Présent en commission des affaires sociales, j’ai a cette occasion interrogé Michel de Virville qui a été chargé par le gouvernement de réfléchir sur les modalités de mise en œuvre du compte pénibilité qui constitue une des mesures phare ouverte par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
A compter de 2015, les salariés exposés à des facteurs de pénibilité (bruit, vibrations, températures extrêmes, etc.) pourront accumuler des points sur un compte, qui leur permettra de partir plus tôt à la retraite, selon des conditions fixées. Le compte pénibilité permettra aux salariés exposés d’accumuler des points tout au long de leur carrière, ces points leur permettant de se former, travailler à temps partiel ou partir plus tôt à la retraite.
Cette mesure constitue une avancée très importante de notre droit social et permettra enfin que notre système de retraites prenne en compte la pénibilité des tâches dans le calcul de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension. Chacun sait que mieux vaut être cadre dans le sud – est de la France qu’ouvrier dans le Nord – Pas – de – Calais : en termes d’espérance de vie, la différence entre ces deux catégories est de huit à neuf ans ! Nous réparons donc une anomalie qui faisait que la durée de cotisation était identique pour tous, quelle que soit la pénibilité des métiers de chacun, et nous faisons ainsi progresser la justice sociale.
Ma question a Michel de Virville :
“Le législateur ne dispose pas toujours d’études d’impact à la hauteur de ce qu’il attend pour contrôler la mise en œuvre des lois qu’il a votées. C’est d’autant plus important dans le cas qui nous occupe que vouloir rendre efficient le compte personnel de pénibilité dès le 1er janvier 2015 tout en s’assurant que sa mise en œuvre sera simple à la fois pour les entreprises et pour les salariés est un objectif très ambitieux.
La loi renvoyait la définition des seuils d’exposition à la pénibilité à la concertation avec les partenaires sociaux. Êtes-vous parvenus à un consensus sur la définition de ces seuils ou devront-ils faire l’objet de nouvelles discussions ?
Que devient la fiche de prévention des expositions à la pénibilité ? Est-elle remplacée par le décompte annuel dressé pour chaque salarié et qui fera office de fiche d’informations, sans autre formalité ?
Vous faites mention d’un dispositif d’aide aux PME pour les aider à investir dans les moyens de protection des salariés. Ce dispositif s’inscrit-il dans la continuité du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail géré par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail ou s’agit-il d’un nouveau dispositif ?”
La réponse de Michel de Virville :
Nombre de vos questions portent sur la complexité du dispositif. Je ne pense pas que le dispositif que je préconise soit complexe ; je pense que c’est la question de la pénibilité qui est une question sensible : pour un employeur, décider quels sont les employés qui sont fortement exposés à la pénibilité et ceux qui le sont de manière plurifactorielle exige un arbitrage qui, même s’il s’appuie sur un socle de principes et de critères d’évaluation objectifs, dépend de la qualité des relations sociales dans l’entreprise, en particulier dans les PME et les TPE.
Les tensions découlent moins du fait que le dispositif est compliqué que du fait qu’il engage le chef d’entreprise et, dans les grandes entreprises, la direction et l’encadrement, qui auront à rendre des comptes aux salariés sur la manière dont le compte pénibilité est concrètement mis en œuvre sur le terrain. Il faut donc, comme je le préconise, que les caisses d’assurance vieillesse procèdent non à de simples opérations statistiques mais à un recensement complet des déclarations des entreprises, qui permette une évaluation détaillée, activité par activité, facteur par facteur. Il conviendra, à partir de là, d’organiser avec les partenaires sociaux, une nouvelle concertation qui permette de tirer les leçons de cette première année de mise en œuvre du dispositif.
Parlant de complexité, je dois à la vérité de dire que les travaux de notre mission ont été nourris par nos échanges avec le Conseil de simplification, lequel examinera les décrets d’application. Ces échanges nous ont aidés à simplifier le dispositif, ce qui explique une partie des différences entre cette version de mon travail et la précédente.
En ce qui concerne l’application du dispositif, je voudrais m’arrêter ici sur un point que l’on a assez peu évoqué. Je ne fais pas l’hypothèse que les chefs d’entreprise, notamment dans les PME, vont chercher à réduire le nombre de salariés dont ils déclarent l’exposition. Je suis au contraire convaincu qu’ils auront plutôt tendance à le surévaluer. C’est la raison pour laquelle je recommande que les caisses de sécurité sociale contrôlent non seulement les éventuelles sous-déclarations mais également les surdéclarations. En effet, autant il est nécessaire que ce dispositif permette aux salariés fortement exposés d’acquérir des points, autant il ne doit pas se substituer à un système de préretraite.
Quant aux problèmes de sécurité juridique, le choix de s’appuyer sur des moyennes annuelles, sur des seuils et des critères objectifs de pénibilité me paraît de nature à limiter les risques. J’ajoute que, dans la mesure où les points acquis en 2015 ne pourront être consommés qu’à partir de 2016, cela laisse une année aux employeurs et aux salariés pour résoudre, le cas échéant, par le dialogue leurs divergences de point de vue, avant que les déclarations ne soient définitivement scellées. La mise en œuvre du dispositif tout au long de l’année 2015 doit donc permettre de limiter pour l’avenir les risques de contentieux. Elle révélera en tout cas si mon évaluation de la sécurité juridique du dispositif était la bonne.
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