Jeudi 18 octobre, dans le cadre de nos travaux devant le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée Nationale sur la performance des politiques sociales en Europe, nous avons présenté avec mon collègue Michel Heinrich un rapport de suivi qui permet de faire le point dix mois après leur publication, sur ce que sont devenues les vingt préconisations que nous avions formulées.
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– Rapport de suivi de l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe :
M. le président Claude Bartolone. Nous en venons à l’examen des suites données au rapport de MM. Heinrich et Juanico.
M. Régis Juanico, rapporteur. Michel Heinrich et moi-même avions commencé à travailler sur l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe en décembre 2010 ; nous avons présenté notre rapport au Comité le 15 décembre 2011.
Le présent rapport de suivi fait le bilan des actions entreprises depuis cette date. Un tel instrument permet d’instaurer un dialogue avec le Gouvernement et de renforcer la crédibilité des rapports du CEC. Sa préparation est intervenue dans le contexte très particulier des dernières échéances électorales et de l’installation du nouveau Gouvernement. Nous avons adressé notre rapport aux ministres concernés au mois de juillet, en y joignant des questionnaires rappelant nos propositions. Il reste que le Gouvernement n’a pas eu le temps de mettre en œuvre toutes les réformes annoncées et qu’il est difficile pour nous de mesurer à court terme l’efficacité des nouvelles mesures.
Néanmoins, nous notons avec satisfaction que l’esprit de nos propositions se retrouve dans les annonces du Gouvernement. Plusieurs recommandations ont été reprises et appliquées, dont une à l’initiative de la commission des Affaires sociales, dans le cadre d’un amendement au projet de loi relatif aux emplois d’avenir visant à mettre en place un suivi individualisé deux mois avant la fin d’un contrat aidé.
M. Michel Heinrich, rapporteur. L’objet de notre rapport était de comparer les politiques sociales des différents pays européens. Après une partie transversale consacrée notamment aux problématiques liées à la pauvreté, nous avions choisi de centrer notre propos sur les politiques de l’emploi et, plus précisément, sur l’accès et le retour à l’emploi, ainsi que sur la conciliation de la vie familiale avec l’activité professionnelle, avec un focus sur les familles monoparentales.
Notre rapport mettait en exergue le fait qu’un accompagnement intensif et personnalisé du demandeur d’emploi permettait un retour à l’emploi beaucoup plus rapide. Nous constatons qu’un certain nombre de nos préconisations ont été retenues. Le Gouvernement a ainsi annoncé une augmentation substantielle des moyens de Pôle emploi, via une convention tripartite prévoyant la création de 2000 équivalents temps plein (ETP) pour 2014 et l’inscription, dans le projet de loi de finances pour 2013, d’une hausse de 2000 du nombre d’ETP et de 8 % de la dotation à Pôle emploi.
Nous nous félicitons de cette décision, car, comparativement aux autres pays européens, la faiblesse des effectifs de notre opérateur national était patente. Toutefois, nous aurions souhaité que cette augmentation soit réversible, et que les moyens de Pôle emploi puissent être adaptés à la conjoncture. Nous avions été impressionnés par l’exemple du Royaume-Uni qui, en période de crise, avait immédiatement procédé à l’embauche de 15 000 personnes, sous forme de contrats à durée déterminée (CDD). La convention collective de Pôle emploi limitant les CDD ne nous semble pas répondre à l’enjeu de la réactivité, d’autant plus que l’on ignore si des redéploiements d’effectifs vers les régions les plus touchées sont possibles. En outre, on ne connaît pas encore le nombre exact de conseillers qui seront concrètement déployés sur le terrain au service des demandeurs d’emploi.
L’une de nos principales préoccupations était de rapprocher Pôle emploi des usagers et des territoires. Nous observons des signes encourageants allant dans ce sens ; Jean Bassères, le directeur général de Pôle emploi, a confirmé que, suite à l’instruction de janvier 2012, des comités de liaison avaient été reconstitués dans chaque département, et des travaux conjoints menés avec les associations de chômeurs afin de simplifier les courriers.
Il reste des efforts à faire pour simplifier le millefeuille territorial. Nous avions constaté que la France disposait d’une gouvernance singulière en comparaison des autres pays, et que cela constituait pour elle un véritable handicap ; nous comptons huit structures d’accompagnement vers l’emploi quand l’Allemagne en a quatre et le Royaume-Uni deux ! Nous avions observé qu’il n’existait pas de synergie entre les acteurs de l’emploi, ceux de l’entreprise et ceux de la formation professionnelle, et que la coordination entre les acteurs de l’insertion professionnelle et ceux de l’insertion sociale, pourtant essentielle pour les bénéficiaires du RSA, était insuffisante – ce cloisonnement étant un problème quasi culturel.
Les réponses de Pôle emploi et du Gouvernement vont plutôt dans le bon sens. La convention tripartite entre Pôle emploi, l’État et l’Unedic de janvier 2012 prévoit le rapprochement de Pôle emploi, d’une part de l’usager, d’autre part des territoires. Nous préconisions l’octroi de marges de manœuvre aux responsables locaux et la territorialisation des offres de service, et cela a été pris en compte. Le directeur général de Pôle emploi envisage de mettre en place pour ses conseillers des enveloppes fongibles entre prestations et formations dans les agences, avec une évaluation a posteriori. Pôle emploi a définitivement renoncé au métier unique. L’acte III de la décentralisation devrait permettre une clarification du millefeuille en faisant des régions les pilotes des politiques de l’emploi, de formation et de développement économique. À l’échelon des bassins d’emplois, les services publics pour l’emploi (SPEL) devraient associer les élus locaux ; cela se fait déjà en Rhône-Alpes.
