Ce lundi 20 janvier s’est ouvert à l’Assemblée nationale les débats sur le projet de loi d’Egalité entre les femmes et les hommes. Après les droits civiques reconnus à la Libération, après les droits économiques et sociaux des années 70 et 80, ce texte vise à définir les conditions d’une égalité réelle et concrète. Cette troisième génération des droits des femmes repose sur un effort sans précédent pour assurer l’effectivité des droits acquis d’une part, mais aussi sur un travail d’éducation et de changement des comportements pour agir sur la racine des inégalités. Je suis intervenu pour défendre l’article 2 qui porte réforme du congé parental.
Une nouvelle fois, la droite va essayer d’imposer son approche réactionnaire du sujet , s’appuyant sur une vision plus idéologique que réaliste de la Société, à l’instar de Nicolas Sarkozy qui affirmait en 2011« qu’aujourd’hui la vie des femmes ressemble à la vie des hommes, les choses ont changé considérablement » (N.Sarkozy, 02/03/11). Mais la réalité dément ce conservatisme.
Les inégalités de traitement et d’opportunités, qui se constituent dès la petite enfance, marquent encore les parcours des femmes et des hommes : 80 % des tâches domestiques continuent d’être assurées par les femmes ; un écart de rémunération de 27 % sépare toujours les hommes et les femmes, lesquelles constituent 80 % des salariés à temps partiel ; il n’y a encore que 23 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40 et seulement huit femmes présidentes d’universités ; l’Assemblée nationale ne compte que 26 % de femmes, en dépit de la loi de 2000 sur la parité. Seuls 14 % des maires sont des femmes.
Si la loi n’est pas le seul instrument de cette instauration de la troisième génération des droits des femmes, des évolutions législatives demeurent indispensables pour consolider les droits et en garantir l’effectivité lorsqu’elle n’est pas acquise, mais aussi ouvrir de nouvelles perspectives à l’égalité.
Réaffirmation du droit à l’IVG
La thématique du droit des femmes à disposer de leur corps était absente du texte initial, les parlementaires ont comblé ce manque. En commission, un amendement du groupe relatif au droit à l’IVG a été adopté. Encore aujourd’hui (près de quarante ans après la loi Veil) l’IVG figure toujours dans le code de la Santé publique non pas comme un droit mais comme une simple dérogation au respect du droit à la vie, une concession admise au nom de la détresse de la femme enceinte. Le nouvel article, introduit en commission, supprime cette notion désuète et inutile puisque la femme est la seule juge de sa situation.
L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes
Je suis intervenu en séance publique pour présenter les grands enjeux de l’article 2, qui réforme le congé parental :
“L’article 2 du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes est très important. En effet, il porte création de la prestation partagée d’éducation de l’enfant en lieu et place du complément de libre choix d’activité (CLCA). La réforme du congé parental est un dispositif qui s’inscrit dans une politique plus large menée par le Gouvernement visant à une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Ainsi, l’accord national interprofessionnel sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle fait l’objet de traductions législatives dans le texte, comme l’accompagnement renforcé vers l’emploi pour les femmes à l’issue du congé parental. De même, le plan d’accueil de la petite enfance porte création de 275 000 places d’accueil supplémentaires – 100 000 en accueil collectif, 100 000 pour les assistantes maternelles et 75 000 pour les enfants de moins de trois ans re-scolarisés.
Michel Heinrich, député UMP, et moi-même avons publié un rapport dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle lorsque Claude Greff était ministre. Il portait sur la performance des politiques sociales et prônait des orientations similaires, en particulier une réforme s’inspirant de ce qu’ont fait nos amis allemands et suédois, c’est-à-dire un congé parental réduit à quatorze mois, mieux rémunéré à hauteur de deux tiers du salaire antérieur et plafonné et enfin mieux partagé entre les hommes et les femmes, ce qui est l’objet de l’article 2 du texte que nous examinons ce soir. Actuellement, 97 % des bénéficiaires du CLCA sont des femmes. Afin que les hommes prennent eux aussi leurs responsabilités éducatives et parentales, il faut voter l’article 2.”
