot Act à la française ? Cette loi qui a été prise aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre et qui restreint très fortement les droits des prisonniers terroristes ou accusés de terrorisme.
Non. Il faut une réponse exceptionnelle, mais il ne faut pas un dispositif d’exception. Le Patriot Act, c’est Guantanamo. Je ne le souhaite pas pour notre pays. Il existe aujourd’hui des lois anti-terroristes, on en a encore voté deux l’an dernier. Ces dispositifs sont à améliorer, nous allons y réfléchir tous ensemble et de façon transpartisane.
On sait quand même que les terroristes font du prosélytisme en prison. Est-ce qu’il ne faut pas les mettre à l’écart ?
Bien évidemment. Il y a le sujet de la prison, de savoir comment on isole les détenus islamistes les plus radicaux. Comment on surveille mieux aussi internet, qui est un lieu de propagation d’idées racistes et extrémistes. Comment on améliore le renseignement : il y a une loi qui était en préparation, comment on améliore le système d’écoutes téléphoniques. Comment on se protège mieux. Mais pas un dispositif d’exception : nous sommes un état de droit. Nous devons tirer les leçons de se qui vient de se passer avec les trois jours d’attaque contre la France. Mais nous ne devons pas donner des léçons et aller sur des dispositifs qui ne sont pas efficaces. Il faut améliorer les choses.
Améliorer des choses du point de vue de la sécurité, mais aussi de la Société, et aussi de la Laïcité. Cette laïcité est-ce qu’il ne faut pas d’abord la redéfinir et la réaffirmer ? On sait ce que sait en France aujourd’hui la Laïcité ?
Oui tout à fait. On le sait trop peu. Aujourd’hui des concepts comme la démocratie, comme la République, comme la Nation, ou comme en effet la Laïcité, ne sont pas assez bien expliqués et en particulier, dès le plus jeune âge à nos enfants. Donc il faut une vraie réflexion.
On en parle beaucoup à l’école, mais est-ce qu’il ne faut pas en parler au-delà de l’école ?
Bien évidemment. Nous avons proposé dès hier soir, dans notre séminaire avec le Gouvernement, que nous ayons dans les semaines prochaines de grands débats transversaux au Parlement et hors Parlement aussi, dans la Société, pour refaire du vivre-ensemble. C’est ça qui est très important et qu’on ne soit pas uniquement dans une réponse qui soit de technique policière. Aujourd’hui, le débat est bien plus vaste. On le voit bien dans certaines réactions, certes minoritaires mais qu’il ne faut pas sous-estimer, de ce qui s’est passé à l’école pendant les minutes de silence et d’ailleurs il y aura une action très spécifique sur ce point-là.
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.
Laisser un commentaire