Nous resterons attentifs à ce que ces annonces se traduisent concrètement par une amélioration de la situation des usagers, et que le parcours de ceux-ci entre les différents guichets soit simplifié.
Nous avions recommandé d’intensifier les contacts avec tous les demandeurs d’emploi, grâce notamment à l’augmentation des effectifs. Pôle emploi a opté pour une approche plus souple : remplacer le « suivi mensuel personnalisé » (SMP), jugé irréalisable, par une offre de services différenciée. Pôle emploi propose aujourd’hui un accompagnement renforcé pour les chômeurs les plus éloignés du marché du travail – à raison de soixante-dix demandeurs d’emploi maximum par conseiller, cela concernerait, d’après nos calculs, 609 000 personnes au total. La majorité des demandeurs d’emploi bénéficient quant à eux d’un accompagnement guidé. Troisième niveau du dispositif, le suivi et l’appui à la recherche d’emploi via un service totalement dématérialisé sont proposés aux plus autonomes, sur la base du volontariat.
Cette nouvelle stratégie n’est pas aussi ambitieuse que celle que nous préconisions, mais c’est peut-être une façon pragmatique d’agir face à la crise et de tenir compte des besoins différents des demandeurs d’emploi. Cependant, comme nous ne disposons d’aucune information relative à la part respective des demandeurs d’emploi concernés par chaque type d’accompagnement, nous ne pouvons pas évaluer la crédibilité de la nouvelle offre de service. Comment seront sélectionnés les 609 000 bénéficiaires de l’accompagnement renforcé ? Quelle part des usagers de Pôle emploi serait prête à accepter un service totalement dématérialisé ? Quelles seront les conséquences sur le parcours de recherche d’emploi des chômeurs concernés ?
Nous pensons qu’il faut éviter que l’accompagnement dit « renforcé » soit réservé aux seuls chômeurs de longue durée, au détriment de ceux qui pourraient éviter cette situation grâce à une prise en charge adaptée – notamment les parents isolés. C’est pourquoi nous souhaitons que cette nouvelle stratégie fasse l’objet d’une évaluation régulière et que le Parlement soit informé des résultats.
L’approche globale que nous préconisions est désormais un souci partagé par tous. Elle nécessite de la coordination entre les acteurs, des aides et des prestations pertinentes, un diagnostic efficace, de la réactivité et de la souplesse.
D’abord, il convient de lutter contre les freins au retour à l’emploi, donc de mobiliser les aides à la reprise d’activité, avec plus de souplesse. Or, si les enveloppes budgétaires semblent maintenues dans l’immédiat, leur fléchage vers les publics les plus éloignés de remploi pourrait être contre-productif. Nous souhaiterions que l’on donne plus de marges de manœuvre aux conseillers et aux travailleurs sociaux pour l’attribution des aides, quitte à évaluer a posteriori leur gestion.
Ensuite, l’action des acteurs concernés doit être mieux coordonnée. Afin de favoriser le rapprochement des acteurs de l’insertion sociale et professionnelle à l’échelon local, nous préconisons, entre autres, une formation commune aux conseillers de Pôle emploi et aux travailleurs sociaux. Le directeur général de Pôle emploi a fait de ce rapprochement une priorité, mais les relations avec les conseils généraux restent contrastées ; or, aucune amélioration ne sera possible sans le concours de ceux-ci. C’est pourquoi nous souhaitons que les collaborations entre les conseils généraux, Pôle emploi et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) fassent l’objet d’un diagnostic précis et que celui-ci soit rendu public. Il serait bon que la Conférence nationale contre la pauvreté et l’exclusion sociale dégage des pistes opérationnelles afin que l’on compare les politiques menées par les différents départements et que chacun puisse s’inspirer des bonnes pratiques.
Les contrats aidés permettent, en situation de crise, de lutter contre les effets à long terme du chômage pour les personnes structurellement éloignées du marché du travail et servent de tremplin aux chômeurs de longue durée. Nous souhaitions que l’on mette fin à leur instabilité juridique et financière et qu’ils soient mieux ciblés, de manière à éviter les « effets d’aubaine ».
Le Gouvernement affirme que le problème a été identifié et que les contrats aidés seront désormais ciblés sur les personnes les plus éloignées de l’emploi. Les publics prioritaires resteront identiques, afin d’améliorer la stabilité et la lisibilité du dispositif pour les employeurs, les bénéficiaires et les prescripteurs. L’enveloppe consacrée aux contrats aidés sera reconduite par rapport à 2012 ; 340 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et 50 000 contrats initiative emploi (CIE) sont prévus par le projet de loi de finances pour 2013 et la répartition infra-annuelle sera lissée afin d’éviter tout phénomène de « stop-and-go ». Le Gouvernement s’est fixé pour objectif de porter à neuf mois la durée moyenne des CAE en 2013, contre 6 mois en 2011 et 7 mois en 2012. Enfin, le suivi des bénéficiaires a été mis en place pour les nouveaux emplois d’avenir et pourrait être étendu aux autres contrats aidés.
M. Régis Juanico, rapporteur. Je vais maintenant traiter des politiques de conciliation entre le travail et les responsabilités familiales.
Nous avions fait six préconisations pour un meilleur équilibre des temps, avec une double orientation stratégique : réduire les freins à l’emploi, en particulier lorsque se pose la question de reprendre une activité après la naissance d’un enfant ou à l’issue d’un congé parental ; promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous avions d’autre part suggéré trois axes de réforme : le congé parental, l’accueil de la petite enfance et la prise en compte de la parentalité en milieu de travail. Le bilan que nous dressons à ce stade du suivi des préconisations est globalement positif.
S’agissant du congé parental, nous avions proposé que l’allocation de congé parental soit versée sur une durée plus courte mais qu’elle soit mieux rémunérée et, pour favoriser l’implication des pères, qu’une période réservée à l’un des parents soit instituée – c’est ce que nous avons appelé les « mois d’égalité ».
