Le dernier débat public du Val de Marne, organisé dans le cadre des élections primaires du Parti socialiste, s’est tenu mardi à l’Espace Robespierre d’Ivry sur Seine, animé par la journaliste politique Michèle Cotta et organisé à l’initiative de la section PS de la ville et de son secrétaire Mickaël Gonin.
A cinq jours du premier tour des élections primaires, les représentants des six candidats ont affirmé leurs positions et leurs divergences devant 120 personnes, dont une majorité d’Ivryens. Suivant un ordre de passage tiré au sort, chaque représentant avait huit minutes pour prendre la parole et répondre aux questions de la journaliste Michèle Cotta, avant un échange avec le public. Parmi les sujets évoqués : la fiscalité, la jeunesse, l’économie, la retraite et l’Union Européenne.
Fiscalité et pouvoir d’achat, les nerfs de la guerre
Sur les questions financières, les représentants des candidats ont été unanimes sur les réformes fiscale et bancaire. « Il faudra faire de la redistribution, c’est quand même surprenant qu’une personne qui gagne le SMIC ait le même taux d’impôt que quelqu’un de riche», a expliqué Eduardo Rihan Cypel, conseiller régional de Torcy et remplaçant d’Aurélie Filippetti pour représenter François Hollande. Victor, 25 ans, professeur de mathématiques au collège et Pierre, 22 ans, étudiant à Sciences Po, voteront pour l’ancien Secrétaire du PS le 9 octobre. « Nous avons pris notre décision il y a déjà deux ou mois mois, sa crédibilité et la cohérence de son discours nous ont convaincus. Personne n’est capable de comprendre la fiscalité aujourd’hui ».
Pour Ségolène Royal, incarnée en la personne de Dominique Bertinotti, la réforme bancaire passe aussi avant tout. « C’est la loi de l’argent qui domine, nous assistons à une marchandisation du service public. La crise, exceptionnelle, nécessite des mesures exceptionnelles. Il faut recentrer les banques sur leur vrai métier, à savoir prêter », a affirmé la maire du IV ème arrondissement de Paris en évoquant la création d’une banque publique d’investissement.
Représentant Martine Aubry, le député Régis Juanico a rappelé la nécessité de défendre le pouvoir d’achat et de mutualiser les aides via les banques d’investissement : « Il faut donner un coup de pouce au SMIC, il y a un rattrapage de cinq cents euros à faire ».
Roger-Gérard Schwartzenberg, président d’honneur du Parti radical de gauche (PRG) a défendu le programme de Jean-Michel Baylet, le candidat du PRG, en revenant sur la notion de « progrès social » cher à son parti avant d’évoquer les « cadeaux fiscaux accordés au privilégiés », qualifiant l’UMP « d’Union pour un Maximum de Privilèges ». Et d’évoquer les niches fiscales : « Elles représentent 104 milliards d’euros. Le PS propose la reprise de 50 milliards d’euros de ces niches pour endiguer la dette et aider les secteurs en difficulté.»
A la question de Michèle Cotta : « Qu’est-ce que vous faites durant les six premiers mois, si vous êtes élus ? », Ali Soumaré, conseiller régional d’Île de France et représentant de Manuel Valls, s’est levé pour défendre la réduction de la dette «primordiale» alors qu’ aujourd’hui, «on paye autant d’intérêts que ce que l’on emprunte.»
Aquilino Morelle, directeur de campagne d’Arnaud Montebourg s’est adressé aux citoyens sur un ton solennel : « Mes camarades, nous avons tous voté un programme socialiste, il faut reprendre le contrôle de la finance. Si nous ne faisons rien, nous serons placés sous la tutelle de Moody’s (ndlr :organisme qui note les pays sur leur gestion financière).» Il a également soutenu le projet de VIe République cher au président de la Saône et Loire, et évoqué la nationalisation des banques : « Je précise que ce programme ne coûterait pas un euro, c’est une reprise de contrôle par la loi » a-t-il expliqué.
L’éducation, un socle social mis à mal
Pour Jérôme, 36 ans, qui a assisté au débat, la priorité reste la place donnée au service public « Il faut restaurer un peu de ciment social ». Cet enseignant en classe de 4e et 3e, à Paris, sait globalement où vont ses préférences mais n’exclut pas de voter pour le Parti Communiste (PC) ou Europe Ecologie Les Verts (EELV) lors du premier tour de l’élection présidentielle en mai prochain. « Pour l’instant il n’y a que des propositions de principe, je me demande si la création de 60 000 postes d’enseignants est faisable, j’ai parcouru le programme du PS, ça ménage la chèvre et le chou, ça n’est pas vraiment révolutionnaire».
Pour les candidats, l’éducation et la jeunesse figurent aussi parmi les priorités communes. Eduardo Rihan Cypel et Sandrine Bernard, adjointe au maire d’Ivry sur seine ont rappelé le rôle fondamental de la jeunesse dans une société et plaidé pour le projet d’Etats généraux de la jeunesse que François Hollande souhaite mener durant sa campagne présidentielle. Eduardo Rihan Cypel, lui, a insisté sur les stages non rémunérés tandis que Roger-Gérard Schwartzenberg a pris la parole au nom du PS : « Les mesures prises ces dernières années ont mises l’école en péril. Le PS est profondément attaché à l’école publique et laïque, il faut remettre l’éducation nationale au cœur de notre projet solidaire.»
