Semaine du 23 au 29 mai

Mercredi 1er juin, Philippe Marquet, paysan et ancien secrétaire général de la Confédération paysanne de la Loire, comparaissait devant le Palais de Justice de Saint-Etienne pour des actions de blocage menées au cours de l’année 2009, au plus fort de la crise laitière. Assigné par le groupe Lactalis, Philippe Marquet a bien évidemment reçu de très nombreux soutiens : celui de ses confrères de la Confédération paysanne et collègues paysans, mais aussi celui de nombreux élus du département, maires et Conseillers Généraux de Gauche.
Tous s’étaient donnés rendez-vous le 1er juin dernier pour une journée de mobilisation, place Jean Jaurès, à Saint-Etienne, journée dont le point d’orgue devait être une manifestation, dûment déclarée et autorisée, jusqu’aux marches du Palais de Justice. Mais le cortège s’est trouvé bloqué aux abords du tribunal par les CRS, qui n’ont pas hésité à faire usage de la force pour repousser les manifestants à l’aide de matraques, de gaz lacrymogènes, de fumigènes et même de flashball. Plusieurs manifestants ont été blessés.
Dans quelle République vivons-nous pour que des manifestants pacifistes et des élus de la République ceints de leurs écharpes tricolores puissent être maltraités de la sorte ? Cet usage injustifié et disproportionné de la violence est intolérable.
Retrouvez l’intervention de Jean-Claude Bertrand, Président du groupe de la Gauche Démocrate et Socialiste au Conseil Général de la Loire, lue aux manifestants avant le départ du cortège :
Mesdames, Messieurs,
En tant que Président du Groupe de la Gauche démocrate et socialiste au Conseil général de la Loire, il m’a semblé totalement naturel d’être à vos côtés aujourd’hui pour contester la tenue de ce procès.
J’aurais souhaité que le Président du Conseil général lui-même soit ici aujourd’hui pour montrer que le Département soutient pleinement la Confédération paysanne, Philippe Marquet et à travers eux tous les agriculteurs ligériens qui se sont mobilisés durant la crise laitière de 2009.
Malheureusement, M. BONNE considère que notre collectivité n’a pas à intervenir dans le cours normal de la justice. C’est ce qu’il a affirmé pour justifier l’abstention des 19 conseillers généraux qui ont refusé de voter la motion de soutien que nous avons présentée le 23 mai dernier à l’Assemblée départementale.
Mais nous sommes une majorité de conseillers généraux – 21 sur 40 – à avoir voté ce texte car nous pensons que la justice ne devrait tout simplement pas avoir à intervenir dans ce cas.
Nous dénonçons en effet ce recours de plus en plus fréquent aux tribunaux pour arbitrer dans des conflits sociaux. Cela procède d’une volonté délibérée de criminaliser, pour mieux les marginaliser, la contestation et l’engagement collectif sous toutes leurs formes. Initiée aux plus hauts sommets de l’État par le Président de la République lui-même, cette manœuvre est relayée par ses alliés politiques et économiques, tel ce grand groupe laitier.
Pas très loin d’ici, dans le Roannais, le député UMP Nicolin a ainsi intenté une procédure contre 5 militants syndicaux, leur reprochant d’avoir utilisé contre lui la maxime rendue célèbre par Nicolas SARKOZY au Salon de l’Agriculture il y a quelques années.
La démarche de la Société Lactalis est d’autant plus contestable qu’elle vise non seulement une organisation syndicale, mais aussi l’un de ses responsables, à titre personnel. Ceci est un déni du principe même du syndicalisme, dont les formes de contestation sont fondamentalement collectives et non individuelles.
Être présents aujourd’hui, avec vous, ce n’est pas refuser l’indépendance de la Justice, c’est dire tout simplement que celle-ci ne peut être brandie contre des droits fondamentaux comme la liberté d’expression, le droit de grève et les libertés syndicales.
Nous étions à vos côtés en 2009. Je me souviens ainsi du 8 juin, devant la Préfecture, où nous étions côte à côte, agriculteurs et élus, face aux forces de l’ordre venues vous déloger. Nous n’étions pas le 17 juin devant Lactalis, mais nous aurions pu : car cette action, comme toutes celles que vous avez menées tout au long de vos 57 jours de mobilisation en 2009, était parfaitement légitime.
Dans le vœu que nous avions fait voté par l’Assemblée départementale le 22 juin 2009, nous approuvions d’ailleurs votre combat sans restriction aucune et dans chacune de ses manifestations. Cette motion avait fait l’unanimité parmi les conseillers généraux…
La présence des représentants du Conseil général aujourd’hui est donc tout à fait naturelle. Elle est même indispensable car le Département doit être le premier partenaire et le premier soutien du monde agricole.
Notre collectivité a besoin des agriculteurs pour mener à bien nombre de ses missions. Nous nous appuyons sur la profession agricole pour le développement économique de notre territoire : l’agriculture et l’agroalimentaire constituent ensemble le troisième pôle économique de la Loire, avec 15 000 emplois.
Ce secteur présente en outre les avantages de proposer des emplois non délocalisables et de ne pas s’inscrire dans une concurrence avec d’autres secteurs d’activité. Et puis, chaque euro d’aide à l’agriculture est immédiatement réinvesti dans l’économie locale.
Nous avons besoin du monde agricole pour conserver un monde rural vivant, pour préserver nos paysages, pour assurer un aménagement du territoire harmonieux et bien sûr pour accéder à une alimentation de qualité. A l’heure où le « développement durable » fait florès, quel secteur répond mieux à son exigence de conciliation de l’économique, du social et de l’environnemental que l’agriculture ?
Pour que, demain, il y ait encore des agriculteurs pour faire vivre nos campagnes, encore faut-il qu’eux-mêmes puissent vivre décemment du fruit de leur travail. C’était tout le sens de leur mobilisation du printemps 2009.
Dans ce contexte, le cynisme de Lactalis, premier groupe laitier européen qui n’a certes pas à s’inquiéter des fins de mois de ses actionnaires ou dirigeants, et qui ose vouloir extorquer de l’argent à des agriculteurs qui se sont mobilisés pour leur survie, est intolérable.
Dans ces conditions, il m’apparaît effectivement incontournable d’être aux côtés du monde agricole. Je regrette une nouvelle fois que le soutien de l’exécutif départemental soit si sélectif. Il a tort de réserver son attention et son soutien à une seule organisation professionnelle. La Confédération paysanne est certes minoritaire aux dernières élections, mais elle représente une vraie force de proposition pour la profession. Elle a été la locomotive de la mobilisation sur le prix du lait et sur de nombreux autres sujets.
Quant à nous, nous vous réaffirmons toute notre solidarité. J’espère de tout cœur que votre voix, que notre voix, sera entendue et que la procédure de Lactalis fera tout simplement chou blanc !
Je vous remercie de votre attention.
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