Si la réforme préconisée n’a pas encore été mise en œuvre, du moins la question a-t-elle été clairement posée dans le débat public. À la suite de la grande conférence sociale de juillet dernier, une négociation tripartite sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail a été lancée. L’objectif est d’aboutir à un accord avant la fin du premier trimestre 2013, et le Gouvernement a prévu un point d’étape à la fin 2012. À l’issue de la première réunion du comité de pilotage national sur l’égalité, la ministre a annoncé que la question de la durée du congé parental serait posée, ainsi que celle de sa rémunération et de son partage entre l’homme et la femme.
Nous avions préconisé la mise en place d’un accompagnement renforcé vers l’emploi et la formation pour les bénéficiaires du complément de libre choix d’activité (CLCA), ainsi que le renforcement de la coopération entre les caisses d’allocations familiales et Pôle emploi. Aujourd’hui, 98 % des bénéficiaires du CLCA à taux plein sont des femmes : il convient de favoriser leur retour sur le marché du travail.
Dans le droit fil de cette recommandation, la feuille de route sociale de juillet 2012 a prévu le lancement d’expérimentations en matière d’égalité professionnelle, notamment sur « l’accompagnement renforcé et l’organisation de formations adaptées pour les personnes en congé parental ». Ces expérimentations seront menées dans huit régions ; les actions de soutien aux personnes en congé parental comprendront un accompagnement personnalisé, un accès facilité aux formations, ainsi que des actions sur les freins externes au retour à l’emploi : gardes d’enfant, transports. Un fonds d’expérimentation pour l’égalité réelle sera créé et doté de 18 millions d’euros en 2013, avec des aides du Fonds social européen. Enfin, un accord-cadre entre la ministre des droits des femmes et Pôle emploi est en préparation.
J’en viens à l’accueil de la petite enfance et en particulier au bilan d’étape du plan de développement de l’offre de garde, qui prévoyait notamment la création de 200 000 solutions d’accueil supplémentaires pour les enfants de moins de trois ans avant la fin 2012. Sur les trois premières années de mise en œuvre du plan, on observe tout d’abord une progression de 27 700 du nombre de places en accueil collectif – solde des 40 426 créations et 12 736 destructions –, tandis que le nombre d’« équivalents-places », liés à l’optimisation de l’utilisation des places existantes, a crû de 29 500. Ensuite, on enregistre une progression de 65 700 du nombre d’enfants de moins de trois ans accueillis par des assistants maternels employés par des particuliers.
Des efforts significatifs de mobilisation du réseau de la branche Famille et de ses partenaires ont donc été réalisés. Mais il faut tenir compte d’une part des destructions de places en accueil collectif – de l’ordre de 13 000 sur la période –, et d’autre part du fait que le nombre d’enfants de moins de trois ans accueillis à l’école a baissé d’environ 55 000 dans le même temps.
Nous avions préconisé de mettre un terme à ce mouvement continu de diminution du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, et le Gouvernement a pris des engagements en ce sens. Ainsi, des moyens nouveaux importants seront consacrés à l’école maternelle et à l’école primaire. La loi de finances rectificative pour 2012 a entraîné le recrutement de 1 000 professeurs des écoles dès la rentrée 2012, tandis que le budget de l’enseignement scolaire pour 2013 prévoit une création nette de 8 000 emplois – dont 7 000 enseignants – ainsi que le remplacement de 22 000 départs en retraite. Cet effort devrait permettre d’accroître à nouveau le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans – tombé de 30 % il y a dix ans à 12 % aujourd’hui –, notamment dans les zones et territoires connaissant des situations de difficulté scolaire particulières, qu’il s’agisse de quartiers urbains ou de territoires ruraux. Un bilan précis concernant la scolarisation de ces enfants sera effectué d’ici la fin de l’année.
Dans ce domaine, les orientations du Gouvernement s’appuieront notamment sur les résultats des travaux réalisés dans le cadre de la consultation sur la refondation de l’école et de la mission confiée au Haut conseil de la famille.
Améliorer l’accueil de la petite enfance implique également de procéder à l’analyse des besoins, de l’offre et des disparités territoriales. Nous avions donc demandé que des travaux soient menés pour renforcer le pilotage des politiques publiques en la matière. Il fallait notamment améliorer les connaissances sur la petite enfance et évaluer finement les besoins ainsi que les disparités territoriales concernant la qualité et l’offre des modes de garde.
Des travaux ont été lancés cette année dans le prolongement de cette recommandation. Fin juin, le Haut conseil de la famille a été saisi par la ministre déléguée chargée de la famille de la question de la diversité de l’offre et des disparités d’accès territoriales en matière de modes d’accueil des jeunes enfants, mais aussi d’accueil de loisir des enfants et des adolescents. De leur côté, la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF – et la Direction des recherches, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – ont engagé des études sur les modalités de recours aux établissements d’accueil des jeunes enfants, leurs disparités, les profils des familles demandeuses, les taux d’occupation, ainsi que sur l’évolution de l’offre d’accueil et sa répartition.
Pour le ministère, la priorité consiste aujourd’hui à affiner la connaissance des besoins au niveau local. Des premiers travaux concernant la couverture territoriale ont été menés par la CNAF, en collaboration avec l’INSEE. Nous devrions bientôt disposer d’un indicateur pour mesurer la répartition communale de l’offre d’accueil chez les assistantes maternelles et en établissement d’accueil des jeunes enfants au regard de la demande potentielle.
En ce qui concerne l’amélioration de l’accueil de la petite enfance, les efforts devront être poursuivis dans la durée, dans le cadre de la prochaine convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNAF pour 2013-2016. Il faudra une politique reposant aussi sur une amélioration de la gouvernance, tant à l’échelon national que local, en particulier par une meilleure intégration de la question de la préscolarisation.
