Initié en 1986 par le Gouvernement français sur proposition de Coluche, fondateur des « Restos du Cœur », le PEAD a été mis en place en 1987 par le Président de la Commission Européenne, Jacques Delors, pour soulager les plus démunis, en récupérant sur les marchés européens les stocks de denrées alimentaires invendus.
Pour un coût annuel avoisinant les 500 M€, soit 1% du budget de la Politique Agricole Commune (PAC), et 1€ par habitant, le PEAD permet d’apporter une aide alimentaire à 13 millions de citoyens en Europe, répartis dans 19 Etats-membres, parmi les 80 millions d’Européens vivant sous le seuil de pauvreté. C’est l’équivalent de 440 000 tonnes d’aide alimentaire.
La France, avec 78 M€, est le 3e bénéficiaire, après la Pologne et l’Italie. 4 millions de personnes défavorisées sont concernées. Dans le département de la Loire, par exemple, le PEAD a bénéficié, en 2010, à 18 000 personnes démunies, ce qui représente un équivalent de 3 millions de repas.
En France, le PEAD est réparti entre quatre grandes associations en charge de l’aide alimentaire : la Croix Rouge Française, les Banques Alimentaires, le Secours Populaire et les Restos du Cœur. Le PEAD représente un apport financier très important ; il équivaut, selon les associations, entre 25% (Banques alimentaires) et 55% (Secours Populaire) du budget alimentaire de l’année écoulée.
Depuis quelques années, la diminution très forte des stocks européens a conduit la Commission Européenne à opérer, outre la distribution des stocks, des achats sur le marché pour alimenter le PEAD. Ces achats, subsidiaires au départ, sont devenus majoritaires par rapport à l’utilisation des denrées stockées. Saisie par l’Allemagne, notamment, la Cour Européenne de Justice a contraint la Commission à appliquer le Programme d’Aide selon le règlement actuel, sur la base des seuls stocks.
En rendant, le 13 avril 2011, un avis favorable à l’Allemagne, interdisant à la Commission de compléter par des achats les stocks d’intervention insuffisants pour alimenter le PEAD, la Cour Européenne de Justice a tout simplement condamné l’Europe à une crise alimentaire et une crise humanitaire dès 2012.
En raison de stocks extrêmement bas, la Commission Européenne a proposé de ramener le montant du PEAD de 480 M à 113 M€, ce qui couvre à peine un cinquième des besoins associatifs. Ainsi, l’aide allouée à la France se trouvant réduite de 72 à 15,9 M€ (-75%), ce sont près de 130 millions de repas annuels qui ne seront plus distribués par les associations françaises à l’avenir.
En juin 2011, les quatre associations françaises ont publié une plate-forme commune intitulée Défendre l’aide alimentaire aux plus démunis, laquelle présente une série de propositions pour réformer au plus vite le PEAD. Par ailleurs, cette plate-forme fait part du soutien des associations aux propositions formulées par la Commission Européenne –en particulier par le commissaire à l’Agriculture Ciolos (lire)- en vue de sauver et de faire évoluer le PEAD, et qui permettraient d’offrir un cadre juridique stable à l’aide alimentaire européenne.
Malgré la mobilisation des élus, des associations et des citoyens, cette réforme n’a pu être adoptée par le Conseil des Ministres de l’Agriculture, le 20 septembre à Bruxelles, en raison d’une minorité de blocage constituée par l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et la République Tchèque. De toute évidence, ces pays, en se réfugiant derrière l’argument que cette aide est du ressort des politiques nationales, souhaitent la suppression totale du PEAD. La décision de prolonger le PEAD, sous sa forme actuelle ou sous une autre (Fonds Social Européen), a été repoussée à une prochaine réunion des Ministres de l’Agriculture au mois d’octobre…
Aujourd’hui, la remise en cause du PEAD, l’une des seules politiques européennes de solidarité concrète et sociale, dont la gestion rigoureuse a été soulignée par l’Inspection Générale des Affaires Sociales en 2008 et par la Cour des Comptes Européenne en 2009, est un très mauvais signal politique pour l’opinion européenne.
Le démantèlement d’un dispositif aussi vital que le PEAD arrive au plus mauvais moment de la crise économique et sociale, avec l’aggravation, partout en Europe, de la pauvreté et de la précarité (jeunes, retraités, familles monoparentales, travailleurs pauvres…). A titre d’exemple, lorsqu’il a été auditionné par les députés du groupe « Socialiste, Radical et Citoyen » le 16 mars dernier, Olivier BERTHE, Président des “Restos du Cœur”, a évoqué une augmentation de la fréquentation des “Restos” de 25% en trois ans.
L’absence de décision rapide, le 20 septembre à Bruxelles, traduit la montée des égoïsmes nationaux et une régression du projet européen et de sa dimension de solidarité. Ce triste épisode constitue un véritable naufrage des valeurs de l’Europe.
Il est inacceptable qu’un problème juridique prive de ressources vitales les millions de bénéficiaires du PEAD. Nous assistons au triomphe de la bureaucratie et de la technocratie des institutions européennes. Encore une fois, l’Europe prend le risque d’apparaître comme hautement technocratique et complètement déconnectée de la souffrance des citoyens, alors que des solutions techniques existent.
Les chefs d’Etat européens, en particulier Nicolas Sarkozy, doivent prendre leurs responsabilités de toute urgence et faire aboutir le plus vite possible une réforme du PEAD par la création d’un cadre juridique stable et d’un dispositif renouvelé et pérenne inscrivant durablement l’objectif de sécurité alimentaire des populations européennes.
Mercredi 21 septembre, dans le cadre d’une mobilisation nationale des quatre principales associations bénéficiaires du PEAD en France, Gérard Ribeyron, Président de la Banque Alimentaire de la Loire, Michel Gorce, Président de la Croix Rouge Française – Loire, Florence Perron, Présidente des Restaurants du Coeur – Loire et Dominique Roche, Présidente du Secours Populaire Loire organisaient une conférence de presse au sein des locaux de la Banque Alimentaire de la Loire. Au lendemain de l’annonce du report d’une décision quant au devenir du PEAD, les Ministres de l’Agriculture européens ayant échoué à trouver un compromis, il est désormais grand temps de sensibiliser l’opinion publique sur ce sujet majeur dont les conséquences risquent de mettre en péril le droit imprescriptible à l’alimentation pour des millions d’Européens.
Vous trouverez ci-dessous l’ensemble de mes questions et interventions relatives au PEAD, ainsi que les réponses reçues à ce jour :
Courriers Ministres et Commissaire Européen
Retrouvez également la plate-forme commune des quatre principales associations bénéficiaires du PEAD en France :
PEAD-20110707-Lettre_associations
Illustration : http://www.dessinateur.biz/blog/2011/06/22/nactualites-lunion-europeenne-va-diviser-par-5-son-aide-alimentaire-aux-plus-demunis/
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