Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale ce mardi 19 février 2013 par 315 voix contre 161. Il s’agit là de la concrétisation de l’engagement de campagne n°7 de François Hollande : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs opérations spéculatives ».
Cette séparation des activités passera par la filialisation, c’est-à-dire la séparation, au sein du même groupe bancaire, entre une filiale banque de détail, administrant les paiements et les dépôts, et fournissant les services de base nécessaires au fonctionnement quotidien de l’économie, soumise à des contraintes réglementaires très fortes ; et une filiale regroupant toutes les autres activités.
Au cours de ce débat, j’ai contribué au dépôt de plusieurs amendements visant à renforcer encore la portée de cette réforme. Avec mes collègues députés socialistes et écologistes, j’ai notamment engagé une action résolue contre les paradis fiscaux. Celle-ci a permis d’améliorer l’exigence de transparence des activités des groupes bancaires français dans les paradis fiscaux via la publication annuelle dans les comptes d’informations sur les activités à l’étranger : nom et nature d’activité, produit net bancaire, effectif personnels).
Nous avons également pu réintroduire dans le texte :
– un encadrement de l’activité de tenue de marché par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution : il s’agit d’une activité de marché autorisée pour la maison mère ;
– une définition des instruments de couverture autorisés pour la maison mère, c’est-à-dire de l’investissement dans les produits dérivés, par arrêté du ministre ;
– le vote d’un amendement qui empêche toute garantie publique des activités de la filiale : la barrière existe désormais réellement en cas de crise entre les deux entités ;
– l’assurance qu’un amendement sera adopté en seconde lecture sur le trading haute fréquence dont l’interdiction par les filiales était insuffisante ;
– une avancée sur la transparence en matière de hedge funds ;
– l’élargissement à tous les consommateurs du plafonnement des frais bancaires liés aux découverts. Initialement ciblé sur les plus fragiles et les plus endettés, le plafonnement de ces commissions, avec un montant maximal par mois et par opération, a ainsi pu être élargi à tous les clients particuliers des banques, s’ils n’agissent pas pour besoins professionnels.
La France est la première nation européenne à instaurer une telle régulation de la finance. Et son exemple commence à faire école : l’Allemagne confectionne un projet similaire au sien, la Commission européenne avance des propositions qui vont dans le même sens…
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Retrouvez ci-dessous le texte de la tribune reprise sur Mediapart le 14 février, que j’avais co-signée avec plusieurs collègues députés, saluant le projet de réforme bancaire et appelant à aller plus loin afin que cette loi exprime la primauté du pouvoir politique sur le pouvoir financier.
«Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs opérations spéculatives. J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Il sera mis fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie.»
Tel était l’engagement n°7 de François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle.
C’est en application de cette promesse de campagne que le gouvernement a élaboré un projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, et qu’il a engagé avec le Parlement un réel travail de coproduction législative. Grâce à ce travail conjoint en commission des finances et en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le texte du gouvernement s’est d’ores et déjà trouvé enrichi de dispositions qui permettent au texte d’approcher l’ambition initiale.
Ainsi, les pertes spéculatives d’une filiale ne pourront pas être prises en charge par l’établissement bancaire principal. De même, le périmètre de cantonnement des activités spéculatives sera plus précisément défini. Enfin, la loi permettra une première avancée sur la transparence des activités en lien avec les paradis fiscaux.
Nous nous félicitons de cette coopération entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif car elle contribue non seulement à la bonne association des parlementaires de la majorité à la réussite du changement, mais aussi à une meilleure protection des intérêts de nos concitoyens.
En tant que contribuables, ils pourront demain s’appuyer sur la loi pour lutter contre l’aléa moral. En tant que consommateurs, ils pourront compter sur la loi pour assurer une meilleure protection des déposants. Ces premières modifications du texte sont importantes mais le travail parlementaire doit continuer et permettre de nouvelles améliorations.
Car il faut que ce texte soit à la hauteur des enjeux : sur les 8 000 milliards d’euros de bilan cumulé des banques françaises, 22% seulement sont prêtés à l’économie française à travers les prêts aux particuliers et aux entreprises, tandis que 78% sont dédiés aux activités spéculatives de marché ! Il est donc stratégique de conduire les banques à modifier leurs priorités, qui plus est dans la mesure où il s’agit de l’argent des déposants, et de les réorienter vers le financement de l’économie réelle.
Mais il faut aussi que ce texte permette à la France de se placer en tête des pays qui assurent une régulation efficace du secteur financier au service de l’économie réelle.
Le débat parlementaire devra donc permettre d’aller plus loin, mais bien évidemment toujours dans le dialogue avec le gouvernement. Trois enjeux nous paraissent incontournables:
– imposer une transparence absolue quant aux activités des banques dans les paradis fiscaux;
– garantir que les dépôts bancaires n’alimentent pas les activités spéculatives largement responsables de la crise financière;
– renforcer la protection des épargnants en encadrant et plafonnant strictement les frais bancaires.
Chacun l’aura compris, y compris et même surtout le lobby bancaire, cette loi ne sera pas qu’un outil de régulation technique. Elle devra constituer un acte politique fort permettant de contribuer à la sortie de la crise financière, économique et sociale dans laquelle l’Europe et la France sont plongées depuis 2008. Dans le monde post-Lehmann Brothers, elle devra aussi exprimer la primauté du pouvoir politique sur le pouvoir financier, au moment où l’économie tout entière doit retrouver le sens des réalités sociales.
Guillaume Balas, président du groupe socialiste à la région Ile-de-France, membre du Bureau national du Parti socialiste,
Pascal Cherki, député de Paris, membre de la Commission des finances à l’Assemblée nationale,
Henri Emmanuelli, député des Landes, membre de la Commission des finances à l’Assemblée nationale,
Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis, membre de la Commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale,
Régis Juanico, député de la Loire, membre de la Commission des finances à l’Assemblée nationale,
Christophe Léonard, député des Ardennes.
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