Parmi les grands objectifs qui se sont dégagés lors de la conférence sociale de juillet 2012 était notamment soulignée la nécessité de mieux prendre en compte la parentalité dans l’entreprise. Cela rejoint précisément notre analyse : nous avions formulé deux séries de propositions visant à renforcer la négociation collective et à soutenir les bonnes pratiques.
Sur le premier point, il n’y a pas eu de modification législative du code du travail pour inscrire la question de l’articulation entre le travail et les responsabilités familiales dans le champ de la négociation triennale de branche sur l’égalité. En revanche, la négociation qui s’est engagée entre partenaires sociaux sur l’égalité et la qualité de vie au travail doit conduire à la constitution d’un groupe de travail sur la question des négociations collectives obligatoires.
Sur le deuxième point, plusieurs mesures positives concernent le soutien aux bonnes pratiques en matière d’égalité professionnelle et d’articulation des temps de vie. Ainsi, à l’issue de la conférence sociale, les partenaires sociaux et l’État ont convenu d’engager des actions de sensibilisation auprès des entreprises concernées pour conforter la promotion des femmes dans l’encadrement supérieur et dans les comités de direction. Concrètement, une action sera engagée avec un groupe d’une quinzaine de grandes entreprises.
La négociation sur l’égalité et la qualité de vie au travail lancée en septembre dernier traitera notamment de l’articulation des temps professionnels et personnels et de la prise en compte de la parentalité dans l’entreprise. L’articulation des temps fera l’objet d’une attention particulière, via la mise en place d’un site internet et l’accompagnement des entreprises qui participeront aux programmes territoriaux d’excellence en matière d’égalité professionnelle.
Toutefois, aucune évaluation approfondie du crédit d’impôt famille – CIF – n’est actuellement programmée. Rappelons que ce crédit d’impôt, accordé aux entreprises qui réalisent certaines dépenses permettant à leurs salariés de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, représenterait environ 50 millions d’euros cette année.
La question d’une évolution des missions de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail – ANACT – demeure posée. Elle pourrait par exemple se voir confier une mission de diffusion des bonnes pratiques et d’accompagnement des entreprises dans le domaine de l’articulation entre travail et responsabilités familiales.
M. Michel Heinrich, rapporteur. La dernière partie du rapport concerne les familles monoparentales, qui représentent un véritable défi pour les politiques publiques, dans la mesure où elles sont particulièrement exposées au risque de pauvreté. Le taux de pauvreté est de 32,2 % chez ces familles, contre 14,1 % pour l’ensemble de la population. Il est particulièrement élevé quand le parent unique ne travaille pas, alors qu’il est dans la moyenne quand il travaille. Soutenir leur accès à l’emploi est donc un levier stratégique de lutte contre la pauvreté.
Certains pays d’Europe, dont la Suède, ne développent aucune action spécifique à destination des familles monoparentales, mais toute leur politique est fondée sur l’égalité des genres, et leur stratégie, très différente de la nôtre, n’est pas transposable à l’intérieur de nos frontières. En France, nous devons développer les politiques visant à soutenir l’emploi des parents isolés – des femmes en général –, et parallèlement, apporter un accompagnement adapté – social et professionnel – aux parents isolés en situation de vulnérabilité.
Trois axes de réformes peuvent être suggérés : favoriser l’accès au revenu de solidarité active – RSA –, en luttant notamment contre le non-recours ; renforcer l’évaluation des pratiques et améliorer l’information des familles ; soutenir l’accès à l’emploi en développant notamment les coopérations entre collectivités locales, organismes sociaux et acteurs de l’emploi.
Le RSA est une prestation conçue pour lutter contre la pauvreté, mais aussi pour inciter au retour à l’emploi. Or une partie des bénéficiaires potentiels ne le perçoivent pas, parce qu’ils n’en ont pas fait la demande. Nous avions donc suggéré – c’était notre recommandation n° 18 – d’étudier plus finement le phénomène. Depuis, des travaux d’évaluation effectués par la DARES – Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – et par le Comité national d’évaluation du RSA nous ont permis d’en savoir un peu plus. Ainsi, près de la moitié des bénéficiaires potentiels du RSA n’en feraient pas la demande, cette proportion passant à 68 % pour le RSA activité seul. Les bénéficiaires de toutes les formes de RSA étaient 1 834 000 fin 2010, mais le nombre de non-recourants est estimé à 1 736 000 ! La perte financière n’est pourtant pas négligeable pour ces derniers. Au total, le montant non distribué du fait du non-recours aurait atteint 432 millions d’euros.
Le non-recours concerne davantage les couples, les hommes seuls et les foyers sans enfant. Un tiers des personnes concernées ne demandent pas le RSA par méconnaissance du dispositif ; un quart le refusent par principe, parce qu’ils ne veulent pas dépendre de l’aide sociale ; 3 % ont peur de perdre d’autres droits et 3 % estiment que l’apport financier est trop faible.
La faible connaissance du dispositif est donc la raison principale de l’absence de recours à cette prestation. C’est pourquoi il serait nécessaire d’engager de nouvelles campagnes d’information – les précédentes semblent avoir été peu efficaces –, mais aussi des actions ciblées en direction des bénéficiaires potentiels. C’est ce que font certains départements comme la Gironde. Le CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, recommande d’ailleurs de telles actions.
L’amélioration de l’accès au RSA passe également par la poursuite des travaux de simplification des formulaires et des courriers administratifs. Un guide de recommandations sur la participation des bénéficiaires du RSA au dispositif a d’ailleurs été publié, à destination notamment des conseils généraux. Il aborde la question des courriers.