Pour Aquilino Morelle, « l’objectif n’est plus le bac, c’est la licence ». Côté public, le discours est le même. « Dans le collège où je travaille, on manque de moyens, il y a encore de l’amiante à certains étages. C’est un bâtiment qui date des années soixante-dix, il y a eu zéro budget depuis », a expliqué Victor, qui enseigne en 4e, 5e et 6e.
La retraite à 60 ans, pour ceux qui le souhaitent
La retraite, dont la réforme date d’il y a tout juste un an a également fait l’objet d’interrogations de la part du public. Interpellé par une étudiante, Régis Juanico a évoqué la possibilité du maintien de l’allocation personnalisée d’autonomie, sous conditions de ressources. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de supprimer le dispositif de subventions des heures supplémentaires « Avec l’argent récupéré, on crée 300 000 emplois d’avenir, c’est opérationnel immédiatement, contrairement aux contrats génération ». Le « contrat génération », une mesure phare du programme de François Hollande favorisant l’emploi des jeunes et des séniors, n’a pas su convaincre ses adversaires aux primaires. Martine Aubry, comme tous les candidats au PS est favorable à la retraite à 60 ans pour ceux qui le souhaitent et qui ont cotisé suffisamment. « On fabrique des chômeurs séniors qui vivent d’allocations, il faut également prendre en compte la pénibilité au travail » a commenté Régis Juanico.
Même position pour le ségoléniste Dominique Bertinotti : « Le mépris de la contestation du peuple sur la réforme de la retraite témoigne de la nécessité de rompre avec le gouvernement actuel.» Eduardo Rihan Cypel et le directeur de campagne de Montebourg n’ont pas dit autre chose. « La retraite, c’est le patrimoine de ceux qui n’ont pas de patrimoine » a repris Aquilino Morelle en citant son favori.
Le nucléaire et l’Europe
« J’ai l’impression que les politiques ne sont pas du tout au courant du projet Phénix, estime Victor, Je n’ai pas eu de réponse à ma question ce soir.» Phénix est un réacteur nucléaire de recherche qui visait à fournir de l’électricité et à étudier la réutilisation des déchets nucléaires. Il a été arrêté le 12 septembre 2009, mais fonctionnera comme outil de recherche jusqu’en 2012, avant un démantèlement dont la durée prévue est de 15 ans. Le jeune homme connaît bien le sujet : « Le nucléaire reste un fleuron de l’industrie française. Je suis pour le projet Phénix et la fusion nucléaire, si on arrive à faire ça avec un partenariat européen et japonais, on devient les rois de l’électricité », s’est-il enthousiasmé avant d’ajouter « Je suis aussi pour le démantèlement de certains réacteurs, Hollande me paraît plus crédible sur une réduction de 25 % d’énergie nucléaire.»
Les représentants sont également revenus sur la relation franco-allemande et la croissance, un sujet épineux. Aquilino Morelle a repris le terme de dé-mondialisation prôné par Arnaud Montebourg : « Toutes les puissances se protègent sauf nous », avant de préciser : « Le protectionnisme que nous proposons est évidemment européen ».
Des Primaires populaires
Dans une ambiance studieuse, le dernier débat dans le Val de Marne a été l’occasion de faire un point sur ces premières primaires ouvertes au public. Tous les représentants des candidats ont admis avoir eu « peur » pour reprendre le terme de Michèle Cotta qui évoquait la prise de risque, mais ont approuvé cette initiative. Pour Roger-Gérard Schwartzenberg, ce dispositif devrait s’étendre à tous les partis. « Nous avons réussi le fait de quasi monopoliser le champ médiatique sur nos propositions, nous aurons mobilisé notre électorat », a ajouté Régis Juanico.
Une habitante d’Ivry a aussi approuvé le dispositif « Je trouve que c’est une bonne formule. Mais je ne peux pas dire que j’ai changé d’avis sur le choix du candidat, c’est presque décidé ». Son compagnon, 81 ans, estime au contraire le coût de l’opération trop élevé : « Ils pourraient se débrouiller entre eux, ils se sont donnés beaucoup de mal, ces primaires ont nécessité beaucoup de moyens humais et financiers. C’est peut-être un intermédiaire entre la démocratie directe et la démocratie traditionnelle, celle d’il y a deux cents ans ». Pour Claudine et Juan, venus assister à la rencontre et respectivement âgés de 65 et 73 ans, la gauche doit faire un bilan. Retraitée ayant travaillé au sein d’un organisme public, Claudine, qui a toujours voté à gauche, n’a pas encore fait le choix définitif d’un candidat. « Tout ce qui compte, c’est que Nicolas Sarkozy s’en aille le plus vite possible », a-t-elle assuré. Les primaires socialistes se tiendront les 9 et 16 octobre
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