Je suis intervenu une seconde fois pour défendre cet article que les députés UMP voulaient supprimer :
https://youtu.be/G0XyLGKWOoA]
“Je comprends assez mal les critiques formulées sur les bancs de l’opposition, en particulier quand il nous est reproché de ne pas aller assez loin. Cette première étape en appelle d’autres, mais elle a, en tout état de cause, le mérite d’exister : il faut bien enclencher le mouvement, ce que vous n’avez pas fait, chers collègues. Je le répète, cet article 2 constituant une première étape, je ne comprends pas que vous puissiez en demander la suppression.
Certes, le rapporteur a parlé d’un pari, mais nous disposons tout de même d’éléments nous permettant d’évaluer les bénéfices que nous pouvons attendre d’une telle mesure. En Allemagne, la réforme de 2007 a fait passer la proportion de pères bénéficiant de l’allocation parentale de 3 % à 21 %, ce qui constitue un excellent résultat. Les Allemands sont allés beaucoup plus loin que nous dès le départ, en prévoyant douze mois plus deux mois pour les pères, et une allocation proportionnelle représentant 67 % du précédent salaire, plafonnée à 1 800 euros par mois. Avant, peut-être, d’en arriver là, commençons déjà par accomplir ce progrès social consistant à ajouter six mois supplémentaires au bénéfice des pères pour le premier enfant, et à réduire la durée du CLCA – car, on le sait bien, c’est également un enjeu important pour les femmes. En effet, plus elles sont éloignées du marché du travail, plus elles ont de difficulté à réintégrer ce marché ; ainsi, si 72 % des femmes entrant dans le dispositif du CLCA travaillent, elles ne sont plus que 50 % parmi les mères de trois enfants qui en sortent. Il est, à nos yeux, nécessaire de lutter contre ce phénomène.”
Lutte contre la précarité des femmes
En France, les impayés de pensions alimentaires sont de l’ordre de 40%. Cette situation intolérable plonge un bon nombre de femmes dans une précarité grandissante. Aussi, le projet de loi crée une garantie publique aux pensions alimentaires impayées. La CAF versera une allocation de substitution à la mère isolée et pourra réclamer au père le remboursement des impayés.
Un arsenal législatif contre les violences faites aux femmes
Le texte affirme le principe d’éviction du conjoint violent du domicile afin d’assurer une stabilité locative aux victimes. En parallèle, les moyens alloués à la construction de logements d’urgence sont renforcés.
Les téléphones « grand-danger » pour les femmes menacées seront généralisés. Les délais judiciaires sont écourtés afin d’accélérer la prononciation des ordonnances de protection. Les femmes étrangères victimes de violences conjugales seront exemptées des droits de timbre et de tout autre barrière administrative susceptible de les empêcher de porter plainte. En cas de renouvellement du titre de séjour, il n’y a aura plus besoin d’apporter la preuve d’une vie commune avec le conjoint.
Une disposition inédite de lutte contre la récidive prévoit le suivi des auteurs de violences. Ceux-ci seront soumis à des stages de responsabilisation qui pourront accompagner ou remplacer la condamnation
Un amendement du groupe a été adopté afin de renforcer l’arsenal juridique pour lutter contre les mariages forcés : il prévoit la possibilité d’annuler un mariage conclu en contrariété avec les règles du code civil sur le consentement des époux quelle que soit leur loi personnelle.
Enfin, le texte crée un délit général de harcèlement à l’université.
Des sanctions plus lourdes contre le non respect de la parité
Le projet de loi augmente le montant de la modulation financière à l’égard des partis ou groupements politiques au regard de leur respect ou non de la parité. A l’initiative de Bruno Le Roux, président du groupe socialiste, la commission des Lois a relevé le taux de modulation financière applicable à la première fraction de l’aide publique attribuée aux partis politiques qui ne respectent pas la parité à 200%.
Les députés réfléchissent à un élargissement du principe de parité aux conseils exécutifs locaux, aux fédérations sportives, aux chambres de commerce et d’industrie ainsi qu’aux autorités administratives indépendantes.
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