De même, dans le prolongement du plan de simplification du RSA de 2010, on a recensé l’ensemble des courriers et documents envoyés aux allocataires par les caisses. Ce recensement servira de base à la poursuite des travaux de simplification, pour s’assurer notamment que les informations transmises sont facilement comprises et qu’elles correspondent aux décisions prises par les conseils généraux. Il s’agit donc de mobiliser des bénéficiaires du RSA et des conseils généraux, ce qui pourrait être fait sur un échantillon de territoires volontaires.
L’évaluation systématique du non-recours aux droits est une étape incontournable dans la compréhension du fonctionnement des dispositifs. Elle a donc été entamée par le Gouvernement, pour lequel la réduction du non-recours est un objectif prioritaire. Ce dernier entend faire le bilan du RSA dans le cadre de la préparation de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, en décembre 2012. Un plan pluriannuel sera mis en place d’ici 2013.
Il est par ailleurs indispensable d’améliorer l’accompagnement social et professionnel des parents isolés disposant de faibles ressources. Jusqu’à présent, c’est plutôt l’accompagnement social qui a été privilégié, au détriment de l’accompagnement vers l’insertion professionnelle, notamment dans le cadre du RSA majoré.
Dans ce but, nous devons renforcer l’évaluation des pratiques. Le Haut conseil de la famille a ainsi saisi la CNAF d’une demande d’évaluation de l’accès des allocataires de minima sociaux aux établissements d’accueil des jeunes enfants. En effet, pour un parent, l’accès à l’emploi dépend de la possibilité de bénéficier d’une offre de garde – et c’est encore plus vrai, bien entendu, pour un parent isolé. De même, l’offre globale de services à destination des familles pauvres et modestes devra faire l’objet d’une évaluation dans le cadre du bilan de la convention d’objectifs et de gestion. Il convient de poursuivre l’analyse sur ces questions, dans le sens de nos préconisations : étude sur les travailleurs sociaux, leur nombre, la formation et les pratiques actuelles en matière d’accompagnement.
Il convient également de poursuivre les efforts entrepris en matière d’information des familles pour mieux faire connaître l’ensemble des aides, par exemple en publiant un guide destiné aux familles monoparentales.
En matière de coopération entre les CAF et les collectivités territoriales – et notamment les départements –, des progrès sont réalisés, non seulement dans le cadre de la mise en œuvre du RSA, concernant en particulier l’offre d’accompagnement des familles monoparentales, mais aussi dans celui des conventions territoriales globales. Des expérimentations permettent de renforcer la coordination entre les CAF et les niveaux communal et départemental. La Caisse nationale des allocations familiales propose aux départements une offre sur trois niveaux : un socle de base d’information et de conseil pour favoriser l’insertion, un appui social au référent emploi et un accompagnement à l’insertion sociale, première étape vers une insertion professionnelle.
Des expérimentations sont réalisées pour mieux accompagner les parents isolés vers l’emploi. Nous avions notamment préconisé d’accroître les aides à la garde d’enfant – sachant que les crédits consacrés à l’aide à la garde d’enfant pour parent isolé, l’AGEPI, ne sont pas entièrement consommés –, mais aussi d’améliorer l’accès à la formation et de sensibiliser les agences de l’emploi à ces questions. Encore faut-il que les personnes concernées – notamment les bénéficiaires du RSA majoré – soient en contact avec Pôle emploi, ce qui n’est pas toujours le cas.
Ces questions devraient être traitées plus largement dans le cadre de l’évaluation du RSA et des dispositifs d’accompagnement de ses allocataires. La conférence nationale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, prévue en décembre 2012, sera l’occasion d’établir un diagnostic partagé avec les acteurs concernés. Il est notamment prévu un groupe de travail sur les minima sociaux ainsi qu’un atelier sur l’emploi, qui abordera la question de l’insertion professionnelle des jeunes et des personnes les plus éloignées de l’emploi. La situation des travailleurs pauvres et l’emploi précaire seront également étudiés.
M. Christian Jacob. Je félicite les deux rapporteurs pour l’ampleur du travail qu’ils ont réalisé.
J’exprimerais une réserve au sujet de la petite enfance, car je ne considère pas que la scolarisation des enfants de moins de trois ans soit nécessairement un facteur de progrès. Certes, une scolarisation précoce peut être bénéfique pour l’équilibre de certains enfants. Mais cela ne signifie pas que nous devons la rendre systématique, ni même que nous devons nous donner pour objectif d’augmenter le taux de scolarisation des moins de trois ans. Dans de nombreux cas, l’école maternelle n’apporte rien aux enfants de cet âge.
Par ailleurs, un travail important doit être réalisé pour accompagner les personnes ayant pris un congé parental afin de favoriser leur retour à l’emploi. C’est particulièrement vrai pour celles qui ont pris plusieurs congés successifs : il en résulte souvent une situation de discrimination lors du retour à l’emploi, ou des incidences sur le déroulement de la carrière.
Je suis donc favorable à un accompagnement renforcé vers l’emploi pour les bénéficiaires du CLCA. En revanche, un allongement de la durée du congé n’est pas souhaitable.
M. Régis Juanico, rapporteur. Justement, nous préconisons l’inverse.
M. Christian Jacob. C’est préférable, en effet, car plus le congé est long, plus difficile sera le retour à l’emploi.
En ce qui concerne les modes de garde, il est essentiel de laisser aux parents une totale liberté de choix. Le rôle de la puissance publique est de proposer aux parents l’offre la plus complète possible, mais pas d’établir un classement entre les différentes solutions. Le bon mode de garde, c’est celui qui est adapté à la demande des parents.
