Semaine du 23 au 29 mai

Le député Régis Juanico (PS, Loire) est rapporteur spécial du budget des sports à l’Assemblée nationale. Il est l’auteur, avec Guenhaël Huet (UMP, Manche), d’un rapport parlementaire intitulé « Quinze propositions pour renforcer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur« . En ces temps de crise aggravée, les parlementaires se sont demandé comment rationaliser et améliorer le financement à la fois du sport d’élite et du sport pour tous.
La ministre des sports, Valérie Fourneyron, vient de confirmer que les clubs de football seraient bien soumis à « la taxe à 75 % ». C’est une satisfaction pour vous ?
Je crois que nous sommes parvenus à un bon compromis après concertation avec les instances du football professionnel, même si le débat parlementaire peut encore préciser certaines modalités d’application de la taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations versée par les entreprises. La taxe s’applique à toutes les entreprises, il n’y a pas « d’exception » pour le football professionnel, ce qui n’aurait pas été compris par nos concitoyens, qui sont par ailleurs mis à contribution pour le redressement de nos comptes publics…
Je rappelle que cette taxe ne sera acquittée que pour deux années : 2013 et 2014. L’assiette de la taxe de 50 % concerne uniquement la part de rémunération brute supérieure à 1 million d’euros. Nous avions proposé dans notre rapport un mécanisme de plafonnement : le montant de la taxe est plafonné à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. L’impact financier sur les clubs a été divisé par deux : il sera de l’ordre de 40 millions d’euros, dont 20 millions d’euros pour le seul PSG… Comme le fair-play financier, cette taxe est une mesure vertueuse qui encourage les clubs qui font des efforts de maîtrise de leur masse salariale.
L’AS Monaco échappera à cette taxe. Cela va ranimer le débat sur le privilège fiscal dont elle bénéficierait et qui pourrait fausser l’équité du championnat…
Oui, il y a un problème de distorsion de concurrence évident. L’AS Monaco n’est pas concernée par la taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations. Si le club était soumis à la législation française, le montant de la taxe serait de 20 millions d’euros… Au-delà, Il existe un énorme avantage fiscal et social pour l’ASM que l’on peut estimer à 50 millions d’euros par rapport aux autres clubs de Ligue 1. Au total 70 millions, c’est l’équivalent du budget d’un club de haut de tableau ! Donc, si on veut préserver l’équité sur le terrain sportif vis-à-vis des concurrents de l’ASM, il faudrait que cet avantage soit effacé… ou compensé. Pourquoi ne pas envisager un fonds de mutualisation du même montant qui serait redistribué aux autres clubs de Ligue 1 mais aussi au football amateur ?
Le premier constat que vous dressez dans votre rapport est un constat d’impuissance. Vous estimez que les transferts financiers entre sport professionnel et sport amateur doivent être mieux évalués…
L’économie du sport est dynamique. En France, la dépense sportive s’élève à 35 milliards d’euros par an. Les clubs professionnels génèrent à eux seuls un chiffre d’affaires de 1,7 milliard d’euros. Ces sommes sont significatives. Il existe des flux financiers (la taxe Buffet, qui permet de redistribuer une partie des droits télévisés au sport amateur, une taxe prélevée sur les paris en ligne, les montants prévus dans les conventions entre d’une part les ligues professionnelles et les fédérations et d’autre part les clubs professionnels et les associations support…), mais nous avons une difficulté à mesurer précisément ce que représente la solidarité entre sport professionnel et sport amateur.
Nous avons estimé dans notre rapport à un peu moins de 200 millions d’euros le retour du sport pro au sport amateur, soit près de 10 %. Ce montant peut paraître faible, mais les données dont nous disposons ne reflètent qu’imparfaitement les actions de solidarité du secteur professionnel au profit du sport amateur, qui ne se limitent pas aux seuls montants financiers : formation, mise à disposition des joueurs des équipes de France, coupes nationales… Prenons le football, par exemple : la fédération française (FFF), qui gère le secteur amateur, dispose de 200 millions de ressources. Sur ces 200 millions, 15 millions viennent de la ligue (LFP), qui gère le secteur professionnel. Mais cette somme (7,5 %) ne recouvre pas vraiment la totalité des efforts en direction du foot amateur, que l’on peut chiffrer à 50 millions d’euros.
C’est pour cette raison que nous préconisons l’instauration d’un observatoire de l’économie du sport, afin de mieux appréhender les flux financiers, les retombées économiques du sport sur les territoires et mieux organiser la solidarité entre sport professionnel et amateur.
Que peut-on améliorer ?
Beaucoup de choses. Nous proposons de généraliser les mécanismes de solidarité au sein des conventions entre ligues et fédérations ainsi qu’entre clubs professionnels et associations support. Il faut également « sanctuariser » et consolider les ressources du Centre national de développement du sport (CNDS), qui est le principal financeur du sport amateur sur nos territoires. Nous souhaitons élargir l’assiette de la taxe Buffet aux droits de retransmission cédés à des diffuseurs français par les détenteurs des droits étrangers.
Plus largement, si l’on veut redistribuer, il faut conforter l’économie du sport professionnel et lui permettre de se développer. Nous proposons de nouveaux outils au service de l’économie du sport, comme les fonds de dotation, les fonds d’innovation sociale dans le cadre du développement de l’économie sociale et solidaire ou l’accès aux fonds de la Banque publique d’investissement, qui pourraient être mobilisés pour financer les équipements sportifs.
On parle beaucoup du volet « sport et entreprise »…
Oui, les partenaires privés jouent un rôle croissant dans le financement du sport. Ce rôle doit être encouragé. Nous avons proposé – et nous avons été suivis par le gouvernement – le maintien en l’état des dépenses fiscales ayant un impact dans le développement du sport : les dons mais aussi le mécénat, dont la part dans le sport représente 140 millions d’euros. La Française des jeux est un bon exemple qui intègre systématiquement dans ses partenariats, en plus du volet marketing sportif traditionnel, un volet « sport pour tous » et une dimension éthique.
Il y a aussi les grands événements organisés par des sociétés, type ASO avec le Tour de France ou le Paris-Dakar, qui sont très profitables. Nous souhaitons qu’il y ait un retour de ces bénéfices importants pour le sport amateur, comme le fait la Fédération de tennis grâce à l’organisation de Roland-Garros. Il y a déjà des choses de faites : ASO finance des courses cyclistes amateur, qui sont déficitaires sur le plan financier. Je trouverais assez logique qu’un effort soit fait en direction des pôles espoirs, qui forment les futurs cyclistes des équipes professionnelles nationales. Je souhaite aussi que l’organisation de l’Euro 2016 soit exemplaire en termes de retour vers les clubs amateurs, les jeunes et les bénévoles.
Reportage sur TL7 :
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