A l’heure où les partenaires sociaux discutent du pacte de responsabilité voulu par le président de la République sur l’avenir du modèle économique français et de sa compétitivité, aucun sujet ne doit être esquivé. Et si la diminution de notre compétitivité était aussi le fait d’un coût du capital trop élevé ? Là où certains attribuent exclusivement les échecs de nos entreprises dans la compétition internationale à un travailleur trop cher, peut-on examiner si la faiblesse des investissements n’est pas aussi la conséquence d’un capital trop cher ?
Aujourd’hui, en termes de coût du travail et de taux de marge des entreprises, la comparaison avec l’Allemagne fait office de juge de paix. Le rapport Gallois a souligné que les marges nettes des entreprises françaises, prises dans leur ensemble, ont baissé depuis plusieurs années et sont devenues sensiblement inférieures à celles de leurs homologues allemandes.
Je propose donc de poursuivre le raisonnement et d’interroger la répartition des bénéfices entre les dividendes et l’investissement, telle qu’elle se pratique en Allemagne et en France. Quand la nation décide, sur proposition du président de la République, d’affecter 30 milliards d’euros pour restaurer les marges des entreprises et favoriser la création d’emploi, il est impératif d’envisager également l’effort qui ira soutenir l’investissement des entreprises.
Qui s’opposerait à ce que le coût du capital fasse partie du débat ? Le coût du capital, c’est la part du bénéfice net que l’actionnaire choisit de décaisser sous forme de dividendes pour se rémunérer. C’est un retour sur son investissement, en contrepartie des risques pris pour créer de l’activité économique et de l’emploi. En cette matière, il est une vertu essentielle : c’est la tempérance. En effet, la pérennité d’une entreprise dépend du bon équilibre trouvé par l’actionnaire entre les bénéfices distribués et ceux réinvestis pour permettre à l’entreprise de se développer.
C’est l’évidence : une rémunération trop faible du capital et l’entreprise peinerait à attirer des investisseurs. A l’inverse, une rémunération excessive la priverait des moyens nécessaires à son bon développement. Une fois encore, la comparaison avec l’Allemagne nous éclaire. L’étude de janvier 2013 du laboratoire Clersé de l’université de Lille-I démontre que les choix faits par les actionnaires d’entreprises allemandes et françaises ont été bien différents au cours des dernières années. Entre 1999 et 2008, alors qu’en France la part des richesses créées et reversées aux actionnaires sous forme de dividendes augmentait de 50 %, dans le même temps les Allemands diminuaient cette part de 10 %.
Il apparaît que la réussite économique allemande a aussi à voir avec cette modération des actionnaires. Schématiquement, quand dans les années 1980 une entreprise française donnait 1 € à son actionnaire, elle investissait 2 € pour se moderniser. En 2009, selon l’étude du Clersé, la même entreprise donne plus de 3 € à son actionnaire et en investit seulement 1.
Cette tendance est-elle soutenable ? Je ne le crois pas, notamment si l’on veut retrouver la croissance et le plein-emploi. L’exemple allemand montre que la maîtrise des dividendes d’hier a permis les investissements d’aujourd’hui qui créeront les emplois de demain.
La politique étant l’art des choix, quelle destination voulons-nous donner aux moyens dégagés par la nation, aux efforts consentis par les Français pour relancer leur économie ? Des pistes sont connues : de la modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices réinvestis, à la création d’un crédit d’impôt investissement.
Autour du pacte de responsabilité, je souhaite que la tempérance, la préférence du long terme sur le court terme, la priorité à l’investissement plutôt qu’aux dividendes contribuent à l’amélioration de la compétitivité de l’économie française.
Benoît Hamon
Tribune parue dans les Echos du 7 mars 2013 et disponible également à cette adresse : http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0203356247673-la-competitivite-francaise-depend-aussi-du-cout-du-capital-655150.php
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Auguste BLANQUI, disait que le capital était du travail volé. L’actionnariat trop rémunéré est de l’usure