Quant au crédit d’impôt famille, il faudrait trouver le moyen d’en développer l’usage, car les entreprises n’y ont pas suffisamment recours. Non seulement cet outil peut servir à prendre en charge une partie des coûts de garde d’enfants, mais il peut aussi permettre à une entreprise de contribuer au financement d’une crèche dans une commune. Or, quand les salariés ne sont pas préoccupés par la recherche d’un mode de garde pour leurs enfants, on en mesure immédiatement les effets en termes d’amélioration des conditions de travail et de réduction de l’absentéisme.
M. Jacques Myard. Je suis étonné par l’absence de toute évaluation permettant de mesurer l’efficacité du travail de Pôle emploi. Est-il possible de savoir dans quelle mesure cette institution favorise le retour à l’emploi ?
Les rapporteurs préconisent de concentrer les efforts sur les personnes les plus éloignées de l’emploi, c’est-à-dire celles qui sont au chômage depuis un an ou plus. Une telle préoccupation est tout à fait légitime sur le plan social. Mais qu’en est-il sur le plan économique ? En donnant la priorité aux personnes qui viennent juste de perdre leur emploi, de telle sorte qu’elles en retrouvent un autre très rapidement, ne peut-on pas espérer un effet d’entraînement de la machine économique susceptible de bénéficier à tout le monde ? Je formule prudemment cette hypothèse.
Par ailleurs, les rapporteurs ont raison de souhaiter un effort supplémentaire en direction des familles monoparentales, qui cumulent les difficultés.
Pour finir, je m’interroge sur la politique de la CNAF. Plus particulièrement, la mise en place de la prestation de service unique – PSU – constitue un véritable scandale, tant cette politique pénalise les collectivités territoriales qui ont fait des efforts pour offrir des places en crèche.
Mme Martine Pinville. Les deux rapporteurs ont effectué un travail énorme dont le résultat est très intéressant.
En raison des difficultés rencontrées par Pôle emploi et de la variété des politiques publiques menées par les différents conseils généraux, l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi est plus ou moins bien assuré selon le lieu où elles habitent. Il conviendrait d’examiner la question de plus près afin de réduire les disparités territoriales en ce domaine.
Il est vrai que l’on peut s’interroger sur la durée du congé parental, dans la mesure où une durée trop longue est source de difficultés au moment du retour à l’emploi.
Quant à la situation des parents isolés, et notamment des femmes, elle pose en effet un vrai problème.
Sur toutes ces questions, des solutions sont proposées, mais elles se heurtent au manque de coordination entre les différentes structures. Sur ce point, un effort doit être réalisé.
En ce qui concerne la petite enfance et les solutions de garde, un des problèmes vient de la difficulté à évaluer les besoins des parents : ni les caisses d’allocations familiales ni les conseils généraux ne disposent des outils nécessaires. Il est donc important de parvenir à une meilleure connaissance en ce domaine.
M. François de Rugy. Il est vrai, monsieur Jacob, que la puissance publique n’a pas à imposer tel ou tel mode de garde. Mais les différents modes correspondent à des sources de financement différentes. Ainsi, l’accueil à l’école maternelle des enfants âgés de deux à trois ans – qui ne sera jamais rendu obligatoire – est financé par l’éducation nationale, donc par l’État.
M. Jacques Myard. Et par les collectivités !
M. François de Rugy. Oui, pour une part. Mais chacun sait que ce mode de garde n’a pas le même coût qu’une crèche municipale ou associative. Les rapporteurs ont donc eu raison de souligner que le nombre d’enfants scolarisés de moins de trois ans a diminué de 55 000 au cours des dernières années : en supposant qu’un nombre équivalent d’enfants ait été accueilli en crèche, il en aura résulté un transfert de la charge financière vers les collectivités locales. Il est en outre moins coûteux d’accueillir des enfants dans une école maternelle que dans une crèche, parce que le taux d’encadrement n’est pas le même.
En matière d’insertion sociale et professionnelle, les rapporteurs ont parlé de relations « contrastées » entre Pôle emploi et les conseils généraux. Pourraient-ils nous donner des éclaircissements à ce sujet ? Pour ma part, je ne doute pas que le millefeuille institutionnel ait des effets néfastes. Nous avons appris que le nombre d’acteurs concernés par l’emploi était beaucoup plus important en France que dans d’autres pays. Je ne pense pas que cela soit une bonne chose pour les demandeurs d’emploi.
M. Pierre Morange. Je félicite les rapporteurs pour l’immense travail accompli.
On a parlé de relations contrastées entre Pôle emploi et les conseils généraux. Sait-on exactement dans quelles parties de notre territoire se posent les problèmes de coordination entre dispositifs nationaux et locaux d’aide au retour à l’emploi ?
Par ailleurs, nos rapporteurs ont-ils conduit une réflexion sur une notion que la loi a instituée en 2008, celle « d’offre raisonnable d’emploi » ?
En matière de protection sanitaire et sociale, de politique de la famille comme dans bien d’autres domaines, la complexité de notre système institutionnel, la variété des acteurs et leur cloisonnement ont un effet contre-productif pour les politiques engagées. C’est d’ailleurs ce phénomène qui a conduit à la création du CEC.
Ainsi, alors que le précédent gouvernement – reprenant une suggestion de la MECSS – avait décidé la mise en place de sites internet d’information, sur le modèle de mon-enfant.fr, au plan local, avoir une bonne connaissance des offres de service disponibles relève pour les familles du parcours du combattant.
Mme Claude Greff. L’absence de coordination entre les différentes structures compétentes – dont le conseil général – explique les difficultés d’application de la politique familiale. Il est vrai, cependant, que la CNAF a fait de gros progrès en ce domaine. Elle se tourne vers les collectivités pour améliorer la connaissance des prestations qu’elle propose.
À mon avis, le soutien à la parentalité en entreprise n’est pas suffisamment mis en avant dans le rapport. Il s’agit pourtant d’un moyen essentiel de permettre aux femmes de mieux concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle.
En ce qui concerne les modes de garde, les difficultés viennent d’une insuffisante diversification. Si certaines crèches ont fermé, c’est peut-être parce qu’elles n’étaient pas aux normes, mais surtout parce qu’elles ne répondaient pas aux besoins des familles. En milieu rural, par exemple, il est nécessaire de proposer des horaires de garde étendus pour tenir compte des temps de déplacement. Plus généralement, les familles doivent se voir proposer des modes de garde variés : crèches, assistantes maternelles, maisons d’assistantes maternelles, etc.
Vous avez mis en évidence les difficultés spécifiques rencontrées par les familles monoparentales, mais en omettant un problème crucial, celui du versement de la pension alimentaire.
Le crédit d’impôt famille reste encore trop méconnu des entreprises, même si les CAF font le nécessaire pour les informer. Certaines entreprises négligent même délibérément cet outil. Il faudrait trouver le moyen de les contraindre.
Enfin, il est nécessaire d’être vigilant sur la convention d’objectifs et de gestion que l’État et la CNAF sont en train de négocier pour la période 2013-2016. Ce document touche en effet à plusieurs questions que nous avons abordées aujourd’hui : retour au travail après un congé parental, situation des familles monoparentales et, plus généralement, place de la famille dans notre société.
M. Jean-Christophe Fromantin. J’ai apprécié l’accent mis par les rapporteurs sur la territorialisation. L’optimisation de la dépense publique exige un ajustement plus précis aux réalités locales. Nous devons aussi mieux synchroniser nos politiques économiques et nos politiques sociales et pour cela, à la veille du débat annoncé sur l’approfondissement de la décentralisation, nous interroger sur la segmentation souhaitable des compétences. À ce jour, la CNAF ne fait pas preuve de la souplesse nécessaire pour s’adapter au terrain, tant s’en faut : imposer aux communes la prestation de service unique (PSU) et les contraintes qu’elle induit aura des effets négatifs sur la construction de places de crèche.
Dans un autre domaine, la personnalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi est indispensable – comment prétendre que les besoins d’un quinquagénaire peu qualifié habitant la campagne seraient les mêmes que ceux d’un jeune cadre diplômé habitant la région parisienne ? Les trois modalités d’accompagnement définies par Pôle emploi sont donc bienvenues, mais il reste à approfondir la question de la durée, du rythme et du socle des indemnisations.
M. Laurent Furst. Au moment où le Gouvernement annonce l’augmentation de l’effectif de Pôle emploi, je m’interroge sur les missions de cet opérateur. Il ressort de mes conversations avec les chefs d’entreprise que, de plus en plus souvent, ils embauchent sans jamais avoir eu aucun contact avec Pôle emploi, soit qu’ils aient recruté par le bais de l’Internet, soit qu’ils aient maintenu en poste du personnel appelé initialement à remplir des missions d’intérim. Avant de s’interroger sur les moyens de l’opérateur public, il serait donc utile de savoir quelle est sa part du marché du recrutement en France. On peut même se demander si sa mission ne serait pas de s’occuper des gens qui ne se trouvent pas sur le marché de l’emploi « naturel ».
Il a été question de favoriser l’accès au revenu de solidarité active (RSA) en améliorant l’information sur ce dispositif. Mais si tous les foyers éligibles au RSA demandaient à en bénéficier, dans quelle situation financière se trouveraient les nombreux départements dont les finances sont déjà dans un état périlleux ?
Il me paraît enfin que la phrase : « Nous donnerons-nous les moyens de… » n’a guère de sens. Il faut considérer, outre la dette publique, celle des entreprises et celle des ménages.
M. le président Claude Bartolone. J’appelle l’attention sur l’incidence très favorable de notre politique d’accueil de la petite enfance sur le taux de natalité en France, bien plus élevé que celui d’autres pays européens vieillissants – sans parler de celui du Japon où, par tradition, rien n’est fait à ce sujet.
S’agissant de l’accueil en classes maternelles des enfants de moins de trois ans, il suffit de relire l’imposant recueil des rapports consacrés à la question par l’Éducation nationale pour mesurer l’heureux effet de la scolarisation précoce sur les résultats obtenus ensuite dans le premier degré.
Le RSA présente la complication intrinsèque, monsieur Furst, d’être une intervention contra-cyclique. Les personnes éligibles au dispositif étant plus nombreuses au moment même où le rendement des droits de mutation à titre onéreux s’affaiblit, il en résulte un effet de ciseau pour les départements. Il conviendrait donc de signaler que, pour pouvoir continuer d’offrir cette prestation, les politiques sociales doivent être stabilisées au juste niveau. Aujourd’hui, certains départements n’ont aucun intérêt à faire de la publicité sur l’accès au RSA ; or les personnes éligibles qui ne font pas valoir leurs droits sont celles dont les difficultés sont les plus grandes.
Enfin, la qualité du rapport qui nous a été présenté affermit ma conviction que les missions d’évaluation et de contrôle menées au sein du CEC doivent être encore renforcées, et ma détermination à batailler contre les innombrables comités Théodule, dont les divers travaux d’évaluation gagneraient grandement à être rapatriés au Parlement.
M. Michel Heinrich, rapporteur. Tout l’intérêt du CEC est que les suites données à ses rapports sont évaluées.
Plusieurs orateurs, dont Mme Pinville et M. de Rugy, ont évoqué les disparités territoriales. La méthode suédoise, à cet égard, est séduisante. Les 260 communes, qui gèrent les questions sociales, sont soumises par l’État à une comparaison annuelle conduisant à un classement. Chacune doit expliquer les résultats qu’elle a obtenus et la manière choisie pour y parvenir. L’adoption d’une méthode similaire favoriserait la diffusion des bonnes pratiques en France où, il est vrai, les disparités sont très importantes ; certains départements ont ainsi renoncé à financer un réfèrent « emploi », se limitant donc à traiter le volet social du RSA.
M. Myard s’est interrogé sur l’efficacité de Pôle emploi. Notre rapport initial en traitait précisément, et c’est ce qui nous a conduits à recommander des indicateurs de suivi, qui ont été rendus obligatoires dans la convention tripartite signée en janvier 2012 entre l’État, l’Unedic et Pôle emploi.
Monsieur Furst, les offres d’emplois transitent majoritairement par Pôle emploi. Outre que le recours aux opérateurs de placement privés n’a pas, globalement, une meilleure issue, ces derniers tendent, parce qu’ils sont rémunérés au résultat, à « écrémer » les publics traités, préférant prendre en charge les personnes les plus proches du retour à l’emploi.
La fusion entre l’ANPE et l’Assedic est survenue au pire des moments et Pôle emploi n’était pas à son meilleur, alors, pour répondre au problème posé. L’Allemagne et le Royaume-Uni ont fait mieux que nous. Depuis lors, des efforts considérables ont été accomplis au sein de Pôle emploi, qui se sont traduits par l’amélioration certaine de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Je ne dispose pas de chiffres précis, mais la condamnation implicite de l’opérateur public perceptible dans vos propos n’a pas lieu d’être car il est avéré que le recours au secteur privé, quel que soit le pays d’Europe considéré, n’a pas donné de meilleurs résultats.
M. Laurent Furst. J’en suis d’accord.
M. Michel Heinrich, rapporteur. Enfin, le principe de « l’offre raisonnable d’emploi » n’est pas appliqué, les conseillers de Pôle emploi s’y étant refusé avant qu’une circulaire gouvernementale n’en suspende l’application à cause de la crise.
Comme vous, nous nous interrogeons sur la stratégie générale à suivre pour accroître la performance des politiques d’emploi. C’est pourquoi nous souhaitons que le dispositif d’accompagnement différencié des demandeurs d’emploi prévu fasse l’objet d’une évaluation régulière et que le Parlement soit informé des résultats. Faut-il concentrer les moyens sur ceux qui sont le plus éloignés du marché du travail ? Selon nos calculs, 609 000 personnes devraient bénéficier d’un accompagnement « renforcé ». Toute la question est de savoir comment elles seront sélectionnées. L’effort doit bien sûr concerner tous les demandeurs d’emploi, mais concentrer les moyens sur des personnes très éloignées de l’emploi peut avoir pour conséquence que des demandeurs d’emploi qui étaient initialement dans une meilleure situation ne finissent par se trouver eux aussi durablement éloignés du marché du travail.
M. Régis Juanico, rapporteur. Notre objectif n’est pas de généraliser la scolarisation des enfants âgés de moins de 3 ans. Il conviendrait de remonter à 30 % d’ici la fin de la mandature. Plusieurs études montrent que la scolarisation précoce est particulièrement utile aux enfants issus de familles défavorisées. Accroître le nombre de classes pour la petite enfance, c’est favoriser la réussite scolaire ultérieure. Mieux vaut dépenser maintenant pour prévenir des échecs et éviter de devoir réparer à grands frais des problèmes sociaux futurs.
M. Jacques Myard. Cela doit donc dépendre des territoires.
M. Régis Juanico, rapporteur. Oui, et il faut aussi prendre en considération le cas des familles monoparentales. La scolarisation précoce est gage de meilleure socialisation et facilite l’acquisition ultérieure des savoirs. Elle permet donc de réduire le nombre de « décrocheurs » potentiels ; en cela, c’est une mesure de prévention sociale intéressante.
Les bénéficiaires du congé parental connaissent, à partir du deuxième enfant, un éloignement important de l’emploi : près de 30 % des bénéficiaires – des femmes dans la plupart des cas – entrent dans le dispositif alors qu’elles n’ont pas d’emploi, mais elles sont 38 % plusieurs mois après la fin du congé. La durée de celui-ci a un effet d’autant plus néfaste sur la possibilité de retour à l’emploi que le nombre d’enfants est important, la qualification des bénéficiaires faible et qu’il s’agit d’une famille monoparentale. Le Gouvernement privilégie donc la piste d’un congé plus court et mieux rémunéré, partagé avec le père ; on pourrait, à ce sujet, s’inspirer de l’Allemagne.
Pour ce qui concerne l’offre de garde, des travaux récents du Haut Conseil de la famille montrent que pendant la période 2009-2011, environ 57 000 places supplémentaires ont été créées en accueil collectif – dont la moitié correspondent à des « optimisations de place » – et 65 000 enfants supplémentaires ont été accueillis par des assistantes maternelles. Mais, dans le même temps, le nombre d’enfants de moins de 3 ans scolarisés a chuté d’environ 55 000. Si près de 125 000 places ont donc été créées, pour un objectif de 200 000, 55 000 doivent être retranchées du total. L’évolution des capacités d’accueil est d’ailleurs un indicateur très fragile, et mieux vaudrait en choisir un autre plus représentatif de l’offre. On sait par exemple que le nombre d’heures d’accueil facturées pour la garde des enfants de moins de 3 ans a augmenté de 12 % entre 2008 et 2011.
M. Jacques Myard. C’est fonction du taux d’occupation des berceaux, et je maintiens que la PSU, invention technocratique, est un dispositif ubuesque, onéreux et ingérable par les communes : quand des parents disent avoir besoin d’un accueil pour leur enfant pendant trois ou cinq heures, le reliquat coûte une fortune à la collectivité.
M. Laurent Furst. C’est tout à fait exact.
M. le président Claude Bartolone. Je remercie les rapporteurs.
Le Comité autorise la publication du rapport de suivi.
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